L'identité numérique est un des sujets en vogue depuis 2009. Beaucoup en ont parlé. Si cette question est cruciale depuis l'arrivée du web, sa démocratisation et l'explosion des réseaux sociaux tels que Facebook ont accéléré la prise de conscience. En effet, à travers des profils trop explicites, des commentaires trop acerbes chacun peut se faire piéger ou tout au moins être discrédité.
Partant, si ces réseaux sont des outils de communication reconnus, il ne faut pas en abuser et les utiliser à bon escient. A priori, des clauses de confidentialité existent pour protéger les internautes, mais souvent celles-ci sont mal connues ou mal utilisées ou tout simplement partiellement inefficaces. D'ailleurs à plusieurs reprises des plaintes ont été lancées contre Facebook pour non respect de la vie privée.
La question qui se pose est donc de savoir si les internautes ont ou non la maîtrise de leur identité numérique ? Autrement dit, parviennent-t-ils à gérer les traces qu’ils laissent sur les réseaux sociaux? Le sujet, fait débat. D’une part, parce que cela porte atteinte à cette liberté fondamentale qu’est le respect de la vie privée (1). D’autre part, parce que la sanction relative au délit d’usurpation numérique était jusqu’alors inexistante (2).
Usurpation de l’identité numérique et atteinte à la vie privée
A l'heure où les moteurs de recherche de personnes se multiplient, où les recruteurs googlisent fréquemment les postulants et où la vitesse de circulation des informations sur la toile est plus rapide que jamais, il convient de faire attention. En effet, Internet amène parfois à la violation de droits fondamentaux, tel que l’atteinte à la privée. L’affaire du faux profil de l’artiste Omar sur Facebook en témoigne.
Un internaute a en effet été condamné à 4 000 euros dont 2 500 euros à titre de réparation, par une ordonnance de référé du 24 novembre 2010 du TGI de Paris pour avoir créé un faux profil de l’artiste sur Facebook. Pour créer cette page, il avait utilisé l’identité du comédien et il avait mis en ligne des clichés le représentant seul ou avec son partenaire de scène. Elle contenait également des commentaires que l’artiste était censé avoir écrit ainsi les réponses de ses « amis » qui y avaient accédé pensant s’adresser à lui.
Considérant qu’une telle mise en ligne constituait un « avatar fictif qui parasite sa vie privée », Omar Sy a fait identifier l’internaute, grâce à son adresse IP, avant de l’assigner en justice pour avoir usurpé son identité. Ce dernier a été assigné en référé sur le fondement de l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image de l’artiste.
Le tribunal lui a finalement donné raison, en rappelant que « toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit, en application de l’article 9 du code civil, au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même les limites de ce qui peut être divulgué à ce sujet ». Les juges rappellent que quelque soit sa notoriété, toute personne a droit au respect de sa vie privée.
Usurpation de l’identité numérique et sanctions
La loi d’Orientation et de programmation pour la sécurité intérieure[1], dite loi Loppsi 2 vise, entre autre, à définir et sanctionner le délit d'usurpation d'identité dans les télécommunications électroniques. L’article 2 dispose en effet que, « l'utilisation malveillante, dans le cadre des communications électroniques, de l'identité d'autrui ou de toute autre donnée personnelle, en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur ou sa considération sera passible de 15 000 euros d'amende et d'un an de prison ».
Jusqu’à l'adoption dudit texte, aucune définition ni sanction spécifique du délit d'usurpation d'identité numérique n’était légalement prévue. En effet, en France, l'usurpation d'identité est, dans certaines circonstances[], un délit pénal qui peut être sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende comme le précise l'article 434-23 du Code pénal. Les juges ont donc du s’adapter à ce vide juridique.
En matière de phishing[2] par exemple, aux termes d’un jugement du 21 septembre 2005, le Tribunal de grande instance de Paris avait condamné sur le fondement de la contrefaçon de marque et la contrefaçon d’un site web un internaute pour avoir réalisé sur un site personnel une imitation de la page d’enregistrement à Microsoft MSN Messenger afin de recueillir, des personnes susceptibles de s’enregistrer, des données personnelles et confidentielles.
Le tribunal correctionnel de Meaux[3] a même infligé une peine de prison avec sursis à un homme pour avoir usurpé l’identité de son amie, et ce, avant même l’entrée en vigueur de la loi Loppsi 2. L'usurpation d'identité coûte donc cher aussi sur Internet.
[1] Adopté avec modifications par l'Assemblée nationale le 21 décembre 2010.
[2] Appelée "phishing" ou "hameçonnage". Cette ruse consiste à faire croire à la victime qu'elle s'adresse à un tiers de confiance - banque, administration - dans le but de lui soutirer des renseignements personnels tel qu'un un numéro de carte de crédit ou un mot de passe.
[3] Jugement du Tribunal correctionnel de Meaux en date du 24 janvier 2008.