RECEL SUCCESSORAL ET RESPONSABILITÉ DU NOTAIRE

Publié le 18/09/2019 Vu 3 245 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le partage des biens successoraux s’effectue entre les cohéritiers selon leurs droits dans la succession. Or le recel successoral vient rompre cette égalité successorale.

Le partage des biens successoraux s’effectue entre les cohéritiers selon leurs droits dans la succession. O

RECEL SUCCESSORAL ET RESPONSABILITÉ DU NOTAIRE

Le recel successoral, désormais codifié à l’article 778 du Code civil (792 avant la loi du 23 juin 2006), constitue le fondement de nombreuses actions d’héritiers à l’encontre de leurs cohéritiers, notamment à raison de la dissimulation invoquée de donations, certaines ostensibles, d’autres déguisées ou indirectes.

Pour la Cour de cassation, constitue un recel « toute manœuvre dolosive, toute fraude commise sciemment et qui a pour but de rompre l’égalité du partage quels que soient les moyens employés pour y parvenir »

Par ailleurs, dans le cadre du règlement des successions, la pratique, l’usage et, plus récemment, la loi reconnaissent au notaire un rôle déterminant pour l’établissement de la dévolution successorale.

A cet effet, Le notaire est investi d’une mission de vérification et d’authentification des éléments qui lui sont fournis par les héritiers notamment les actes de l’état civil, le livret de famille ou tous documents utiles, comme le précise expressément l’article 730-1 du Code civil.

Le notaire va également rechercher si le défunt a fait une donation. Il va rechercher s’il a établi un testament. Pour cela, il doit consulter le fichier central des dispositions des dernières volontés.

Les risques les plus fréquemment rencontrés concernent l’éventuelle omission d’un ou de plusieurs héritiers, qui ne sont pas toujours révélés par les livrets de famille ou d’une gratification à l’un des cohéritiers dont il a connaissance. C’est dans ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans son arrêt du 25 mars 2009 estimant qu’un notaire engageait sa responsabilité à l’encontre de l’héritier oublié s’il disposait d’éléments lui permettant de suspecter l’existence d’autres héritiers par le biais de la remise du livret de famille faisant état d’un premier mariage.

À titre d’exemple, une mère décède laissant six enfants. Le notaire chargé de la succession par deux des enfants indique ces derniers comme seuls héritiers dans l’acte de notoriété. Les autres héritiers formulent une réclamation à l’encontre du notaire, soutenant qu’il aurait contribué au recel successoral.

L’arrêt retient que l’acte de notoriété ne fait mention d’aucune pièce justificative produite, le notaire exposant qu’il a demandé en vain le livret de famille aux deux enfants.

Le notaire qui réclame sans succès une pièce qui lui paraît nécessaire pour l’établissement de son acte, ne peut instrumenter malgré cette absence sans en faire état d’une manière ou d’une autre dans l’acte ou dans un document annexe.

En l’espèce, il aurait pu faire signer aux intéressés, en visant l’absence de production du livret de famille, une déclaration manuscrite sur l’honneur selon laquelle ils ne connaissaient pas d’autres héritiers à la défunte. Le notaire aurait pu également demander la comparution d’une personne dont les dires paraîtraient utiles.

En établissant un acte de notoriété sans procéder à aucune de ces démarches que la prudence imposait, le notaire a commis une faute qui engage sa responsabilité. Toutefois, cette faute ne peut avoir pour conséquence l’obligation de garantir les auteurs du recel des peines civiles qui s’attachent à ce délit et qu’ils doivent personnellement subir, pas plus que de garantir leurs victimes, dès lors que celles-ci se trouvent rétablies dans leurs droits par la sanction prononcée à l’encontre des héritiers receleurs.

Il en est de même dans un arrêt de la Cour de cassation, 1re civile du 9 avril 2014. En effet, une personne décède laissant sa veuve, ses trois enfants et son petit-fils venant aux droits de son père G. prédécédé (les consorts J.). Ceux-ci font établir par leur notaire, une déclaration de succession et un acte de vente de plusieurs parcelles agricoles. Par la suite, trois enfants, nés d’une seconde union de G., également héritiers du défunt, ont sollicité la liquidation et le partage de la succession de leur grand-père.

Par décision irrévocable, la cour d’appel de Montpellier a déclaré les consorts J. coupables de recel successoral, les a déchus de tout droit sur les biens divertis et a ordonné la réintégration de la valeur des parcelles vendues dans l’actif successoral.

Reprochant au notaire d’avoir établi la déclaration de succession sans vérifier les actes d’état civil des héritiers et d’avoir manqué à son obligation de conseil, les consorts J. l’ont assigné en indemnisation.

Pour accueillir cette demande, la cour d’appel (Cour d’appel de Montpellier, 31 janvier 2013) retient que celui-ci a commis une faute en omettant de vérifier l’acte de naissance de G., qui aurait révélé la seconde union de ce dernier et l’existence éventuelle d’enfants issus de ce mariage, et que cette faute leur a causé un préjudice incontestable au regard des condamnations prononcées, lequel doit être réparé à concurrence de la moitié, en raison de la faute de ces derniers qui se sont abstenus de déclarer trois petits-enfants, héritiers du défunt.

La Cour de cassation casse cet arrêt. En statuant ainsi, alors que la sanction du recel successoral, qui suppose l’intention frauduleuse de rompre l’égalité du partage, ne constitue pas, pour celui qui le commet, un préjudice ouvrant droit à réparation, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien et 1240 nouveau du Code civil.

Par ailleurs, pour s’affranchir de toute responsabilité, le notaire aura tout intérêt à se préconstituer la preuve de son conseil au gratifié de révéler l’existence de cette donation le plus tôt possible. D’autant plus que les héritiers ont l’obligation de rappeler, dans la déclaration de succession, l’ensemble des libéralités consenties par le défunt, même celles qui l’ont été antérieurement à la période de rappel fiscal.

En définitive, il n’en demeure pas moins vrai que les notaires doivent rester extrêmement prudents en matière de liquidation successorale, car une action en responsabilité à leur encontre de la part d’héritiers recelés n’est pas à écarter.

Par exemple, dans une affaire, la Cour de cassation, 1re Chambre civile du 07 décembre 1982 a décidé que les dispositions de l’article 14, alinéa 2, de la loi du 3 janvier 1972, dérogatoires à l’application immédiate de la loi nouvelle aux successions ouvertes depuis son entrée en vigueur, ont eu pour seul objet d’interdire l’exercice des droits des réservataires institués par ladite loi au préjudice des donations entre vifs consenties avant le 1er août 1972, mais non de priver ces héritiers de leurs droits à succession, notamment de leur droit au rapport des libéralités. Dès lors une Cour d’appel, qui constate que la donation litigieuse n’avait pas été faite par préciput, et qu’il y avait eu dissimulation de la fortune du donateur par le cohéritier, en déduit à bon droit l’existence d’un recel successoral ; et le notaire qui avait parfaite connaissance de cette donation et ne l’a pas fait figurer dans la déclaration de la succession a engagé sa responsabilité.

La responsabilité du notaire a été retenue également dans un arrêt de la Cour de cassation, civile, 1re Chambre civile du 25 mars 2009. En effet, la responsabilité du notaire a été retenue dans cette affaire, car il disposait du livret de famille du défunt, lequel mentionnait que sa première union avait été dissoute par divorce. Bien que l’existence d’un descendant n’était pas révélée par le livret de famille, l’examen du jugement de divorce, auquel ce document fait référence, aurait permis au notaire de la découvrir.

 SOURCES :

(1)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037196681&fastReqId=1404929722&fastPos=1

(2)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034171368&fastReqId=639150529&fastPos=1

(3)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029482447&fastReqId=1379643387&fastPos=1

(4)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000031150733&fastReqId=27725342&fastPos=1

(5)     https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028000744&fastReqId=1928826488&fastPos=1

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007423875&fastReqId=178914386&fastPos=1

 

 

 

 

 

Vous avez une question ?
Blog de Murielle Cahen

Murielle CAHEN

150 € TTC

7 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.