3 RAISONS DE FAIRE UN PROCES EN DIFFAMATION

Publié le 23/02/2021 Vu 3 207 fois 0
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« Les délits de diffamation et d'injure ont remplacé le duel, moyen plus populaire, [mais] inacceptable dans une société policée qui s'oppose à la vengeance privée ».

« Les délits de diffamation et d'injure ont remplacé le duel, moyen plus populaire, [mais] inacceptable dan

3 RAISONS DE FAIRE UN PROCES EN DIFFAMATION

Ce qui est vrai des délits de diffamation et injure publiques, l'est tout autant des contraventions de diffamation et injure non publiques : il s'agit de protéger la même valeur morale, l'honorabilité des personnes. Pour souligner la proximité existante entre ces propos, la loi du 29 juillet 1881 les définit d'ailleurs dans un même article 29.

Son premier alinéa dispose que “toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation”.

Le second alinéa du même texte dispose ensuite : “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure”. Ces deux définitions s'appliquent à toute forme de diffamation et d'injure : en l'absence de dispositions contraires, les infractions du Code pénal y renvoient implicitement mais nécessairement. S'agissant du caractère diffamatoire ou injurieux attendu du propos, les développements qui vont suivre ne sont donc pas propres aux diffamation et injure non publiques.

 

I)             Identification des personnes visées

 

A)   Personne physique ou morale

La diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d'insinuation. Les propos visant le dirigeant d’une société ne visent donc pas nécessairement cette personne morale.

Lorsqu’une personne est visée par des propos diffamatoires, il importe peu qu’elle n’ait pas été nommément ou expressément désignée, dès lors que son identification est rendue possible (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 avril 2011, 10-83.771).

En effet, la diffamation est constituée dès lors que la personne est identifiable même par des circonstances extrinsèques qui rendent évidente sa désignation, même par un public limité et même si elle est présentée sous forme déguisée ou par voie d’insinuation (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 24 octobre 2002, 00-14.968). A contrario, il n’y aura pas diffamation si la personne visée n’est pas clairement identifiable.

S’il s’agit d’un groupe sans personnalité, les membres qui le composent ne peuvent s’estimer atteints par la diffamation sauf si la dimension de ce groupe est réduite, permettant facilement l’identification des personnes qui le composent. En revanche, une profession visée dans son ensemble ne constitue pas une personne déterminée au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 16 septembre 2003, 02-85.113).

Les membres d’une communauté ne sont pas recevables à agir en diffamation, lorsque les propos incriminés ne permettent pas de les identifier personnellement. La Chambre criminelle a jugé au visa des articles 29, alinéas 1 et 31, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 que les propos en cause ne visaient pas des personnes formant un groupe suffisamment restreint pour qu’un soupçon plane sur chacun de ses membres et les parties civiles n’étaient donc pas en droit de demander réparation du préjudice résultant de l’infraction dénoncée (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 janvier 2008, 06-86.474). 

 

B)   Groupe de personnes et cas de la diffamation

La première proposition de loi contre le racisme a été déposée à l’Assemblée nationale en 1959 et c’est le 1er juillet 1972 qu’une loi a été adoptée, modifiant et le code pénal et la loi de 1881 sur la presse. La diffamation et l’injure sont plus sévèrement sanctionnées dès lors que sont impliquées des considérations raciales.

Ainsi, l’article 32 de la loi de 1881 dispose-t-il que la diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

Ces peines assez lourdes sont applicables à la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (L. 29 juill. 1881, art. 32). Outre l’affichage ou la diffusion de la décision, un stage de citoyenneté est envisageable (L. 29 juill. 1881, art. 32).

Il est à noter que compte tenu de la nature de cette infraction et des faits qui sont visés, le prévenu ne peut rapporter la preuve de la vérité des imputations diffamatoires.

 

II)          Raisons de faire un procès en diffamation

 

A)   Une allégation ou imputation

La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés (L. 29 juill. 1881, art. 29).

Ainsi, le caractère diffamatoire d’un propos ou d’une expression peut être constitué même si celle-ci est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 27 septembre 2005, 04-12.148). Des faits ou des propos présentés de telle sorte qu’ils laissent supposer que la personne déterminée est responsable d’actes répréhensibles sans aucune preuve à l’appui, caractérisent la diffamation. Des imputations diffamatoires peuvent découler de simples insinuations dès lors qu’elles révèlent une véritable intention de nuire de leurs auteurs (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 27 septembre 2005, 04-12.148).

Peu importe donc que la forme employée par le journaliste soit affirmative, dubitative ou interrogative, peu importe encore une rectification ultérieure.

 

B)   Reprise d’une imputation diffamatoire

En réalité, c'est au visa du seul article 29, alinéa 1 de la loi sur la presse qu'il est désormais jugé que « la reprise d'une imputation diffamatoire constitue elle-même une diffamation qui implique l'intention de nuire » (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 novembre 2006, 06-81.326).

Cette reprise implique l’intention de nuire, cette présomption ne pouvant disparaître qu’en présence de faits justificatifs de nature à faire admettre la bonne foi (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 23 mai 2001, 98-22.057).

L’élément intentionnel peut également être caractérisé lorsque les propos diffamatoires sont repris à plusieurs reprises dans le journal.

De la même façon, le rappel de condamnations amnistiées est passible de sanctions pénales et la bonne foi ne peut justifier la publication de ces condamnations.

 

C)   Atteinte à l’honneur ou à la considération

L’imputation doit porter atteinte à l’honneur de la personne ou à sa considération, la réputation de la personne étant souvent assimilée à ces deux notions.

L’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d’une articulation précise des faits pouvant alors faire l’objet d’un débat contradictoire (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 décembre 2007, 06-87.444).

Mais l’utilisation de certains mots pouvant avoir un sens négatif dans l’esprit du lecteur ne constitue pas à elle seule une diffamation comprise comme une atteinte à l’honneur et à la considération (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 octobre 2011, 10-87.655) : en l’espèce, à propos du mot « collaborer »). Les tribunaux ont dès lors le devoir d’apprécier l’atteinte à l’honneur ou à la considération de façon objective, en se référant à des considérations indifférentes à la sensibilité particulière de la personne visée.

Cependant, l’intérêt général d’un sujet traité et le sérieux de l’enquête conduite par un journaliste d’investigation autorisent les propos et les imputations de ce dernier, s’ils ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression.

En outre, le délit de diffamation n’est pas constitué lorsque les propos visent les produits ou services d’une société et non la société elle-même.

Dans ce cas, il s’agit plus justement de dénigrement. Le dénigrement, qui constitue une pratique de concurrence déloyale, est sanctionné par le mécanisme de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et 1383 du Code civil, et vise les produits ou les services d’une société et non la société elle-même. C’est d’ailleurs ce qui le distingue de la diffamation visée par l’article 29 de la loi de 1881 sur la presse, qui est une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.

De même, les propos tenus par une société sur sa concurrente afin de détourner une partie de la clientèle à son profit, constituent un dénigrement fautif.

Par ailleurs, la distinction doit être faite entre des imputations diffamatoires et la fausseté de renseignements ou d’informations, ce qui ne sous-entend nullement la constitution d’un délit de faux susceptible de caractériser un acte de diffamation.

Enfin, les abus de langage ne sont pas nécessairement constitutifs de diffamation, si l’information elle-même se révèle exacte.

En revanche, si les propos tenus concernent un sujet d’intérêt général, mais sont dépourvus de prudence et constituent des attaques personnelles excédant les limites admissibles de la polémique politique, ils sont diffamatoires.

 

III)         Action en diffamation

L'exercice des poursuites nécessite parfois l'existence d'une plainte préalable de la victime (L. 29 juill. 1881, art. 48). À l'inverse, la poursuite peut être exercée d'office en cas de diffamation commise à raison de l'origine, de l'ethnie, de la nation, de la "race", de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap (art. 48, 6°). Certaines associations sont autorisées à exercer les droits reconnus à la partie civile (art. 48-1, 48-4 à 48-6).

Le délai de prescription de l'action publique est de trois mois (ou une année si la diffamation est commise en raison de l'origine, de l'ethnie, de la nation, de la race, de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du handicap) à compter du jour où l'infraction a été commise ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait (art. 65 et 65-3).

L'imputation de la diffamation obéit à un schéma particulier : le système de responsabilité en cascade. Sont ainsi responsables, dans l'ordre suivant : le directeur de publication ou l'éditeur ; à défaut, l'auteur ; à défaut, l'imprimeur ; à défaut, le vendeur, le distributeur ou l'afficheur (art. 42 ; V. égal. L. du 29 juill. 1982, art. 93-2 et 93-3).

Mise en examen et clôture de l'instruction. La loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a introduit en la matière des dispositions spécifiques, entrées en vigueur le 1er juin 2019 (L. 29 juill. 1881, art. 51-1).

La diffamation envers les corps ou personnes désignés par les articles 30 et 31 : amende de 45 000 euros.

La diffamation envers les particuliers : amende de 12 000 euros (un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende si la diffamation a un caractère racial, ethnique ou religieux, ou a été commise à raison du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du handicap, le tribunal pouvant ordonner l'affichage ou la diffusion de la décision et la peine de stage de citoyenneté).

La diffamation non publique : amende de 38 euros (750 euros si elle est raciste ou discriminatoire).

 

 

SOURCES :

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025564684&fastReqId=173069440&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007070114&fastReqId=1653230920&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024047974&fastReqId=806194906&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007045662&fastReqId=1293791735&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007068734&fastReqId=874966464&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000018131526&fastReqId=810652596&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007051210&fastReqId=653296731&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007418513&fastReqId=1064454061&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000017771931&fastReqId=1900610032&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024856310&fastReqId=1073629649&fastPos=1

·     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007070791&fastReqId=1391089343&fastPos=1

·       https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000033176744&fastReqId=1560969535&fastPos=1

 

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