Néanmoins, bien que ses droits semblent étendus, il est essentiel de préciser les situations dans lesquelles elle peut exercer pleinement ses prérogatives, notamment en ce qui concerne la possibilité d'entamer des actions en justice ou de participer aux démarches administratives liées à la succession.
Ces limites peuvent découler de facteurs tels que la présence d'un usufruit, d'un partage judiciaire ou des restrictions imposées par des clauses testamentaires.
1. Le Légataire Universel : Définition et Cadre Juridique
Le légataire universel est celui à qui le défunt a transmis par testament tout son patrimoine, c’est-à-dire l’ensemble de ses biens, droits et obligations. Ce statut est défini par le Code civil, notamment aux articles 1003 et suivants (1), et il repose sur deux éléments essentiels :
- La présence d’un testament valide, désignant le légataire universel.
- L’acceptation de ce legs par le légataire.
Cependant, ce droit à hériter ne devient effectif qu'après l'exécution de certaines formalités, notamment l'obtention d'un acte de notoriété ou d'une ordonnance judiciaire confirmant la qualité de légataire universel.
2. La Qualité à Agir : Quand Peut-On Intervenir ?
Pour qu’un légataire universel puisse exercer son droit à agir, plusieurs conditions doivent être réunies :
a) La possession d’un acte de notoriété
L'acte de notoriété est délivré par un notaire et atteste que la personne concernée est bien légataire universel. Cet acte confère au légataire la capacité juridique de représenter la succession dans divers contextes.
En l’absence de cet acte, il sera difficile pour le légataire d’intervenir dans une procédure judiciaire ou administrative liée à la succession.
b) Acceptation du legs
Le légataire universel doit impérativement accepter le legs avant de pouvoir revendiquer ses droits sur les biens du défunt. Cette acceptation peut se faire de manière expresse, par une déclaration formelle devant notaire, ou de manière tacite, par des actes concrets qui témoignent de son intention d’accepter le patrimoine, comme la prise de possession des biens ou l’accomplissement d’actes liés à la gestion de ceux-ci.
n l'absence de cette acceptation, le légataire ne peut pas encore revendiquer ses droits et se voir attribuer les biens du défunt. De fait, tant que le legs n’est pas accepté, il ne pourra pas intervenir dans les démarches successorales ni agir en justice pour protéger ou défendre ses droits sur ces biens.
Cette étape est essentielle pour garantir la validité de sa succession et l’exercice de ses droits en toute légalité.
c) Absence ou accord des héritiers réservataires
La qualité à agir du légataire universel peut être limitée par la présence d’héritiers réservataires (enfants ou conjoint survivant). Ces derniers disposent d’une part intangible du patrimoine du défunt, appelée "réserve héréditaire". Le légataire universel ne peut disposer des biens de la succession ni agir pleinement tant que les droits des héritiers réservataires n’ont pas été respectés soit par accord amiable, soit par une décision judiciaire.
3. Les Cas Concrets d’Action pour le Légataire Universel
Le légataire universel peut intervenir dans plusieurs contextes :
a) Action en restitution ou en revendication des biens
Le légataire universel peut agir en justice pour réclamer des biens successoraux détenus par des tiers ou des cohéritiers, à condition que sa qualité soit reconnue.
b) Action en annulation d’actes contraires à la succession
Si des actes ont été réalisés au détriment de la succession, le légataire universel peut contester ces actes.
Le légataire universel est habilité à demander l'annulation d'un acte juridique conclu par le défunt en raison de son incapacité mentale. Par exemple, la Cour de cassation a reconnu cette qualité dans un arrêt du 8 juillet 2015, permettant au légataire universel de contester un acte à titre onéreux sur le fondement de l'article 489-1 du code civil (dans sa version antérieure à la loi du 5 mars 2007) (C.Cass, 8 juillet 2015, pourvoi n°14-17.768)
Le légataire universel peut également agir en révocation d'une donation pour cause d'ingratitude. Dans un arrêt du 27 janvier 2021, la Cour de cassation a jugé que le légataire universel a qualité pour exercer cette action, en se fondant sur l'article 957, alinéa 2, du code civil. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 janvier 2021, 19-18.278) (2)
Le légataire universel est reconnu comme ayant qualité pour demander l'annulation d'un testament. Un arrêt du 14 juin 2005 (3) a confirmé cette possibilité, en précisant que le légataire universel peut agir en nullité sur le fondement de l'article 503 du code civil.
c) Revendication de sommes ou biens indûment prélevés
Le légataire peut réclamer la restitution de sommes utilisées ou détournées avant que la succession ne soit clôturée, notamment lorsqu’un tiers ou un cohéritier a agi sans accord préalable.
d) Droits face aux créanciers de la succession
Le légataire universel peut également être confronté à des créanciers du défunt. S’il accepte la succession à concurrence de l’actif net, il doit alors gérer les dettes dans la limite des biens transmis.
4. La Procédure en Cas de Contestation
Le statut du légataire universel peut être contesté par les héritiers réservataires, les créanciers ou le notaire. Les héritiers peuvent demander une réduction du legs s’il porte atteinte à leur réserve, tandis que les créanciers exigent le règlement des dettes avant toute transmission des biens. Le notaire peut également soulever des doutes sur la validité du testament.
Pour faire valoir ses droits, le légataire universel doit prouver la validité du testament et demander la délivrance du legs. En présence d’héritiers réservataires, il doit s’assurer de ne pas empiéter sur leur réserve héréditaire. En cas de litige, il peut être contraint de défendre ses droits en justice, notamment si la validité du testament est contestée, nécessitant parfois des expertises graphologiques ou médicales.
La jurisprudence française a abordé plusieurs aspects concernant les conflits entre légataires universels et héritiers réservataires. Notamment, la Cour de cassation a statué sur l'absence d'indivision entre ces parties, précisant que le légataire universel n'est pas en indivision avec les héritiers réservataires, ce qui a des implications sur la gestion et le partage des biens successoraux. (5)
De plus, la jurisprudence a établi que l'action en délivrance de legs, qui est une action personnelle, est soumise à une prescription quinquennale. Ainsi, le légataire universel doit exercer cette action dans les cinq ans suivant le décès du testateur. Il est important de noter que la contestation judiciaire du testament par les héritiers réservataires n'interrompt pas ce délai de prescription. (6)
Enfin, il devra s’acquitter des obligations fiscales et financières liées à la succession.
5. Les Limites de la Qualité à Agir
Bien que le légataire soit universel, certaines restrictions peuvent s'appliquer, telles que : l'existence d'un usufruit détenu par un tiers, le besoin d'attendre un partage judiciaire ou amiable en cas d'indivision, ou encore des clauses testamentaires imposant des limitations, comme l'accord préalable d'un autre cohéritier pour certaines décisions.
Il est important de noter que le légataire universel n'est pas considéré comme un héritier au sens strict du code civil. Par conséquent, dans certaines situations, il peut ne pas avoir qualité pour agir. Par exemple, dans un arrêt du 17 mars 2010, la Cour de cassation a jugé que le légataire universel n'a pas qualité pour présenter une requête en adoption simple après le décès du testateur, car il n'est pas un héritier au sens de l'article 353, alinéa 3, du code civil. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 mars 2010, 09-10.918)(4)
SOURCES :
(1) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006434552/1919-08-09
(3) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052167/
(4) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021998309
(6) https://www.courdecassation.fr/decision/671891fdd8ceca1cd7018c7a