En l’espèce, une société d’achat vente sur internet, qui avait protégé sa marque, recherchait la responsabilité de Google pour son service Adwords qui référençait des sites concurrents, accessibles par des liens commerciaux, et dont les noms apparaissaient lorsqu’était rentrée cette marque. Ces sites, apparaissant tout de même dans une catégorie distincte, offraient des services similaires mais néanmoins sans lien avec la société demanderesse.
En appel, le juge a considéré que la démarcation entre les résultats de la recherche et ces résultats commerciaux évitait tout risque de confusion pour l’utilisateur, de sorte que la contrefaçon ou le parasitisme n’étaient pas qualifiés. Pour appuyer sa décision, la Cour d’appel de Paris relève également l’utilisation de termes génériques, l’annonce de promotions ou encore l’absence de références explicites ou implicites à la marque en question.
La société saisi alors la Cour de cassation en annulation de l’arrêt d’appel en soutenant que la cour d’appel fait une mauvaise application de la directive communautaire 89/104 du 21 décembre 1988 relative aux marques.
La difficulté, récurrente, est de déterminer à partir de quel moment l’utilisation d’une marque comme mot clé porte atteinte à un intérêt d’une personne, ainsi que de savoir sur qui repose la responsabilité au cas où le détournement de la marque est constaté.
La Cour de cassation confirme le jugement d’appel.
Cet arrêt fait donc écho à celui de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 mars 2010 qui prône une approche casuistique de la question. La Cour répondait à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt du 20 mai 2008 qui portait aussi sur le service Adwords de Google. Peu avant que la Cour de cassation ne le fasse, la cour d’appel de Lyon a fait application de la jurisprudence communautaire dans un arrêt du 22 mars 2012 pour écarter la responsabilité de Google dans une affaire similaire. En revanche, un client de Google a été condamné récemment par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 13 juillet 2012 pour concurrence déloyale et parasitisme.
I - La difficile qualification des moteurs de recherche
A - La définition communautaire du service de référencement Adwords
La Cour décrit Adwords comme « un service de référencement payant [qui] permet à tout opérateur économique, moyennant la sélection d’un ou de plusieurs mots clés, de faire apparaître, en cas de concordance entre ce ou ces mots et celui ou ceux contenus dans la requête adressée par un internaute au moteur de recherche, un lien promotionnel vers son site. » Ce qui importe surtout est que le service est payant et que « Google a mis au point un processus automatisé pour permettre la sélection de mots clés et la création d’annonces. Les annonceurs sélectionnent les mots clés, rédigent le message commercial et insèrent le lien vers leur site ».
La Cour indique qu’il faut considérer, pour déterminer la responsabilité, le comportement du moteur de recherche. S’il est simplement technique et automatique, sans contrôle des données stockées, la responsabilité du moteur de recherche ne peut être retenue. C’est aux juge interne d’apprécier ensuite le rôle de l’opérateur et de déterminer s’il est neutre ou non au cas par cas.
La décision est également basée sur la directive 89/104 du 21 décembre 1988 relatives aux marques dans l’Union européenne : « le titulaire [d’une marque] est habilité à interdire à tout tiers […] de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque ».
B - Une analyse casuistique opérée par le juge interne
Dans l’arrêt du 25 septembre 2012 la Cour de cassation, comme la cour d’appel, fait une exacte application des prescriptions du juge de l’Union. Elle constate que les mots clés utilisés sont identiques aux marques protégées mais que les annonces « sont classées sous la rubrique “liens commerciaux” » et qu’elles « s’affichent sur une colonne nettement séparée de celle afférente aux résultats naturels de la recherche effectuée, avec ces mots clés, sur le moteur de recherche de Google ».
La logique appliquée en l’occurrence amène à moduler le régime de responsabilité pour réduire voire exonérer de sa responsabilité le moteur de recherche. Les directives communautaires vont aussi en ce sens et la responsabilité porte davantage sur les clients d’Adwords que sur le service lui-même lorsqu’une contrefaçon ou un parasitisme est qualifié.
II - La responsabilité du moteur de recherche
A - Le critère du risque de confusion : élément déterminant
Il faut rechercher si le risque de confusion pour l’utilisateur normal de nature à lui faire croire qu’il sera effectivement redirigé vers un site de la marque. En ce cas, la contrefaçon et le parasitisme peuvent être retenu à l’encontre de l’auteur de ces liens, dans les conditions qui seront exposées ensuite. La cour d’appel de Paris en a jugé ainsi dans un arrêt du 13 juillet 2012. Restant fidèle à la jurisprudence communautaire, la cour en a déduit un acte de concurrence déloyale ainsi qu’un acte de parasitisme, « du fait de l’immixtion dans le sillage économique de la société ».
Le parasitisme s’entend traditionnellement de pratiques permettant à une personne de tirer profit de la réputation d’une autre sans qu’il soit nécessaire de rechercher s’il y a confusion ou non sauf en matière de nouvelle technologies semble-t-il.
B - La répartition de la responsabilité
Dans tous les cas, il semble de moins en moins envisageable de rechercher la responsabilité de Google. La Cour de justice de l’Union a basé son raisonnement, pour ce qui est de ce point, sur la directive 2000/31/CE relative au commerce en ligne. C’est le comportement du moteur de recherche qui importe.
En théorie, une responsabilité limitée, et donc sans doute partagée, doit s’appliquer. Dans le cas où la confusion pour le consommateur serait qualifiée, il serait possible de rechercher la responsabilité du moteur de recherche mais également celle du site vers lequel les liens renvoient, puisque l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 mars 2010 retient que « les annonceurs sélectionnent les mots clés, rédigent le message commercial et insèrent le lien vers leur site ».
Le juge en tire une responsabilité pour les sociétés utilisant le service Adwords. En revanche, puisque le service est « un processus automatisé pour permettre la sélection de mots clés et la création d’annonces », la responsabilité du moteur de recherche est beaucoup plus délicate à retenir et le juge ne s’y risque d’ailleurs pas.