a) La définition
Le harcèlement sexuel est mentionné par le Code Pénal à l’article L222-33 :
« I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. »
La loi a créé dans une même catégorie d’infraction, le harcèlement sexuel, une catégorie hybride d’infraction : le harcèlement sexuel peut être une infraction d’habitude ou simple. Ce qui est relativement rare.
Concernant les actes répétitifs de harcèlement sexuel, la circulaire du ministère de la justice du 7 août 2012 rappelle qu’il suffit que l’acte ait été commis à deux reprises au moins pour répondre à cette condition.
Concernant un acte unique de harcèlement sexuel, celui-ci doit constituer une pression grave ce qui sera le cas lorsque l’acte sexuel est proposé en échange d’une contrepartie (l’obtention d’une promotion, d’un emploi etc.) ou en échange de l’assurance d’échapper à une sanction (licenciement, rétrogradation etc.)
Le harcèlement sexuel est défini par le Code du Travail à l’article L1153-1 :
Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
b) L’auteur du harcèlement
Toute personne peut se rendre coupable de harcèlement sexuel. Dans la majorité des cas ce sera un harcèlement sexuel « vertical descendant » c’est-à-dire qu’il provient d’une personne en position dominante sur un subordonné.
Il existe également le harcèlement sexuel « horizontal », c’est-à-dire entre collègues se plaçant au même niveau dans la hiérarchie.
La Cour de Cassation a même admis la possibilité d’un harcèlement sexuel « vertical ascendant », c’est-à-dire d’un subordonné envers son supérieur hiérarchique. En ce sens, Cass Crim 6 décembre 2011 n°10-82266 concernant des faits de harcèlement moral, mais rien n’empêche que cette solution soit étendue à des faits de harcèlement sexuel.
La seule condition que pose le nouveau texte (222-33 CP) est que le harcèlement doit viser « une personne ». La notion de personne vise le harcèlement sexuel indépendamment de toutes considérations liées au sexe de la victime. Un homme peut harceler sexuellement un autre homme, une femme peut harceler sexuellement un homme..
Par ailleurs, au sein même du monde de l’entreprise, la notion de personne permet même de retenir le délit de harcèlement sexuel contre des personnes qui ne seraient pas liées directement par une relation individuelle de travail, donc pas forcément de contrat de travail entre l’auteur et la victime. On peut imaginer des actes de harcèlement sexuel à l’égard d’un salarié d’une entreprise vis-à-vis de son fournisseur, ou alors à l’égard d’un salarié d’une autre entreprise par exemple concurrente.
c) Les sanctions
Pour le salarié sur le plan pénal
Le salarié coupable de harcèlement sexuel encourt 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes ; Par exemple :
- Une personne qui abuse de son autorité
- La victime est particulièrement vulnérable compte tenu par exemple de son âge, de sa maladie, d’une infirmité…
- La victime est particulièrement vulnérable en raison de la précarité de sa situation économique ou sociale
-Le délit est commis par plusieurs personnes agissant en qualité de complices
Pour le salarié sur le plan disciplinaire (droit du travail)
L’article L1153-5 dispose que « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner. »
Les agissements de harcèlement sexuel sont constitutifs d’une faute grave qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis (Cass Soc 5 mars 2002 n°00-40717).
L’employeur ne peut toutefois sanctionner le salarié que si les faits sont avérés, il ne peut se contenter de simples présomptions. (Cass Soc 7 février 2012 n°10-17393).
Pour le salarié sur le plan civil
Le salarié qui se rend coupable de harcèlement sexuel engage sa responsabilité personnelle et peut être donc condamné à indemniser la victime. Il ne peut pas invoquer l’article 1384 du code civil concernant la responsabilité du commettant (l’employeur) du fait de son préposé (le salarié) selon un arrêt de la Cass Soc du 21 juin 2006 n°05-43914 au motif que les faits de harcèlement étant nécessairement intentionnels, le salarié ne peut donc pas se retrancher derrière la responsabilité de son employeur.
Pour l’employeur
L’employeur a une obligation de prévention prévue par les textes, par exemple l’article L1152-4 du code du travail qui correspond en fait à l’obligation de sécurité de résultat qui incombe à l’employeur. Celui-ci doit se placer en amont et anticiper les risques de harcèlement sexuel.
Ainsi, la défaillance de l’employeur dans son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement sexuel ouvre droit pour le salarié à une réparation du préjudice résultant de cette défaillance (Cass Soc 19 novembre 2014 n°13-17729).
Ainsi, dans un arrêt rendu par la Cour d’Appel en chambre sociale de Grenoble du 17 novembre 2011 RG n° 10/00543 dans lequel le comportement du chef boulanger, supérieur direct du salarié, incapable de dire les choses calmement, faisant preuve en permanence d'agressivité verbale, exerçant des pressions, le salarié victime ayant le statut de "tête de turc". Il appartenait, dans cette situation, à l'employeur de mettre un terme à cette situation et il importe peu de rechercher à quelle date il a eu connaissance des faits litigieux. Sa responsabilité est donc engagée, même en l'absence de faute de sa part, et il devra verser à la victime, à titre de dommages-intérêts, la somme de 30000 euros.
d) La charge de la preuve du harcèlement
L’article L1154-1 dispose que « Le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »
Il y a donc deux étapes, dans la première le juge vérifie s’il considère qu’il y a effectivement des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, si tel n’est pas le cas l’affaire s’arrête là. S’il considère que ces faits présentés laissent présumer l’existence d’un harcèlement alors le juge passe à la seconde étape à savoir qu’il va demander à l’employeur qu’il prouve que ces éléments ne constituent pas un harcèlement.
e) Recueil de jurisprudence : Harcèlement sexuel ou simple tentative maladroite de séduction ?
Selon une étude réalisée par Monster en 2007 dans plusieurs pays d’Europe, 30 % des couples se sont rencontrés au travail, mais ce n’est parfois pas sans risque. Il faut en effet être vigilant à ce que vos tentatives de séductions ne se transforment pas en un harcèlement sexuel.
Sont des faits constitutifs de harcèlement sexuel…
Cass Soc 24 septembre 2008 n° 06-46517 : « M. X…, cadre, avait eu un comportement, dénoncé par sa subordonnée mineure, consistant à tenter de l’embrasser contre son gré sur le lieu du travail, à l’emmener à son domicile en renouvelant à cette occasion des avances de nature sexuelle, et à l’appeler fréquemment par téléphone en dénigrant la relation affectueuse que celle-ci entretenait avec un tiers, provoquant par ces agissements angoisse et même dépression ; qu’en l’état de l’ensemble de ces motifs, elle a caractérisé un harcèlement sexuel constitutif d’une faute grave »
Cass Soc 12 mai 2010 n° 08-70382 « A ma reprise de travail septembre 2001, Madame X... m'a montré le montage photographique à caractère pornographique que Monsieur Y... lui avait remis en mains propres lors de son retour de congés. J'ai tout de suite reconnu 1 / la photo de son visage qu'il avait pris auparavant avec l'appareil numérique de la société (…) 2 / l'écriture de Monsieur Y... qui figurait sur les cinq enveloppes dans laquelle se trouvait ce montage photos » ; qu'elle atteste que Monsieur Y... maîtrisait parfaitement l'informatique »
De plus, la salariée a seulement pour obligation d’établir des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, ce qu’elle a fait car « l'expert graphologue avait retenu que certains courriers et montages à caractère pornographique qui avaient été envoyés à Mme X... portaient bien l'écriture de M. Y... et que l'appelante fournissait un certain nombre d'attestations et de témoignages qui venaient conforter ses accusations de harcèlement à l'encontre de son supérieur hiérarchique » Ainsi, le harcèlement sexuel est bien consommé.
Des faits s’étant déroulé en dehors du temps de travail peuvent constituer une faute grave du salarié harceleur s’ils causent un trouble objectif à l’entreprise. En ce sens Cass Soc 11 janvier 2012 n° 10-12930 :
«M. Olivier X... aurait tenu des propos dénués d'équivoque quant à son désir d'entretenir des relations intimes avec elle (…), il était seulement reproché à M. Olivier X... d'avoir organisé un rendez-vous pour un motif professionnel avec une salariée placée sous ses ordres, en dehors des heures de travail, dans une chambre d'hôtel
Mais attendu que le fait pour un salarié d'abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail ».
La drague, si elle devient trop lourde et en cas de refus non-équivoque de la salariée peut dévier en un harcèlement sexuel, tel qu’en témoigne la Cass Soc 28 janvier 2014, 12-20.497 :
« que François X... a communiqué à Mélinda Y... a émis des remarques sur la personnalité et le comportement de Mélinda Y... sans aucun rapport avec le travail, qu'il a remis de longs courriers manuscrits à Mélinda Y... et lui a fait parvenir des bouquets de fleurs, qu'il a reconnu sa propre insistance ou sa lourdeur, qu'il lui a fait des reproches, qu'il s'est montré indiscret ou menaçant, qu'il a exprimé le souhait de la rencontrer dans son bureau, en l'absence de sa collègue de travail, qu'il a lui adressé des invitations qu'elle a toujours refusées, qu'il lui a fait des propositions ainsi que des déclarations, qu'il lui a demandé d'aller se plaindre si elle considérait qu'il l'agressait ou qu'il la harcelait, qu'il est démontré que les réponses ou les réactions de Mélinda Y... ont toujours été dénuées d'ambiguïté ; qu'ainsi, le 5 février 2009, cette salariée a-t-elle répondu à François X... que leurs relations étaient purement professionnelles et que, s'il en était autrement pour lui, " c'(était) son problème " ; que le 4 juin 2009, elle lui a indiqué qu'elle ne changerait pas d'avis et lui a demandé d'" arrêter d'être persévérant avec " elle ; que le 24 novembre 2010, elle l'a remercié en lui précisant qu'elle préférait déjeuner dans la salle de pause ; qu'à la psychologue qui lui dispensait régulièrement des soins à l'époque des faits, François X... n'a caché ni le sentiment amoureux qu'il éprouvait pour Mélinda Y... ni l'absence de réciprocité de cette inclination »
Ne sont pas des faits constitutifs de harcèlement sexuel…
En général, La jurisprudence rejette la qualification pour certains actes qu’elle considère plus comme des actes de galanterie ou de séduction licites, même si ceux-ci sont exempts de « délicatesse ou de tact »
Cour d’Appel de Douai, 10 septembre 1997 :« Les simples signaux conventionnels, espacés les uns des autres de façon à permettre d’exprimer la manifestation non fautive au plan pénal, d’une inclination amoureuse pouvant être sincère ».
CA Versailles, 30 juin 1993 « le harcèlement sexuel a été exclu s'agissant des poèmes et lettres ne traduisant que « l'émoi sentimental » d'un directeur envers une salariée, sans contenir aucun terme indécent ou obscène dépassant la simple expression d'une passion amoureuse, et pouvant affecter la dignité de la salariée dans sa vie professionnelle »
CA Toulouse, 2 mars 2000 « le harcèlement est exclu lorsque la séduction s'exerce entre personnes de deux entreprises différentes : l'envoi à une jeune femme, chargée d'une animation et membre d'une autre entreprise, de brèves missives rédigées sur un mode poétique à tendance romantique ou se voulant comme tel, sans aucun propos libertin, graveleux ou déplacé, ou visant à obtenir des faveurs sexuelles ne saurait ainsi être qualifié de harcèlement »