Le sort de la clause attributive de juridiction déséquilibrée

Publié le 21/04/2015 Vu 6 952 fois 2
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Une clause attributive de juridiction qui crée un déséquilibre contraire à l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ne trouve pas à s’appliquer dans les relations entre deux cocontractants de pays différents.

Une clause attributive de juridiction qui crée un déséquilibre contraire à l’objectif de prévisibilité

Le sort de la clause attributive de juridiction déséquilibrée

Une clause attributive de juridiction créant un déséquilibre contraire à l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ne trouve pas à s’appliquer dans les relations  entre deux cocontractants de pays différents.

Le 25 mars 2015, la Cour de cassation a rendu un arrêt portant sur le sort réservé à une clause attributive de juridiction créant un déséquilibre entre les parties. (Cass. civ. 1ère, 25 mars 2015, pourvoi n° 13-27264)

En l’espèce, pour financer des travaux dans un domaine agricole, une société conclut avec une banque, établie en Suisse, deux contrats-cadre de crédit comportant une clause attributive de juridiction  indiquant que « l'emprunteur reconnaît que le for exclusif pour toute procédure est Zurich ou au lieu de la succursale de la banque où la relation est établie. Toutefois, la banque est en droit d'ouvrir action contre l'emprunteur devant tout autre tribunal compétent ».

Mettant en cause le montage financier dans lequel s’inscrivait cette opération, la société engage la responsabilité de la banque et de divers intermédiaires financiers en saisissant le tribunal de grande instance de Paris.

Se prévalant de la clause attributive de juridiction, la banque soulève une exception d’incompétence des juridictions françaises.

Pour s’opposer à l’exception d’incompétence soulevée par la banque, la société française fait valoir que la rédaction de la clause attributive de juridiction, dans un contrat d’adhésion est particulièrement favorable à la banque et par conséquent revêt un caractère potestatif à l’égard de celle-ci.

La Cour d’appel donne néanmoins effet à ladite clause  en accueillant  l’exception d’incompétence au motif que « le déséquilibre dénoncé, consubstantiel à une clause attributive de juridiction convenue entre deux cocontractants de pays différents, ne suffit pas à la rendre irrégulière au regard de la convention de Lugano, applicable aux relations de la [société] et [de la banque] »

Censure de la Cour de cassation qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le déséquilibre dénoncé, en ce que la clause attributive de juridiction réservait à la banque le droit d'agir contre l'emprunteur devant « tout autre tribunal compétent » et ne précisait pas sur quels éléments objectifs cette compétence alternative était fondée, n'était pas contraire à l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par la Convention de Lugano.

Autrement dit, une clause attributive de compétence qui crée un déséquilibre contraire à l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique ne trouve pas à s’appliquer dans les relations  entre deux cocontractants de pays différents.

Il ressort donc de cet arrêt qu’une clause attributive de compétence doit permettre de prévoir avec certitude quel juge sera compétent.

En effet, toute clause qui ne permettrait pas de connaître par avance avec certitude le juge compétent ne saurait produire un quelconque effet.

Cette solution est à rapprocher d’un arrêt de la Cour de cassation rendu sous l’empire de l’article 23 du Règlement de Bruxelles I (règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000) par lequel la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond qui avait refusé de donner effet à une clause attributive de juridiction figurant dans le contrat conclu entre une banque et un client, aux termes de laquelle la banque se réservait le droit d'agir au domicile du client ou devant "tout autre tribunal compétent" tandis que le client était seul tenu de saisir les tribunaux luxembourgeois.

Selon la Cour de cassation, une telle clause revêtait un caractère potestatif à l'égard de la banque, de sorte qu'elle était contraire à l'objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du Règlement Bruxelles I. (Cass. civ. 1ère, 26 septembre 2012, pourvoi n°11-26022)

La haute juridiction approuve ainsi la thèse selon laquelle une clause attributive de juridiction est, par définition, une clause désignant d’un commun accord la ou les juridictions compétentes.

En guise de conclusion, il convient de garder à l’esprit que, par cet arrêt, la Cour de cassation affirme sans détour son rejet de l’unilatéralisme en matière d’élection de for.

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Yaya MENDY

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1 Publié par Visiteur
29/05/2015 13:19

Bonjour! Merci pour l'article!
Je ne peux pas trouver la decision attaquee - celle de la Cour d'appel, aidez-moi s'il vous plait...

2 Publié par yayamendy
29/05/2015 13:44

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers , du 10 septembre 2013

Cordialement

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A propos de l'auteur
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Passionné du droit des assurances, j'ai le privilège de travailler au sein de La Médiation de l'Assurance, où je contribue à résoudre des litiges entre les assureurs et les assurés. Mon rôle consiste à proposer des avis visant à mettre un terme aux différends, tout en travaillant activement à améliorer les pratiques au sein du secteur de l'assurance.

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