Cette démarche est essentielle pour permettre à chaque bénéficiaire de prendre légalement possession de ce qui lui est attribué.
I- Quand doit-on demander la délivrance de legs ?
Il est nécessaire de demander la délivrance du legs dans trois cas :
Lorsqu'une personne a été désignée comme légataire dans le testament d'une personne décédée et qu'elle souhaite obtenir la remise des biens qui lui sont légués.
Lorsque le légataire est confronté à des héritiers réservataires (ceux qui ont droit à une part inaliénable des biens selon la loi) et doit obtenir la délivrance de son legs malgré leur présence.
Lorsque le legs fait l'objet d'un refus de délivrance de la part des héritiers ou de l'exécuteur testamentaire.
II- Pour quel type de legs ?
La délivrance des legs fait référence à l'action par laquelle les héritiers d'une personne décédée remettent les biens légués aux bénéficiaires.
On distingue trois types de legs :
Le legs universel : Dans ce cas, le testateur lègue à une personne l'ensemble des biens qu'il laissera après son décès. Un exemple courant est le legs de la quotité disponible. Lorsque les héritiers réservataires renoncent à leurs parts, le légataire peut recevoir la totalité de la succession.
Le legs à titre universel : Le défunt, par le biais de son testament, lègue une part déterminée des biens qu'il peut disposer selon la loi.
Le legs particulier : Ce type de legs concerne une catégorie spécifique de biens. Le testateur donne ainsi à un légataire un élément précis faisant partie de la succession.
III- La délivrance de legs à l’amiable
La délivrance du legs est considérée juridiquement comme la reconnaissance et la réalisation des droits du légataire universel. Elle permet d'entrer en possession du bien légué et de bénéficier des fruits qu'il produit.
Selon la jurisprudence, la délivrance n'est pas soumise à une forme spécifique et peut résulter d'un accord amiable ou d'une prise de possession du bien.
Par exemple, si une personne désignée légataire d'une maison dans le testament du défunt prend possession de celle-ci et agit comme son propriétaire, sans rencontrer d'opposition de la part des autres héritiers, cela constitue une délivrance.
Dans le cas où le légataire est à la fois légataire et héritier réservataire de la succession, il est automatiquement saisi des biens et n'a pas besoin de demander la délivrance du legs, que celui-ci soit universel, à titre universel ou particulier.
La possibilité pour le légataire universel d’entrer en possession du bien sans procédure en raison de la vraisemblance de ses droits sur les biens de la succession est prévue par la loi dans certains cas. Selon l’article 724 du Code civil (1), le légataire universel institué par testament authentique a la possibilité d’entrer en possession des biens même s'il n'a pas la qualité d'héritier légal, s'il n'existe pas d'héritier réservataire.
IV- La délivrance de legs par voie judiciaire
Si le légataire se trouve en concurrence avec les héritiers réservataires, il ne peut pas prendre possession d'un bien légué sans solliciter au préalable la délivrance de son legs. Cette exigence ne s'applique que lorsque le légataire se trouve en concurrence avec au moins un héritier réservataire.
Dans ce cas, le légataire universel devra toujours demander la délivrance du legs, même en présence d’un testament authentique. En effet, selon l’article 1004 du Code civil (2), en présence d'héritiers réservataires, ces derniers sont saisis de plein droit et « le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament ».
Les héritiers réservataires de la succession sont les bénéficiaires d'une part inaliénable des biens selon la loi. En tant que tels, ils ont la priorité dans la succession, car ils sont automatiquement saisis de plein droit des biens et des droits du défunt dès son décès.
Par conséquent, lorsque des héritiers réservataires sont présents, que ce soit un légataire universel, un légataire à titre universel ou un légataire particulier, ils doivent tous demander la délivrance de leur legs.
Si la délivrance des legs est refusée, le litige successoral sera soumis à la décision du juge judiciaire.
Il est important de souligner que tous les frais liés à la délivrance des legs, tels que la rédaction des actes, les inventaires, les éventuelles procédures judiciaires, et autres, sont à la charge de la succession.
L'assignation en délivrance du legs est un acte juridique délivré par un huissier de justice qui permet d'entamer une action en justice. Elle est utilisée par une personne qui a la qualité de légataire pour demander la délivrance du legs auquel elle prétend.
Cette assignation doit être délivrée à la fois au défendeur (les héritiers) et à la juridiction compétente, le Tribunal judiciaire. Elle est utilisée lorsque les héritiers refusent de remettre aux légataires la part qui leur revient selon les dispositions du testament du défunt, ou en cas de difficultés dans la mise en œuvre de cette délivrance.
V- Quels sont les effets de la transmission du legs ?
Lorsque le legs concerne un bien immobilier, il convient de distinguer trois étapes :
1. Avant la délivrance
Le légataire est formellement propriétaire du bien, mais il n'a pas le droit de jouir des fruits ou des revenus qui en découlent. Il ne peut pas prendre possession du bien ni en faire usage.
Il ne peut ni occuper la maison à des fins personnelles, ni la louer pour percevoir des loyers.
2. Après la délivrance, mais avant le partage
Le légataire est considéré comme un copropriétaire indivis du bien qui fait l'objet du legs. Il a le droit d'en prendre possession, d'en user et d'en jouir, ainsi que de bénéficier des fruits et des revenus qui en découlent.
Il peut donc pleinement profiter de la maison, la louer et percevoir les loyers correspondants. Cependant, il ne peut pas en avoir une utilisation exclusive, car les autres héritiers sont également copropriétaires indivis du bien.
3. Après la délivrance et après le partage
À ce stade, le légataire dispose de tous les droits de propriété inhérents. Il devient le seul et unique propriétaire du bien.
Lorsque le legs porte sur des biens mobiliers, ils peuvent être remis aux bénéficiaires conformément aux dispositions testamentaires. Cela peut impliquer une remise matérielle des biens ou une mise à disposition symbolique, en fonction de la nature des biens et des accords conclus entre les parties concernées.
VI- Quels sont les recours des héritiers ?
Lorsque les héritiers sont confrontés à une demande de délivrance de legs, ils sont tenus de donner suite afin de respecter les dernières volontés du défunt telles qu'exprimées dans son testament. Cependant, si les legs sont en violation des droits des héritiers, ces derniers ont la possibilité de soumettre la demande du légataire au jugement du tribunal compétent. Ce dernier examinera la validité et la légitimité des legs qui lui sont présentés.
Des conflits peuvent survenir lorsque le testament prévoit que certains biens successoraux doivent être remis au légataire universel alors qu'ils sont déjà en possession des héritiers. Des litiges peuvent également surgir lorsque le legs universel dépasse la quotité disponible.
Dans de tels cas, les héritiers réservataires ont le droit d'intenter une action en réduction pour demander au bénéficiaire de la donation ou du legs de verser une indemnité correspondant à la valeur de la part de réserve qui a été lésée. Selon la jurisprudence, le legs est réductible en valeur et non en nature, afin d'éviter toute situation d'indivision entre le légataire universel et l'héritier réservataire (arrêt de la Cour de cassation, chambre civile 1, du 11 mai 2016, n° 14-16.967) (3).
Cependant, il est possible de demander une réduction en nature uniquement si le bien litigieux "appartient encore [au légataire] et qu'il est libre de toute charge dont il n'aurait pas déjà été grevé à la date de la libéralité, ainsi que de toute occupation dont il n'aurait pas déjà fait l'objet à cette même date", conformément à l'article 924-1 du Code civil (4).
Dans certaines circonstances, il est également possible de demander l'annulation du testament si un héritier estime que le défunt n'était pas sain d'esprit au moment de sa rédaction. Ce recours peut également être utilisé si le testateur a été victime de manipulations, de menaces ou de violences.
SOURCES :
(2) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006434565
(3) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032530311/
(4) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435919