. Le rapport s'effectue, en principe, en valeur.
Le Code civil soumet au rapport les avantages indirects résultant de conventions conclues entre le de cujus et son héritier, tels que les avantages d’ordre professionnel (par ex., bail rural à vil prix ou sans contrepartie), ainsi que ceux découlant de l’absence de paiement par l’héritier de sommes réclamées au titre d’une reconnaissance de dette. Il faut que l’existence de la dette au jour de l’ouverture de la succession soit établie par le cohéritier demandeur au rapport et qu’elle ne soit pas prescrite à cette date.
La jurisprudence retenait une conception souple et objective de l'avantage indirect rapportable, lequel était caractérisé même en l'absence d'intention libérale établie. Il pouvait s'agir, par exemple, de l'occupation gratuite par un héritier, pendant plusieurs années, d'un immeuble appartenant au de cujus (Cass. 1re civ., 8 nov. 2005, n° 03-13.890).
La Cour de cassation est revenue sur cette position. Elle décide désormais que l’intention libérale doit être prouvée (Cass. 1re civ., 18 janv. 2012, n° 10-27.325). C’est dire qu’aujourd’hui l’occupation gratuite d’une habitation ne donne pas lieu à rapport dès lors que l’intention libérale et l’élément matériel de la donation ne sont pas démontrés. Une telle occupation s’analyse comme un prêt à usage non sujet à rapport (Cass. 1re civ., 11 oct. 2017, n° 16-21.419).
Il en est de même en cas la prise en charge par les parents du prix d’achat d’un immeuble par l’un de leurs enfants. Les cohéritiers de ce dernier, demandeurs au rapport, doivent prouver que ce financement a été effectué animo donandi (Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-10.960). Le rapport doit être pareillement écarté en cas de prise en charge financière par le donateur, usufruitier, de travaux qu'il a lui-même commandés, aucun avantage indirect rapportable ne pouvant être retenu au profit de son fils, nu-propriétaire (CA Toulouse, Ch. 1, sect. 2, 15 juin 2017, n° 15/05058 : JurisData n° 2017-013282).
La preuve de l’intention libérale peut être rapportée par tous moyens, notamment à l’aide d’un testament révoqué, d’où résulte la volonté du de cujus de soumettre le successible ayant bénéficié de l’avantage gratuit au rapport (Cass. 1re civ., 19 mars 2014, n° 13-14.139 : JurisData n° 2014-005214 ; Dr. famille 2014, comm. 77 , M. Nicod ; JCP N 2015, 1089, R. Le Guidec). La solution a été étendue à l’hypothèse de l’absence de réclamation par les parents du paiement du prix de vente d’immeubles à des SCI, dont seul l’un des héritiers et son propre fils étaient associés.
La Cour de cassation, par un arrêt du 14 octobre 2020 a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d’appel au visa de l'article 843 du Code civil en précisant que « Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-13.770, Inédit).
En statuant comme elle l'a fait sans tirer les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le financement litigieux avait eu pour contrepartie l'usage du bien pendant plusieurs années par Mme G., ce qui excluait l'intention libérale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
I) Le rapport à la succession
A) Libéralités concernées
1) Donation entre vifs
Les donations entre vifs sont présumées rapportables, car elles sont présumées constituer une avance sur la part successorale de l'héritier gratifié (Code civil, article 843, al. 1er)
« Tout héritier même ayant accepté à concurrence de l’actif venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt par donation entre vifs directement ou indirectement » (Code civil, article 843).
La libéralité consentie en avancement de part successorale oblige à rapport successoral. Le successible doit l’effectuer en totalité, car il a seul la qualité de donataire. Si elle est faite par préciput et hors part, seule la réduction pourra l’atteindre. Toute garantie ne peut être apportée. Le rapport des libéralités a pour finalité d’assurer l’égalité du partage. Les donations entre vifs sont présumées rapportables, sauf volonté contraire du de cujus.
La règle du rapport s’applique aux donations indirectes, aux donations déguisées et aux dons manuels. La jurisprudence récente restreint les contours du rapport successoral, en précisant que seuls peuvent y être assujettis les actes pour lesquels que la réunion des éléments constitutifs de la donation et, notamment l’intention libérale, est établie.
Selon le fondement de l’article 843 alinéa 1 du Code civil qui dispose que : « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ».
Il faut noter que le rapport des libéralités est une institution de droit successoral selon laquelle l’héritier, appelé avec d’autres à recueillir une succession, doit remettre dans la masse successorale les biens dont le défunt l’avait gratifié. Le rapport s’effectue, en principe, en valeur.
2) Legs
À l’inverse, les legs sont présumés hors part successoraux, sauf volonté contraire du testateur. En effet, les légataires universels ou à titre universel ne sont pas tenus au rapport, même s’ils cumulent cette qualité avec celle de successible lors de la donation et de l’ouverture de la donation. Il en est du moins ainsi lorsqu’ils ne sont pas héritiers réservataires (Article 843 du Code civil).
B) Personnes débitrices du rapport successoral
Seuls les héritiers venant effectivement à la succession sont tenus au rapport car celui-ci a pour but de reconstituer fictivement la masse des biens qu'ils vont se partager (Code civil, article 843).
L'héritier devait être héritier présomptif au moment de la libéralité, sauf volonté contraire du disposant (Code civil, article 843 et 846).
L'héritier venant à la succession par représentation doit rapporter les libéralités reçues par le représenté et celles qu'il a lui-même reçues (Code civil, article 848).
L'héritier renonçant n'est pas tenu au rapport, sauf stipulation contraire dans l'acte de donation (Code civil, article 845). - v. Succession (Option successorale)). Dans ce cas, le rapport se fait en valeur. Si la valeur rapportable excède la part qu'il aurait eue dans le partage, l'héritier renonçant indemnise les autres héritiers pour le surplus.
L'héritier indigne n'est pas tenu au rapport. Mais la libéralité est susceptible de révocation pour ingratitude (Code civil, article 955.- v. Donation (Révocation)).
Seuls les cohéritiers peuvent exiger le rapport, à l'exclusion des créanciers successoraux et des légataires (Code civil, article 857).
II) Les limites au rapport à la succession : sans preuve de l’intention libérale, pas de rapport
A) Défaut de preuve de l’intention libérale
Pour la Cour de cassation, seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.
Selon l’article 843 du Code civil, Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Il résulte de ce texte que le donateur doit manifester son intention libérale purement et simplement c’est-à-dire sans conditions afin que cette libéralité soit rapportable à la succession. L’intention libérale doit être prouvée à défaut pas de rapport à la succession.
L'hébergement pendant dix ans d'un successible ne peut constituer un avantage indirect rapportable s'il a eu une contrepartie, excluant toute libéralité, dont la reconnaissance exige en outre la preuve d'une intention libérale (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 janvier 2012, 11-12.863, Publié au bulletin).
Il incombe aux juges du fond de rechercher si les avantages indirects consentis par un parent à un enfant, et résultant de l'occupation gratuite d'un logement, constituent des libéralités rapportables, dont la reconnaissance exige la preuve de l'intention libérale (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 janvier 2012, 10-27.325, Publié au bulletin). Dans le même sens pour la nécessaire constatation de l'appauvrissement du disposant et l'intention de gratifier (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 11-21.368, Inédit).
Dès lors qu'elle se fonde sur le rapport des donations, une cour d'appel doit constater l'intention libérale des donateurs (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 octobre 2015, 14-24.847, Publié au bulletin) : N’est pas rapportable l’assistance financière versée à sa fille par une mère qui a entendu ainsi respecter son obligation alimentaire, sans que son intention libérale ne soit établie (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2017, 16-26.395, Inédit).
Tous les modes de preuve sont admissibles pour établir que c'est avec une intention libérale que le défunt a consenti à un héritier un avantage indirect (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 13-14.139, Publié au bulletin): RDC 2014, p. 446, obs. Ch. Goldie-Genicon ; Defrénois 2014, 762, obs. A. C.-T. ; RJPF 2014-6/29, note Sauvage : ici preuve que l'intention libérale était la cause de l'avantage tiré de l'occupation gratuite d'un appartement trouvée dans la volonté expressément exprimée par le défunt dans un testament olographe que cet avantage soit rapporté à sa succession, peu important que ce testament ait été révoqué par un testament postérieur).
B) Les conséquences
En statuant comme elle l'a fait sans tirer les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le financement litigieux avait eu pour contrepartie l'usage du bien pendant plusieurs années par Mme G., ce qui excluait l'intention libérale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
La Cour de cassation explique que sans intention libérale, il n’y a pas de rapport successoral. En l’espèce, le financement avait pour contrepartie l’usage du bien pendant une certaine durée. Ce bien ne pouvait être rapporté car il y avait une contrepartie derrière.
La contrepartie semblerait mettre un frein au mécanisme du rapport successoral dans notre cas d’espèce car le donateur ne situait pas dans une volonté d’appauvrissement dans l’intention irrévocable de gratifier son descendant mais plutôt de bénéficier d’une obligation en retour.
On pourrait en déduire de ce qui précède que la donation reçue par le fils prédécédé qui est en réalité une contrepartie ne peut être rapportée par les descendants de ce dernier.
SOURCES :