(...)
Attendu qu’il est indiqué dans la décision d’opposition à célébration de mariage en date du 12 septembre 2013, délivrée par le parquet de Chambéry, que le mariage entre personnes de même sexe est interdit au Maroc et que l’homosexualité y est réprimée pénalement ;
Attendu qu’il est produit un certificat de coutume faisant apparaître que dans la législation marocaine le mariage est un contrat légal par lequel un homme et une femme consentent à s’unir en vue d’une vie conjugale commune et durable ;
Attendu par ailleurs que l’article 489 du code pénal marocain réprime les relations homosexuelles :
Attendu qu’il apparaît à l’examen de ces éléments que l’acte d’opposition, en faisant mention de ces conditions légales objectives appliquées au Maroc, a respecté les mentions prévues par l’article 176 du code civil et a fait valoir que cette réalité impliquait une impossibilité juridique pour M. O., ressortissant marocain, de conclure un mariage avec une personne du même sexe en faisant application du droit marocain ; que l’exception soulevée concernant la nullité de l’acte d’opposition sera ainsi écartée ;
Attendu qu’il est constant que la convention franco-marocaine du 10 août 1981 est appliquée en droit interne concernant l’état des personnes ; qu’il n’est aucunement établi que ces dispositions ne sont pas mises en oeuvre avec réciprocité alors qu’elles sont ratifiées et publiées depuis trente années ; que la non applicabilité de la convention franco-marocaine sur la base du motif de la non réciprocité sera rejetée ;
Attendu que ladite convention prévoit en son article 4 que la loi de l’un des deux états désignés ne peut être écartée par les juridictions de l’autre état que si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public ;
Attendu que l’article 143 du code civil dispose désormais que le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ;
Attendu que la liberté de se marier est un droit fondamental protégé faisant partie du bloc des libertés personnelles suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ; qu’il ne peut pas être contesté que cette nouvelle disposition du code civil, concernant les qualités et conditions du mariage, a modifié la substance même des droits de la personne au regard de l’institution du mariage et permis un accès à des droits qui n’existaient pas avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 ;
Attendu que l’article 202-1 du code civil précise que les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle ; que toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage , lorsque, pour au moins l’une d’elle, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence, le permet ;
Attendu qu’il ressort de ces dispositions que le conflit de loi éventuel a été anticipé par la nouvelle loi et que le mariage a ainsi été déclaré possible même pour les personnes dont la loi personnelle n’autorise pas le mariage de personnes de même sexe ; qu’il s’ensuit que ces nouveaux droits ont été rendus délibérément accessibles pour des personnes vivant sur le territoire français et qui n’avaient pas la possibilité juridique d’acquérir ces droits dans le cadre de leur loi personnelle ;
Attendu que ces dispositions, tirées de la loi du 17 mai 2013, ont été validées par le Conseil Constitutionnel et qu’il doit être considéré qu’elles s’intègrent à un nouvel ordre public international ;
Attendu qu’il est constant que la non application de la loi en question pour les ressortissants marocains en raison de l’existence de la convention bilatérale franco-marocaine de 1981 entraînerait une discrimination certaine au détriment de ces derniers ; que ces ressortissants étrangers vivent en France et doivent pouvoir bénéficier de l’accès à des droits légitimes conformes au nouvel ordre public international dans des conditions équivalentes à celles des ressortissants de pays qui n’ont pas conclu de conventions bilatérales et dont les législations ne reconnaissent pas non plus le mariage homosexuel ; qu’il convient ainsi, pour ces motifs, d’écarter l’application de la convention franco-marocaine au profit des principes supérieurs du nouvel ordre public international, instaurés par la loi du 17 mai 2013, et en conséquence de ne pas reconnaître en l’espèce une supériorité du traité sur la loi suivant le principe habituel de la hiérarchie des normes ; qu’il s’ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a été donné mainlevée de l’acte d’opposition du 12 septembre 2013 au mariage des intimés et le ministère public sera débouté de ses demandes en cause d’appel ;
Attendu qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de Messieurs G. et O. la somme exposée au titre de leurs frais irrépétibles en cause d’appel ;
Par ces motifs :
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare l’appel recevable en la forme,
Au fond,
Rejette l’exception de nullité présentée par Messieurs G. et M.,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Chambéry en date du 11 octobre 2013,
Déboute le ministère public de ses demandes,
Déboute Messieurs G. et O. de leur demande sur le fondement de l’article 700 du CPC.
Condamne le trésor public aux dépens de la procédure d’appel.