La clause de médiation ou de conciliation est une clause par laquelle les parties à un contrat conviennent, dès la conclusion de leur contrat, de subordonner toute action contentieuse à une tentative préalable et obligatoire de recherche d’une solution amiable avec l’aide d’un tiers appelé médiateur ou conciliateur.
Elle met à la charge des parties deux séries d'obligations, à savoir:
- une obligation de faire: qui consiste à mettre effectivement en œuvre la procédure de conciliation ou de médiation; c'est-à-dire l'organisation matérielle d'un cadre de négociation qui se traduit concrètement par le fait de prendre contact, nommer le ou les médiateurs et se présenter au moins devant lui.
- une obligation de ne pas faire: ne pas porter le différend devant le juge ou l'arbitre tant que la clause de conciliation ou de médiation n'a pas été mise en oeuvre. Il s'agit d'une renonciation temporaire au droit d'agir en justice.
Dans son arrêt rendu le 14 février 2003, la chambre mixte de la Cour de cassation avait jugé que «la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent » (Cass. ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19423)
Ainsi, pour la chambre mixte, la saisine directe du juge en méconnaissance de la procédure de conciliation préalable et obligatoire est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande en justice.
Mais, à la différence de la chambre mixte, la chambre sociale de la Cour de Cassation considère, qu’une clause de médiation ou de conciliation préalable n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend. C'est ce qui ressort d'un arrêt rendu le 5 décembre 2012.
En l’espèce, un contrat de travail conclu entre une femme médecin et un établissement pour personnes dépendantes comportait une clause de conciliation qui stipulait qu’« en cas de désaccord sur l'interprétation, l'exécution ou la résiliation du présent contrat, les parties s'engagent préalablement à l'action contentieuse à soumettre leur différend à deux conciliateurs, l'un désigné par Mme X... parmi les membres du conseil de l'ordre l'autre par le directeur d'établissement ».
L’établissement ayant mis fin au contrat de travail, la salariée a alors saisi la juridiction prud’homale pour faire juger que la rupture de son contrat de travail devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les juges du fond avaient déclaré sa demande irrecevable pour défaut de mise en œuvre de la procédure de conciliation préalable et obligatoire prévue dans le contrat de travail.
Le médecin introduit alors un pourvoi en cassation en soutenant :
- d’une part, que la compétence de la juridiction prud'homale pour connaître des litiges s'élevant, à l'occasion de tout contrat de travail, entre employeur et salarié est exclusive et d'ordre public et,
- d’autre part, que toute clause ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre l'accès à la juridiction prud'homale est nulle.
Ces arguments ont reçu l’aval de la chambre sociale qui casse la décision des juges du fond au visa de l’article L 1411-1 du code du travail.
Selon la Cour de cassation :
«en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend ». (Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-20004)
Il ressort donc de cet arrêt que la clause de conciliation ou de médiation insérée dans un contrat de travail reste licite mais elle a néanmoins une portée limitée.
Pour la Chambre sociale, les parties peuvent recourir à une procédure de conciliation avant tout procès, mais rien ne les y oblige.
Cette solution s’explique par la spécificité de la procédure prud’homale.
En effet, les conseils des prud’hommes bénéficient d’une compétence d’attribution exclusive et d’ordre public qui découle de la combinaison de l’article L. 1411-1 et l’article L. 1411-4, alinéa 1er du code du travail.
D’ailleurs, ce caractère d’ordre public qui s’attache à la compétence d’attribution du Conseil de prud’hommes explique qu’en droit interne, il est interdit de conclure une clause d’arbitrage ou une clause attributive de compétence en matière de contrat de travail.
Mais l’argument ne convainc pas en matière de clause de médiation ou de conciliation.
En effet, contrairement à la clause d’arbitrage ou à la clause attributive de compétence, la clause de conciliation ou de médiation ne prive pas le salarié du droit d’agir devant la juridiction prud’homale.
Il s’agit certes d’une renonciation au droit d’agir en justice mais d’une renonciation temporaire car les parties conservent la faculté de saisir le juge en cas d’échec de la procédure de conciliation ou de médiation.
On ne comprend donc pas le refus de la Chambre sociale de reconnaitre une force obligatoire aux clauses de médiation ou de conciliation.
A quoi bon édicter une clause dont la licéité ne se discute pas, et admettre néanmoins qu'elle n'engage les parties que si elles le veulent bien ?
Le refus d'une sanction procédurale est d’autant plus étonnant que dans un domaine comme le contentieux du travail où la conciliation constitue une priorité, bannir une clause de conciliation sur mesure avec des conciliateurs choisis par les parties elles-mêmes, irait à l'encontre de l'esprit qui gouverne une telle matière.
En définitive, la position de la Chambre sociale vide de tout son sens la clause de conciliation ou de médiation qui a pour objet de contraindre les parties à chercher une solution négociée de leur litige avec l'aide d'un tiers, conciliateur ou médiateur.
Elle réduit de manière considérable son efficacité et oblige, par conséquent, les parties à prévoir, dans leur contrat, la possibilité d’une sanction contractuelle en cas d’inexécution de la clause de médiation ou de conciliation.
Mais au-delà de la nécessité de recourir à d’autres types de sanction pour assurer l’efficacité de telles clauses, la décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation pose la question du sort de la clause de conciliation ou de médiation insérée dans un contrat de travail international.
Yaya MENDY