Il est étroitement lié à la liberté contractuelle du promettant.
La jurisprudence l'analyse comme une promesse unilatérale conditionnelle. Cette qualification est contestable : le pacte est une convention originale dont le but est d'encadrer la liberté du promettant de choisir son cocontractant.
La conclusion du pacte relève des règles générales de formation des conventions. Il doit seulement déterminer la nature du contrat envisagé, le bien qui en est l'objet, et la personne du bénéficiaire. La détermination du prix n'est pas une condition de formation du pacte relatif à un contrat à titre onéreux.
Le pacte obéit au principe du consensualisme. Lorsqu'il porte sur la vente d'un immeuble, il peut être publié au service chargé de la publicité foncière pour l'information des usagers.
En principe, le pacte ne restreint pas la liberté du propriétaire d'administrer et de disposer du bien qui en est l'objet. Le promettant ne doit pas cependant empêcher l'acceptation ultérieure de l'offre par le bénéficiaire.
Le pacte impose au promettant de faire une offre de contracter au bénéficiaire, de bonne foi. Ce dernier est libre d'accepter ou de refuser l'offre qui lui est faite.
Le pacte s'interprète de façon restrictive. Tous les actes et les modes de transmission de la propriété qui ne sont pas visés par lui ou qui sont relatifs à un autre bien, demeurent hors de son champ d'application.
Lorsque le tiers acquéreur ignore l'existence du pacte, seul le promettant est responsable de la violation du pacte.
Le tiers acquéreur est responsable lorsqu'il viole le pacte en connaissance de cause. Au choix du bénéficiaire et selon des conditions variables, la sanction réside dans des dommages et intérêts et/ou dans la nullité de la vente ou encore dans la substitution du bénéficiaire au tiers.
Le pacte s'éteint par diverses causes d'extinction ou de caducité. Il est transmissible à cause de mort ou entre vifs, sauf lorsqu'il est conclu intuitus personae.
I. Conclusion du pacte de préférence
A. Conditions de fond
Le pacte de préférence résulte le plus souvent d’un accord de volontés des parties (Code civil, article 1113). La conclusion du pacte obéit au schéma classique. Le consentement des parties résulte de la rencontre d’une offre et d’une acceptation. L’offre et l’acceptation doivent être concordantes (Code civil, article 1118).
Le consentement de chaque partie doit exister (Code civil, article 1129) et être exempt de vice (Code civil, article 1130). Il ne doit pas être le résultat d’une erreur ou d’un dol (Code civil, article 1132 et 1137). L’erreur sur la personne n’est une cause de nullité que s’il est démontré que la convention a été conclue en considération de celle-ci et que son identité a été déterminante (Code civil, article 1134).
Dès lors, l’erreur sur la personne du bénéficiaire n’est pas une cause de nullité du pacte lorsqu’elle n’a pas été déterminante. Le consentement des parties au pacte doit avoir été donné librement (Code civil, article 1142) et ne doit pas résulter d’une contrainte (Code civil, article 1143).
La question va se poser du moment auquel le promettant devra exécuter son obligation précontractuelle d’information prévue par l’article 1112-1 du Code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131. On peut hésiter entre soumettre le promettant à cette obligation avant la conclusion du pacte de préférence ou lors de son exécution quand il fera une offre au bénéficiaire. Les deux solutions sont juridiquement conformes à l’article 1112-1 qui suppose que l’obligation est précontractuelle par rapport au contrat à conclure.
Le pacte étant conclu en vue de la conclusion ultérieure du contrat projeté, il est opportun d’imposer que l’obligation soit exécutée au moment de la négociation du pacte. Cette exécution permettra le cas échéant au bénéficiaire de consentir en connaissance de cause ou de renoncer à consentir au pacte.
L’obligation précontractuelle pourra néanmoins être exécutée par le promettant ultérieurement lors de l’offre de contracter qu’il devra faire au bénéficiaire et qui constitue le premier acte d’une négociation éventuelle entre les précontractants au contrat projeté. Il se peut d’ailleurs que l’information déterminante du consentement du bénéficiaire ne soit connue du promettant que postérieurement à la conclusion du pacte.
Les éléments essentiels du pacte de préférence sont limités (Code civil, article 1128, 3°). Ils dépendent de la nature du contrat qui en est l’objet. Le pacte peut porter sur n’importe quelle espèce de contrat. Il peut s’agir d’une vente, d’un contrat de distribution, d’un bail, d’un contrat d’entreprise ou d’un contrat de travail. Le contrat envisagé par le pacte de préférence doit être déterminé au moins quant à sa nature.
S’il porte sur une vente, il faudra déterminer avec précision la chose qui en est l’objet (CA Chambéry, 24 avr. 1944 : JCP N 1944, II, 2719, E. Becqué). L’objet peut être futur (Code civil, article 1163, al. 1er). Par exemple, l’auteur consent un pacte de préférence relativement à une œuvre future (CPI, art. 132-4, al. 1er).
S’il porte sur un bail, le pacte devra au moins préciser la chose qui en sera l’objet et la durée du contrat. En outre, la personne du bénéficiaire avec qui il sera éventuellement conclu doit être déterminée.
B. Conditions forme
Le pacte est consensuel (Code civil, article 1102, al. 1er et 1172, al. 1er). Il n’est soumis à aucune condition de forme pour son existence ou sa validité.
Le pacte de préférence n’est pas soumis à l’exigence de l’enregistrement obligatoire prévue par l’article 1589-2 du Code civil reprenant l’article 1840 A du Code général des impôts. L’enregistrement volontaire est soumis au droit fixe.
La question de la publicité foncière se pose à propos du pacte relatif à un immeuble, en principe lorsque le contrat projeté est une vente. Sous l’empire du Décret-Loi du 30 octobre 1935, le pacte de préférence était assimilé à une promesse unilatérale de vente et traité comme tel au regard des règles de la publicité foncière.
Le pacte ne devait donc pas être publié, faute d’avoir un effet translatif de propriété. La solution a changé avec la réforme réalisée en 1955. La position de la Cour de cassation a évolué. Elle a d’abord considéré que le pacte devait être publié, puis elle a changé de position en estimant qu’il pouvait être publié, mais qu’il n’était pas soumis à publicité obligatoire.
Il arrive que le pacte de préférence soit inséré dans un acte soumis à publication. Il est alors publié au service chargé de la publicité foncière et la jurisprudence le soumet au régime des actes soumis à publicité obligatoire. C’est le cas du pacte de préférence contenu dans une donation-partage d’un bien immobilier.
La preuve du pacte de préférence obéit aux règles générales de la preuve des obligations contractuelles (Code civil, article 1353 à 1386-1).
II. Renonciation tacite du droit de préférence
A. Prescription du pacte
Une fois le droit de préférence établi, dans quel délai doit-il être exercé ? Ce délai, qu’il ne faut pas confondre avec la durée pour laquelle le pacte est lui-même consenti, peut être contractuellement fixé. Les parties conviennent par exemple qu’un délai d’un mois courra à compter de la réception de la notification par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans cette hypothèse, la situation est simple. Le délai fixé s’impose au bénéficiaire. Si une nouvelle notification est nécessaire, en raison par exemple d’une modification des conditions de vente, un délai identique au premier doit être respecté. Dans tous les cas, l’exercice tardif du droit de préférence est inefficace.
La question du délai d’exercice du droit doit être distinguée de celle de la renonciation à l’exercer. Lorsque, par exemple, l’immeuble visé par le pacte fait l’objet de cession successive, il faut se demander si le droit de préférence qui n’a pas été exercé à l’occasion du premier transfert peut l’être à l’occasion du second.
Dans l’hypothèse où un nouveau propriétaire succède au promettant dans le bail contenant le pacte, la renonciation peut résulter du fait d’avoir payé sans réserve les loyers au nouveau bailleur. Le simple silence ne suffit pas. Il doit être éclairé par les éléments du contexte, tels que le fait pour le bénéficiaire de ne pas avoir répondu à l’invitation judiciaire de prendre parti à un moment où il n’avait pas les moyens financiers d’user effectivement du pacte de préférence.
En revanche, que décider lorsqu’aucun délai d’exercice du droit n’a été fixé et que le pacte lui-même ne comporte aucun terme ?
Les pactes de préférence comportant souvent une longue durée d’attente, il est possible que le débiteur du pacte invoque l’extinction du droit par prescription. À défaut d’un délai convenu entre les parties, le pacte de préférence devrait normalement cesser de produire effet à l’expiration de la prescription de droit commun de cinq ans (Code civil, article 2224) puisqu’elle éteint tous les droits personnels.
Sous l’empire du droit antérieur à la réforme de la prescription (L. no 2008-561, 17 juin 2008, JO 18 juin), la Cour de cassation avait considéré que la prescription trentenaire des actions nées d’un accord de préférence ne commençait à courir que lorsque le débiteur du pacte a fait connaître au bénéficiaire son intention de conclure le contrat définitif.
Il fallait donc distinguer, semble-t-il, entre la prescription du droit personnel de préférence, qui prenait naissance lors de la conclusion du pacte et qui se prescrivait selon le droit commun en cas d’inaction du débiteur du pacte, et la prescription de l’action en responsabilité contractuelle du bénéficiaire contre le débiteur du pacte qui prenait naissance lorsque ce dernier avait informé le bénéficiaire de son intention de conclure le contrat définitif.
B. Renonciation au droit de préférence
Le pacte de préférence s’éteint à l’expiration de la durée pour laquelle il a été prévu sans que le promettant ait décidé de la vente de l’immeuble.
Le bénéficiaire, titulaire d’un droit de créance à l’encontre du promettant, peut toujours y renoncer. Cette renonciation peut être tacite pourvu qu’elle soit certaine et non équivoque. Dans cette affaire, le locataire d’un bail commercial n’ayant pas manifesté son intention d’exercer son droit de préférence, alors qu’il avait eu connaissance des deux ventes successives de l’immeuble et avait payé ses loyers au nouveau propriétaire après chaque cession, il a été réputé avoir renoncé tacitement à se prévaloir de son droit.
Afin d’éviter toute incertitude, il est utile de formaliser la renonciation de façon que celle-ci soit certaine et que la preuve puisse en être rapportée par le promettant, en cas de contestation. Car si l’intention de renoncer du bénéficiaire n’est pas caractérisée, le pacte continue à produire ses effets.
Les parties peuvent aussi, comme pour tout contrat, procéder conventionnellement à la résolution du pacte.
La renonciation au pacte ainsi que sa résolution peuvent être publiées au service chargé de la publicité foncière pour l’information des tiers.
Lorsque le pacte de préférence ne comporte pas de terme extinctif et s’inscrit dans une longue durée, la question peut se poser de savoir si le bénéficiaire n’a pas renoncé à son droit.
Toutefois, une telle renonciation n’est pas toujours caractérisée. Elle ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer et ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence du bénéficiaire du pacte, y compris lorsque celui-ci n’est pas limité dans le temps.
Sources :