Il arrive fréquemment que l'administration décide, pour diverses raisons, de retirer un permis de construire aux acquéreurs d'un terrain nu destiné à la construction d'une maison d'habitation.
Se pose alors la question de la possibilité de demander l'annulation de la vente sur le fondement de l'article 1110 du Code civil.
En effet, l'acquéreur d'un terrain dont le permis de construire est retiré peu de temps après l'achat peut-il demander la nullité de la vente pour erreur ?
Pour mémoire, l'article 1110 du code civil dispose:
« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ».
Depuis un arrêt rendu le 23 mai 2007, la Cour de cassation a jugé que le retrait d’un permis de construire, postérieurement à la conclusion d'un contrat de ventre d'un terrain nu destiné à la contruction d'une maison d'habitation, n’entraine pas la nullité du contrat.
En effet, dans cette affaire, le permis de construire délivré avant la vente avait été retiré en raison de la crue d'un ruisseau intervenue peu après l'acquisition du terrain. La Cour de cassation avait refusé de prononcer la nullité au motif que « la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat ». (Cass. civ. 3e, 23 mai 2007, pourvoi no 06-11889)
Cependant, dans une récente décision rendue le 12 juin 2014, la Cour de cassation a admis l’annulation d’une vente d'un terrain nu en raison du retrait du permis de construire peu de temps après la vente.
En l’espèce, un couple avait acheté un terrain nu dans le but d’y construire une maison d'habitation.
Suspectant la présence d'une cavité souterraine, les autorités administratives avaient décidé de retirer le permis de construire délivré aux acquéreurs peu de temps avant la vente du terrain nu.
Les acquéreurs ont alors demandé la nullité du contrat de vente sur le fondement de l'article 1110 du Code civil.
La Cour d’appel avait jugé que la constructibilité immédiate du terrain constituait « dans la commune intention des parties, un élément déterminant et substantiel de la vente », les acquéreurs avaient ainsi commis une erreur justifiant la nullité de la vente du terrain nu.
Les vendeurs ont alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que, conformément à une jurisprudence constante, l'erreur s'apprécie au moment de la formation du contrat ; or le terrain étant constructible à cette date, l'erreur était donc purement et simplement inexistante.
Finalement, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en jugeant que :
« La constructibilité immédiate du terrain étant un élément déterminant du consentement des acquéreurs » et « le risque lié à la présence d'une cavité souterraine ayant existé à la date de la vente », les juges d'appel ont, à bon droit, considéré que les acquéreurs avaient commis une erreur justifiant la nullité du contrat. (Cass. civ III, 12 juin 2014, pourvoi n° 13-18446)
Il ressort donc de cet arrêt que le retrait d’un permis de construire peut justifier l’annulation de la vente d'un terrain destiné à la construction d'une maison d'habitation pour erreur sur la substance, si la cause de l’annulation préexistait au moment de la conclusion du contrat de vente.
Pour ce faire, il faudra remplir certaines conditions, à savoir :
- La constructibilité du terrain doit constituer, dans la commune intention des parties, un élément déterminant et substantiel de la vente;
- La cause du retrait du permis de construire doit exister au moment de la conclusion du contrat de vente;
- Et, même si la cour ne le dit pas en l’espèce, l’erreur doit être excusable. En effet, l’erreur ne sera prise en compte que si elle apparait excusable, c’est-à-dire commise par un cocontractant qui n’avait pas les moyens de la dissiper.
Enfin pour finir, il est important de relever avec intérêt que pour savoir si le retrait du permis de construire peut justifier ou non une demande d’annulation de la vente, il faut rechercher la cause du retrait du permis de construire.
A cet égard, il faut se demander :
- Pourquoi le permis a-t-il été retiré ?
- Pourquoi le terrain est-il inconstructible immédiatement ?
Si la cause du retrait préexistait à la vente, les acquéreurs ont bien commis une erreur au moment de la conclusion du contrat.
Si, par contre, le permis est retiré à cause d'un événement postérieur à la vente, l'erreur ne peut être caractérisée.
Yaya MENDY