Il s’agit de la loi applicable à la succession, de la juridiction à saisir en cas de contentieux et de savoir s’il est possible de choisir la loi qui s’appliquera à la succession.
Par un arrêt du 29 mai 2019 qui fera l’objet d’une large diffusion, la première chambre civile de la Cour de cassation s’arrête sur l’application de la règle de compétence générale prévue par le règlement européen relatif aux successions et sur l’une des règles de compétence subsidiaire.
Une personne décède à New York en laissant trois enfants, dont l’un est exhérédé par un testament. Cet enfant saisit par la suite le juge français en partage judiciaire de la succession, en soutenant que son père avait sa résidence habituelle à Paris, en application du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence en cas de successions internationales, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen. Ce juge écarte toutefois sa compétence. La Cour de cassation est alors saisie d’un pourvoi comportant deux moyens.
I) Le premier reproche à la cour d’appel d’avoir méconnu les dispositions de l’article 4 du règlement.
Ces dispositions qui posent, en tant que règle générale, que sont compétentes en cas de successions internationales pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. Le débat s’est donc orienté vers la détermination de la résidence habituelle. Cette notion est évidemment cruciale dans la mise en œuvre du règlement.
Elle est précisée, ainsi que le relève l’arrêt, par les considérants 23 et 24 du préambule de ce texte. Le premier de ces considérants, indique qu’afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession doit procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. Ainsi, la résidence habituelle doit révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement.
Le second ajoute qu’il peut s’avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d’origine. Dans un tel cas, le défunt peut, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d’origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale.
Dans l’hypothèse où le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d’un État à un autre sans s’être installé de façon permanente dans un État, sa nationalité ou le lieu de situation de ses principaux biens peut alors constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait.
Cette notion de résidence habituelle est une notion autonome du droit européen. Elle est évidemment centrale dans le système du règlement, et ce d’autant plus qu’elle est également utilisée dans le processus de détermination de la loi applicable : l’article 21 prévoit ainsi que, par principe, la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. La doctrine spécialisée consacre d’ailleurs des développements substantiels à cette notion, que ce soit en France.
En l’espèce, l’arrêt approuve les juges du fond d’avoir exclu leur compétence en cas de successions internationales, après avoir notamment relevé que le défunt partageait son temps entre les États-Unis et la France sans toutefois que la durée des séjours dans chaque pays ne soit déterminante, qu’il avait la nationalité américaine, qu’il était né et décédé à New York, qu’il y avait travaillé et rédigé son testament dans lequel il s’est déclaré résident de New York, qu’il y possédait un patrimoine immobilier important, y avait une adresse fixe depuis quarante ans et y était domicilié fiscalement, et que sa famille vivait majoritairement aux États-Unis.
S’il constitue une simple illustration des conditions de mise en œuvre de l’article 4 du règlement, interprété au regard des considérants du préambule, cet arrêt mérite de retenir l’attention par son aspect pédagogique qui guidera à l’évidence les praticiens.
II) Le second moyen vise l’article 10 du règlement, selon lequel
§ 1 : Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession dans la mesure où : a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut, b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle.
§ 2 : Lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en cas de successions internationales en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens.
Cet article 10 pose deux règles de compétence subsidiaires, dans l’hypothèse où le défunt n’a pas sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre. Par son premier paragraphe, il permet de fonder, à certaines conditions, la compétence en cas de successions internationales des juridictions d’un État membre où les biens sont situés, et ce pour régler la succession dans sa globalité.
Son second paragraphe prévoit quant à lui une compétence restreinte aux biens considérés, ce qui peut donc conduire à des procédures parallèles dans plusieurs États si le défunt disposait de biens répartis sur les territoires de ceux-ci.
La demanderesse au pourvoi faisait valoir, à titre subsidiaire, que cet article 10, § 2, avait vocation à donner compétence au juge français. Le moyen est cependant sèchement rejeté, puisque les juges d’appel avaient constaté que le défunt n’avait aucun bien en France.
SOURCES :
(2) https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:201:0107:0134:FR:PDF