La vidéosurveillance, qui implique l'utilisation de caméras pour surveiller et enregistrer les activités dans les cellules de détention, est considérée à la fois comme un outil essentiel pour assurer la sécurité des détenus et du personnel, et comme une intrusion potentielle dans la vie privée des individus détenus.
D'une part, les partisans de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue soutiennent que cette technologie est nécessaire pour prévenir les comportements violents, les actes d'automutilation, les tentatives de suicide et les évasions. En outre, elle est considérée comme un moyen de fournir des preuves tangibles en cas d'incidents ou d'allégations d'abus, ce qui peut contribuer à garantir la transparence et la responsabilité des autorités chargées de l'application de la loi.
D'autre part, les opposants à la vidéosurveillance soulèvent des préoccupations quant à l'invasion de la vie privée des détenus, arguant que ces derniers ont droit à une certaine intimité, même en détention. De plus, la surveillance constante peut être perçue comme une forme de traitement inhumain ou dégradant, en contradiction avec les normes internationales des droits de l'homme.
En outre, des questions de sécurité des données, de conservation des enregistrements et d'accès aux images captées par les caméras font également partie des préoccupations soulevées par l'utilisation de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue.
La réglementation de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue est donc un enjeu crucial, nécessitant un équilibre délicat entre la protection des droits individuels, la sécurité des détenus et du personnel, et la préservation de preuves potentielles.
Le décret numéro 2023-1330 du 28 décembre 2023 a introduit des directives spécifiques concernant l'installation et l'utilisation des équipements de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue. Ces directives visent à encadrer strictement l'utilisation de la vidéosurveillance, en mettant l'accent sur la protection des droits fondamentaux des personnes détenues tout en assurant la sécurité des lieux de détention.
Parmi les points clés du décret figurent des exigences précises concernant la résolution des caméras, les périodes de conservation des enregistrements, l'accès aux images enregistrées et les mesures de protection des données personnelles.
De plus, le décret établit des procédures claires pour l'utilisation des enregistrements, limitant leur consultation aux seules fins prévues par la loi. Il est indéniable que la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue soulève des questions complexes liées à la vie privée, à la sécurité et aux droits individuels. Alors que certains considèrent cette pratique comme une nécessité incontournable pour assurer la sécurité publique, d'autres mettent en garde contre le risque de dérives et d'abus. La mise en œuvre du décret numéro 2023-1330 du 28 décembre 2023 constitue un pas important dans la réglementation de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue, mais elle ne manquera pas de continuer à susciter des débats et des réflexions approfondies quant à son impact sur la société et les droits individuels.
Le décret précise qu’il est inséré après le titre V du livre II du code de la sécurité intérieure, un titre V bis ainsi rédigé :
« Titre V BIS « vidéosurveillance dans les lieux de privation de liberté ».
I. Finalités de la vidéosurveillance dans les lieux de privation de liberté
Il est noté à l’article « R. 256-1.-Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale, direction générale de la gendarmerie nationale et préfecture de police pour les gardes à vue qu'elles réalisent chacune respectivement) et le ministre chargé du budget (direction générale des douanes et droits indirects pour les retenues douanières qu'elle réalise et service d'enquêtes judiciaires des finances pour les gardes à vue qu'il réalise) sont autorisés à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel ayant pour finalité de prévenir les risques d'évasion des personnes placées en garde à vue ou en retenue douanière et les menaces sur ces personnes ou sur autrui.
II. Enregistrement des images et des sons
Concernant l’enregistrement des images, l’« Art. R. 256-2. Dispose que -Sont enregistrées dans les traitements mentionnés à l'article R. 256-1 les données à caractère personnel et informations suivantes :
« 1° Les séquences vidéo, à l'exclusion des sons, provenant des systèmes de vidéosurveillance installés dans les cellules de garde à vue ou de retenue douanière ;
« 2° La date et l'heure des séquences vidéo ;
« 3° Le lieu de captation des séquences vidéo.
« Les systèmes de vidéosurveillance sont équipés de dispositifs techniques permettant de garantir, jusqu'à leur effacement, la sécurité et l'intégrité des enregistrements.
III. Conservation des enregistrements
Parmi les règles applicables à la protection des données à caractère personnel, la définition d’une durée de conservation adéquate et proportionnée tient une place essentielle. En effet, limiter dans le temps la conservation des données permet d’éviter qu’elles soient conservées et traitées indéfiniment et que cela porte atteinte aux droits et libertés des personnes concernées.
A cet égard, l’article 5, § 1, e) du RGPD précise que les données doivent être « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ».
Pour autant, ni la loi Informatique et libertés ni le RGPD ne fixent de durée précise laissant aux autorités de contrôle et aux organismes qui traitent des données une marge d’interprétation au regard des circonstances entourant un traitement de données.
Ainsi, le décret numéro 2023-1330 du 28 décembre 2023 en son article « R. 256-3. précise que -Les données et informations mentionnées à l'article R. 256-2 sont conservées pendant une durée de quarante-huit heures à compter de la fin de la garde à vue ou de la retenue douanière.
« Cette durée est portée à sept jours à compter du lendemain de la fin de la garde à vue ou de la retenue douanière lorsque la personne en ayant fait l'objet, son avocat, ses représentants légaux lorsqu'elle est mineure ou la personne désignée en application de l'article 446 du code civil lorsqu'elle bénéficie d'une mesure de protection juridique demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin de la mesure, la conservation des enregistrements la concernant.
« Au terme des délais mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article, les données et informations mentionnées à l'article R. 256-2 sont effacées automatiquement des traitements.
« Lorsque les données et informations mentionnées à l'article R. 256-2 ont, dans les délais mentionnés au présent article, été extraites et transmises pour les besoins d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, elles sont conservées selon les règles propres à chacune de ces procédures.
Par ailleurs, l’« Art. R. 256-5. Dispose que -Les opérations de collecte, de modification, de communication et d'effacement des données et informations mentionnées à l'article R. 256-2 font l'objet d'un enregistrement comprenant l'identifiant de l'auteur, la date, l'heure et le motif de l'opération et, le cas échéant, les destinataires des données et informations.
« Ces informations sont conservées pendant une durée d'un an à compter de leur enregistrement.
« Le registre mentionné à l'article L. 256-4 tient lieu de journal des opérations de consultation des données et informations mentionnées à l'article R. 256-2.
IV. Personnes pouvant avoir accès aux données collectées
Selon l’« Art. R. 256-4.-I.-Peuvent avoir accès aux données et informations mentionnées à l'article R. 256-2, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les chefs des services et les commandants des unités au sein desquels les traitements sont mis en œuvre ;
« 2° Les personnels de la police nationale, les personnels de la gendarmerie nationale, les agents des douanes et les agents mentionnés aux articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale, individuellement désignés et spécialement habilités par leur chef de service ou par leur commandant d'unité.
« Les personnes mentionnées aux 1° et 2° du présent I sont seules autorisées à procéder à l'extraction des données mentionnées à l'article R. 256-2 pour les besoins exclusifs d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.
« II.-Peuvent être destinataires de tout ou partie des données et informations mentionnées à l'article R. 256-2, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître dans le cadre d'une procédure administrative ou disciplinaire :
« 1° Les membres de l'inspection générale de la police nationale, de l'inspection générale de la gendarmerie nationale et de l'inspection des services de la direction générale des douanes et droits indirects ;
« 2° L'autorité hiérarchique participant à l'exercice du pouvoir disciplinaire, les membres des instances disciplinaires et les agents chargés de l'instruction des dossiers présentés à ces instances dans le cadre d'une procédure disciplinaire.
V. Droit des personnes concernées
« II.-Conformément aux articles 105 et 106 de la même loi, les droits d'accès, de rectification, d'effacement et à la limitation des données s'exercent directement auprès du responsable du traitement mentionné à l'article R. 256-1.
« III.-Afin d'éviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires ou d'éviter de nuire à la prévention ou à la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l'exécution de sanctions pénales ou de protéger la sécurité publique, les droits d'accès, de rectification, d'effacement et à la limitation des données peuvent faire l'objet de restrictions en application des 2° et 3° des II et III de l'article 107 de la même loi.
« La personne concernée par ces restrictions exerce ses droits auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans les conditions prévues à l'article 108 de la même loi.
Pour conclure, nous pouvons dire que la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue demeure un sujet d'une grande complexité, suscitant des débats intenses et des préoccupations importantes. Alors que son utilisation est souvent justifiée par la nécessité de garantir la sécurité des lieux de détention et des individus détenus, elle soulève également des inquiétudes quant à la vie privée, à la dignité humaine et à la potentielle utilisation abusive des enregistrements. La mise en place de réglementations telles que le décret numéro 2023-1330 du 28 décembre 2023 vise à encadrer strictement l'utilisation de la vidéosurveillance, soulignant l'importance de préserver les droits fondamentaux des personnes détenues tout en assurant la sécurité des lieux de détention.
Cependant, malgré ces mesures, des questions demeurent quant à la manière dont ces dispositifs impactent la relation entre les autorités et les individus détenus, ainsi que sur la manière dont les enregistrements sont utilisés et protégés. Ainsi, la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue nécessite une approche équilibrée, prenant en compte à la fois les impératifs de sécurité et la protection des droits individuels. Son évolution future devra sans doute s'inscrire dans une réflexion approfondie sur la protection de la vie privée, l'éthique et les garanties juridiques pour assurer une utilisation appropriée et respectueuse de ces technologies au sein du système pénal.
Sources :
2. Article 62-2 - Code de procédure pénale - Légifrance (legifrance.gouv.fr)