A quoi ressemblerait un Etat dans lequel les citoyens n’auraient pas le droit de contrôler et de sanctionner le(s) dirigeant(s) ? Un simulacre de communauté déséquilibrée et colorée par une paupérisation soutenue par le chaos de l’injustice et l’écho de la raison du plus fort ? Certainement ! La participation du citoyen à l‘administration de la communauté commence par le choix des administrateurs opéré par le biais du vote. Le vote, expression d’une préférence dans une consultation collective selon Pierre LERAT, est l’acte par lequel un citoyen participe en se prononçant dans un sens déterminé, au choix de ses représentants ou à la prise d’une décision (Cf. Lexique des termes juridique 2010).
Il s’infère de cette thèse que le vote chante dans un chœur à deux voix : la gamme du choix des représentants et celle de la prise de décision.
Le juriste s’apercevra à la l’audition de ces deux gammes que la première ressortit davantage au droit public, ou encore aux sciences politiques en ce qu’elle emporte avec elle l’organisation, la gestion des institutions électorales, et surtout le contentieux éponyme qui est proche de l’office des publicistes.
Il ne perdra pas de vue en tant que privatiste que le vote est l’activité organisée par le droit des sociétés commerciales et groupements d’intérêts économiques et qui permet de donner vitalité aux entreprises. Dans ce cas, on cernera le vote sous ses aspects communautaires au travers des dispositions pertinentes du droit OHADA sur le choix des gérants sociaux, des administrateurs généraux (et de leurs adjoints), des présidents de Conseil d’administration… Il s’agit aussi dans ce deuxième cas de toute réunion des membres d’une collectivité aux fins de prise de décisions pouvant affecter ou engager par le fait majoritaire le fonctionnement de ladite collectivité, ses rapports avec ses partenaires et les tiers ou encore la composition de son équipe dirigeante. Le choix des représentants se répète donc in casu mais dans un cadre strictement privé.
Pourquoi voter ? Il est inconcevable de laisser une structure, une communauté fonctionner seule sans contrôle, sans ''contre-pouvoir-sanction’’, sans échéances de réfaction. Il -le vote- permet donc aux intéressés de mettre les institutions qui s’occupent de leurs intérêts, en phase avec leurs objectifs et préoccupations actuelles, à jour à la date du choix. Il permet de sanctionner les personnes qui, étant déjà élues ont compromis les intérêts de la collectivité et facilite par le jeu du levé de l’éventuelle immunité, l’appréciation judiciaire des comportements des ex élus.
La question du vote en est une qui ravive passions et tensions à cause de l'enjeu en scène. Cet enjeu peut être source de renouveau politique (cas du Bénin 1990), de transition (Madagascar 2014-2015), de changement (Nigéria 2015), de conflits (Zimbabwe), de scission (Sud Soudan – Soudan), de réunification (firmes multinationales), de démission (responsable de GIE), d’élection (chambre de commerce…). Le constat est constant : l’enjeu est très important et parfois en sciences politiques, vital. C’est pourquoi les modalités du vote offrent selon les espèces le confort adéquat : le vote peut être secret, facultatif, public, préférentiel, par correspondances, obligatoire …
Trajet versus destination. Le trajet du renouvellement des dirigeants emprunte souvent donc le boulevard de la votation, à tout le moins dans les systèmes participatifs classiques. Il n’y a par voie de conséquence pas de démocratie sans vote de sorte que la possibilité de l’adjonction de l’adjectif « démocratique » à un système politique dépend de la validation positive de l’hypothèse du choix par vote. Il peut s’agir du représentant de l’Etat ou de la collectivité territoriale ; dans le premier cas il faudra distinguer les systèmes présidentiels, parlementaire, semi-présidentiels et les systèmes présidentialistes dans les pays de tradition romano-civiliste sans occulter l’élection de gouverneurs dans les Etats fédérés auxquels le système anglo-saxon est plus sensible ; le vote est, il faut y arriver, le siège de la légitimité démocratique des élus. Dans le second cas, il peut être orienté vers le choix des conseillers municipaux, qui par dérivation désigneront le responsable communal dans les sphères décentralisées.
Intérêts antagoniques. Et si les passions s’en mêlent, c’est certainement à cause du double antagonisme que génère le vote. D’une part, il faut noter l’opposition presque incongrue entre les intérêts et/ou les visions de la majorité libre et libertaire (des peuples, citoyens, mandants) et ceux des dirigeants plus astreints et contraints par un cadre décisionnel juridique (législatif et réglementaire) formel et organisé. Il s’agit à la vérité de l’affrontement entre la sociologie et le droit, entre la loi et la procédure, entre la règle et la liberté. L’autre ressort de l’antagonisme tient à ce que le vote permet de distinguer au cœur d’une couche confuse, les citoyens des masses apolitiques de Hannah Arendt.
Y a-t-il lieu de choisir la lucarne au travers de laquelle la portée du vote sera observée entre celle du droit public de la représentation et celle du droit privé de la décision ?! Parce que la question est contraignante il faudrait peut-être vagabonder en toute liberté au travers d’une observation politologique. Conscient du double antagonisme autour du vote, et à la recherche de la portée, on ressentira dans les hypothèses de recherches les effets des mêmes antagonismes qui se matérialiseraient à la fois par un objet utile et un objet utilitariste. C’est pourquoi, après avoir admis que le vote, acte de souveraineté populaire, sert à l’onction des représentants (I) on ne se refusera pas à réaliser qu’il aide également à l’instrumentalisation des représentés (II).
I/-La légitimation des représentants
A- Des modalités juridiques…
(suffrage universel direct/indirect, restreint; formes de vote; méthodes de calcul; véto populaire, plébiscite, référendum...)
B-…Pour une finalité démocratique
II/-L’instrumentalisation des représentés
Facilitée par :
A- La qualité du système politique local
B- La caution des systèmes étrangers
Rodrigue DAVAKAN, Diplomatie et Relations internationales.