Le décret n° 2019-1437 du 23 décembre 2019 « relatif aux contrats d'assurance ou de capitalisation comportant des engagements donnant lieu à constitution d'une provision de diversification et adaptant le fonctionnement de divers produits d'assurance », qui vise à mettre en œuvre la réforme des contrats d'assurance-vie « Eurocroissance » prévue par l'article 72 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, est entré en vigueur le 1er janvier dernier.
Ce décret précise les modalités de fonctionnement des produits d’assurance-vie qui relèvent de l’article L. 134-1 du Code des assurances.
Le décret prévoit également diverses mesures complémentaires d'application de la loi Pacte. Il adapte ainsi les modalités d'exercice de l'option de remise en titres prévue par l'article L. 131-1 du Code des assurances afin de tirer les conséquences des modifications introduites par l'article 72 susvisé. Il définit les règles de fonctionnement des plans d'épargne retraite (PER) catégoriels interentreprises en application de l'article L. 224-24 du Code monétaire et financier, tel que modifié par l'ordonnance du 24 juillet 2019 portant réforme de l'épargne retraite. Il adapte les règles de la participation minimale aux excédents pour les organismes relevant du livre II du Code de la mutualité, à la suite de la création d'une comptabilité auxiliaire d'affectation pour les PER, et étend à 15 ans le délai d'utilisation de la provision pour participation aux excédents pour ces engagements. Il prévoit enfin les modalités de fonctionnement du cantonnement des engagements pris au titre d'un PER et donnant lieu à la constitution d'une provision de diversification.
Les bons et contrats de capitalisation constituent des placements financiers, dont les modalités sont très variables. Ils sont généralement émis pour une longue durée, moyennant le versement d’un intérêt ou produit qui n’est pas mis en paiement chaque année, mais capitalisé jusqu’à l’échéance du contrat. Le souscripteur s’engage à verser, soit une prime unique, soit des primes périodiques. Ces bons comportent une possibilité de remboursement anticipé dont la contrepartie est éventuellement une diminution du rendement attendu. Le montant de ce remboursement correspond à la valeur de rachat, variable annuellement, dont le montant figure au contrat.
Au terme du placement, c’est-à-dire soit à l’échéance, soit lors du remboursement anticipé, le souscripteur reçoit son capital, diminué des frais, et augmenté des intérêts ou produits capitalisés au cours de la vie du bon.
Les bons ou contrats de capitalisation peuvent également être placés sous le régime de l’anonymat.
Ils sont souscrits auprès de sociétés « de capitalisation » moyennant le versement d’un intérêt ou produit qui n’est pas distribué chaque année, mais capitalisé jusqu’à l’échéance du bon ou contrat.
Ils peuvent faire l’objet d’une demande de remboursement anticipé moyennant une diminution du rendement attendu.
I) Contrat d’assurance-vie et le bon et contrats de capitalisation.
A) Dispositions propres aux assurances vie
Contenu de l'obligation d'information – Avant la conclusion d'un contrat d'assurance-vie ou de capitalisation, un devoir d'information et de conseil renforcé pèse sur l'assureur.
S'agissant du devoir d'information, l'article L. 132-5-2 du Code des assurances impose aux compagnies d'adjoindre au projet de contrat ou à la notice visés par l'article L. 112-2 du Code des assurances une « note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation ». Le même texte précise cependant que « la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance ou de capitalisation comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat.
L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires » (Cour de cassation, 2e chambre civile du 8 mars 2018, n° 17-10.864).
L'encadré doit être rigoureusement conforme aux prescriptions de l'article R. 132-3 du Code des assurances, sous peine des sanctions encourues pour manquement au devoir d'information (Cour de cassation, 2e chambre civile du 21 mai 2015, n° 14-18.742: l'indication du montant des frais de gestion dans l'encadré figurant sur la proposition de contrat « valant note d'information » n'étant pas conforme aux exigences légales, justifie sa décision la cour d’appel qui autorise le souscripteur de l'assurance-vie à faire usage de la faculté de renonciation au contrat que lui ouvre l'article L. 132-5-2 en cas de manquement de l'assureur à son devoir d'information. – Cour de cassation, 2e chambre civile 22 octobre 2015, n° 14-25.533 : l’assureur manque à son devoir d’information lorsqu’il encadre les informations requises « en haut par un titre, sur le côté droit par un grand trait vertical, à gauche par la mention “dispositions essentielles”, en bas par un gros trait horizontal », deux traits ne constituent pas un « encadré » au sens de l’article L. 132-5-2 du Code des assurances. – Cour de cassation, 2e chambre civile 8 septembre 2016, n° 15-23.328, 15-23.329 et 15-23.330.
Quant à l'obligation de conseil « renforcée », elle résulte de l'article L. 132-27-1 du Code des assurances (Ord. n° 2009-106, 30 janv. 2009), lequel oblige l'assureur à préciser « les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur ou l'adhérent ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un contrat déterminé. Ces précisions […] sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance ou de capitalisation proposé ». L'alinéa 2 du même texte impose à l'assureur de s'enquérir auprès du souscripteur ou de l'adhérent de ses connaissances et de son expérience en matière financière. L'article R. 132-5-1-1 du Code des assurances (D. n° 2010-933, 24 août 2010) fixe les modalités de mise en œuvre de cette obligation de conseil.
Le contrat doit comprendre un certain nombre de mentions obligatoires (Code d’assurance, art. L. 132-Code d’assurance, art. L. 132-9-1).
B) Sanctions
Le manquement à l'obligation d'information précontractuelle (Code d’assurance art. L. 132-5-2) est sanctionné par une prorogation du délai de renonciation au contrat jusqu'au 30e jour suivant la date de remise effective des documents, dans la limite de 8 ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu (Cour de cassation, 2e chambre civile 21 mai 2015, n° 14-18.742).
Depuis la loi du 30 décembre 2014(L. n° 2014-1662, 30 déc. 2014, entrée en vigueur le 1er janv. 2015), le bénéfice de cette prorogation du délai est réservé « aux souscripteurs de bonne foi ». Le législateur a ainsi mis un terme à une jurisprudence de la Cour de cassation estimant que le droit de renoncer, en se prévalant de la prorogation du délai, était discrétionnaire de sorte que la mauvaise foi de celui qui l'invoquait – alors qu'il avait une parfaite connaissance du contenu du contrat et des risques financiers encourus en raison des supports choisis – n'était pas un obstacle à l'exercice de la renonciation (Cour de cassation, 2e chambre civile 7 mars 2006, n° 05-10.366).
En posant l’exigence de bonne foi, la loi du 30 décembre 2014 (applicable aux contrats souscrits à compter du 1er janvier 2015) a incité la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence. Par un arrêt de revirement du 19 mai 2016, la deuxième chambre civile a en effet décidé que « si la faculté prorogée de renonciation prévue […] en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus » (Cour de cassation, 2e chambre civile 19 mai 2016, n° 15-12.767.
Le manquement aux autres obligations légales d'information entraîne, le cas échéant, la responsabilité de l'assureur défaillant.
Quid de la procédure en cas de perte des bons de capitalisation ?
II) Procédure en cas de perte des bons de capitalisation
La procédure à suivre en cas de perte ou de vol de bons de capitalisation est prévue aux articles L. 160-1 et L. 160-2 du Code des assurances. Il faut en faire déclaration de perte ou de vol à l’entreprise d’assurance, de capitalisation ou d’épargne, à son siège social, par lettre recommandée avec avis de réception. L’entreprise destinataire en accuse réception à l’envoyeur, en la même forme, dans les 8 jours au plus tard de la remise ; elle lui notifie en même temps qu’il doit, à titre conservatoire et tous droits des parties réservés, acquitter à leur échéance les primes ou cotisations prévues dans le cas où le tiers porteur ne les acquitterait pas, afin de conserver au contrat frappé d’opposition son plein et entier effet. Cette déclaration emporte opposition au paiement du capital et de ses accessoires.
A) Demande d’autorisation de délivrance d’un duplicata
Pour simplifier les procédures judiciaires et s’adapter aux nouvelles évolutions numériques, une réforme judiciaire est mise en œuvre depuis le 1er janvier 2020, portant sur l’organisation et le fonctionnement des juridictions. Les tribunaux d’instance et de grande instance situés dans une même ville sont regroupés en une juridiction unique : le tribunal judiciaire.
La seule possession d’un bon de capitalisation ayant fait l’objet d’une procédure d’opposition est équivoque. Un porteur déclare le vol de ses bons de capitalisation et, conformément à la procédure prévue aux articles L. 160-1 et suivants du Code des assurances, forme opposition au paiement des bons, se fait délivrer des duplicata des titres originaux et en obtient le remboursement après deux années. Puis, une personne présente en remboursement les originaux de ces bons à l’assureur qui les séquestre jusqu’à ce qu’une décision de justice tranche la question de la propriété desdits bons. La dernière porteuse des originaux des bons assigne l’assureur en paiement et appelle en cause le premier porteur qui avait fait opposition.
L’arrêt d’appel retient à bon droit que la possession des originaux était équivoque, compte tenu de la procédure d’opposition formée par le premier porteur. De ce fait, la porteuse des originaux n’était pas fondée à se prévaloir du droit de créance incorporé à chacun de ces bons, la possession des originaux des bons ne valant pas titre de propriété.
En l’espèce, l’opposition avait bien été faite dans les 2 ans, mais à la banque et non au siège social de la société d’assurance, contrairement à ce que prévoit l’article L. 160-1 du Code des assurances. Cependant, aucun texte ne prévoit la nullité de l’opposition non faite au siège social de la société d’assurance ; la Cour de cassation juge donc que l’opposition est valable. Ce qui importe, c’est que l’assureur soit informé de l’opposition. L’opposant doit, après un délai de 2 ans, demander au tribunal judiciaire l’autorisation de se faire délivrer un duplicata du bon de capitalisation, le porteur pouvant bien évidemment contester l’opposition.
B) Remboursement des bons de capitalisation
L’émetteur d’un bon au porteur ne peut refuser le remboursement que dans deux hypothèses : en présence d’une opposition régulière ou en cas de détournement de propriété du bon.
En l’espèce, une société de droit luxembourgeois, exerçant l’activité d’intermédiaire financier, présente au paiement plusieurs bons de capitalisation au porteur, initialement souscrits en France, en refusant de révéler l’identité des tiers pour le compte desquels elle agit. Pour refuser le remboursement, l’émetteur invoque l’article L. 563-1 du Code monétaire et financier qui fait obligation, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, de s’assurer de l’identité de son client occasionnel ou de la personne au bénéfice duquel l’opération est réalisée. Le porteur luxembourgeois demande en référé que l’émetteur soit condamné à lui verser une provision.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui avait débouté le porteur de sa demande en référé-provision : la seule circonstance que le porteur n’agit pas pour son compte et refuse de fournir les renseignements requis par l’article L. 563-1 du Code monétaire et financier est insuffisante pour caractériser un tel risque et rendre l’obligation sérieusement contestable. En effet, un émetteur d’un bon au porteur ne peut s’exonérer de son obligation de remboursement, en l’absence de toute opposition régulière, que dans l’hypothèse d’un détournement de propriété du bon litigieux.
SOURCES :