La récente loi sur l'immigration adoptée par le Parlement le 19 décembre 2023, notamment en ce qui concerne la régularisation des travailleurs sans-papiers. Cette loi introduit un nouvel article, le L435-4 du Code d’Entrée et de Séjour des Étrangers CESEDA, ouvrant une voie de régularisation pour ceux exerçant leur activité dans des métiers ou zones géographiques sous tension.
Si cette disposition, soumise à la confirmation du Conseil Constitutionnel, voit le jour, les étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins 3 ans, justifiant d'une activité professionnelle de 12 mois sur les 24 derniers mois dans un métier ou une zone en tension, pourront obtenir la carte de séjour "salarié" ou "travailleur temporaire". Cependant, il est important de noter que les périodes de séjour et d'activité sous les titres "étudiant", "réfugié" et "saisonnier" ne seront pas prises en compte.
Bien que certaines personnes se félicitent de cette initiative en la considérant comme une avancée favorable aux étrangers, il est essentiel de soulever une question fondamentale : comment peut-on exiger une justification d'activité antérieure pour être régularisé lorsque, en principe, travailler sans titre de séjour est illégal ? Les employeurs, en toute connaissance de cause, risquent des sanctions sévères pour l'embauche d'étrangers sans autorisation de travail.
La législation actuelle semble entretenir une contradiction majeure : pour être régularisé par le travail, il faut avoir déjà travaillé. Les nouvelles dispositions issues de la circulaire "Valls" de 2012 renforcent malheureusement des pratiques illégales.
1- Les options de travail en situation irrégulière
Un étranger en situation irrégulière peut travailler selon plusieurs situations.
- « Travail au Black » : il travaille sans être déclaré, en percevant ses salaires essentiellement en espèces ou sur le compte d’un tiers. La preuve de l’activité professionnelle sera très difficile voire impossible étant donné l’illégalité de l’activité pour l’employeur et le salarié.
- Le travail déclaré d’un étranger devenu sans-papier : l’étranger a débuté un emploi alors qu’il détenait un titre de séjour valide. Ayant perdu son droit au séjour en France il continue son travail sans déclarer à l’employeur l’absence du renouvellement du titre ou son OQTF. Ce dernier n’ayant pas vérifié la validité du titre de son salarié, a continué à l’employer dans l’irrégularité. La preuve de l’activité professionnelle sera rapportée facilement par la production de bulletins et du contrat ainsi que de virement bancaire cependant cette situation demeure illégale pour l’employeur et le salarié.
- Le travail déclaré d’un sans-papier : Dans cette situation il est déclaré avec son passeport et/ou un numéro provisoire de sécurité sociale. Il perçoit ses bulletins de salaires et justifie d’un contrat de travail. La preuve de l’activité étant sans difficulté mais l’illégalité demeurant.
- Le travail des étrangers titulaires d’un titre de séjour d’un autre pays de l’UE : certains étrangers en provenance d’autre pays de l’UE se font embaucher à l’aide de leur titre de séjour d’un autre pays de l’UE (Italie, Espagne, Portugal etc..) alors que ces titres ne permettent pas de travailler en France. La preuve de l’activité étant sans difficulté mais l’illégalité demeurant.
Une conséquence directe de ces nouvelles dispositions pourrait être une augmentation de la fraude documentaire. Les étrangers cherchant à être régularisés pourraient utiliser de faux documents pour remplir les conditions nécessaires, accentuant ainsi les pratiques frauduleuses.
En ce qui concerne les métiers en tension, la subjectivité et l'inefficacité de cette distinction sont soulignées, car la liste actuelle ne reflète pas pleinement les besoins réels de recrutement dans divers secteurs.
En tant qu'avocat spécialisé en droit des étrangers, ces observations émanent de ma pratique quotidienne, illustrant les réalités complexes auxquelles font face tant les étrangers en situation irrégulière que les employeurs.
Nous sommes confrontés à un défi : la nécessité d'une législation sur l'immigration plus sincère et cohérente. Bien que la régularisation des étrangers puisse être une solution face à la pénurie de main-d'œuvre, elle ne devrait pas être conditionnée par la nécessité d'une activité professionnelle illégale. Les nouvelles dispositions, telles que celles de l'article L435-4 du CESEDA, semblent fragiliser davantage la situation des étrangers en situation irrégulière.
Le cabinet FB avocat, compétent en immigration nationalité française, nous sommes à Bordeaux, Paris et Dakar.
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I. – Le chapitre V du titre III du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 435-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 435-4. – À titre exceptionnel, et sans que les conditions ci-après définies ne soient opposables à l’autorité administrative, l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 durant au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié” d’une durée d’un an. | |
« Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert des documents de séjour mentionnés aux articles L. 421-34, L. 422-1 et L. 521-7 ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié” mentionnée au premier alinéa du présent article. | |
« Dans l’exercice de sa faculté d’appréciation, l’autorité compétente prend en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7. | |
« L’étranger ne peut se voir délivrer la carte de séjour temporaire sur le fondement du premier alinéa s’il a fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire. | |
« Par dérogation à l’article L. 421-1, dès lors que la réalité de l’activité de l’étranger a été vérifiée conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, la délivrance de cette carte entraîne celle de l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 5221-2 du code du travail, matérialisée par un document sécurisé. | |
« La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. » | |
II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : | |
« Lorsqu’un titre de séjour “salarié” ou “travailleur temporaire” est délivré à l’étranger sur le fondement de l’article L. 435-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative vérifie par tout moyen la réalité de l’activité alléguée. » |