L’article L1221-6 du code du travail dispose que « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.
Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.
Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations. »
a) Les questions considérées comme discriminatoires sont interdites
Toutes les questions discriminatoires sont interdites (L1132-1 C.trav) à savoir ;
Une question relative à votre origine ou à votre nom, en ce sens, un employé d’une maison de retraite avait accepté lors de son entretien d’embauche de se faire appeler « Laurent » au lieu de « Mohamed ». L’employeur a par la suite était condamné pour discrimination (Cass. Soc. 10/11/2009 n°08-42286).
L’employeur n’a pas le droit de se fonder sur votre apparence physique pour décider de ne pas vous recruter, malgré un rapport de l’OIT, ainsi que du Défenseur des Droits qui ont conclus à une hausse des discriminations à l’embauche liée à l’apparence physique. Ainsi, les femmes obèses ou ayant un style atypique se plaignent beaucoup plus souvent de discrimination liée à leur physique. Toutefois rares sont les procédures engagées sur ce motif car la preuve est difficile à rapporter.
Il est également interdit de demander la taille d’un candidat, effectivement suite à l’intervention du Défenseur des Droits un arrêté du 2 août 2010 a été pris afin de supprimer la condition de taille d’au moins 1m60 pour devenir lieutenant de police.
Une question relative à votre orientation sexuelle, un club de football a ainsi été condamné car son dirigeant avait affirmé à la presse qu’il ne voulait pas engager de joueur homosexuel (CJUE, 25 avr. 2013, aff. C-81/12).
Une question relative à votre état de grossesse (L1142-1, 2° C.trav) ou faire mention du sexe dans l’offre d’emploi (L1142-1, 1° C.trav). La candidate n’a donc pas l’obligation de révéler son état de grossesse lors de l’entretien d’embauche. L’employeur n’a pas le droit de rechercher des informations sur ce sujet ou de prétendre que le poste proposé est incompatible avec la grossesse d’une femme (CJCE 3-2-2000 aff 207/98).
Une question relative « aux bonnes mœurs », ce sont toutes les questions en lien avec le « politiquement correct », ainsi un employeur a pu être condamné pour discrimination à l’embauche pour avoir reproché à un candidat de ne pas avoir mentionné une condamnation pénale antérieure (Cass. Soc 25/04/1990 n°86-44148).
Une question relative à l’âge du candidat, un employeur pourrait être réticent à embaucher un candidat qu’il considère par exemple trop âgé, il n’a toutefois pas le droit de le faire. La position de la Cass. Soc est encore plus stricte sur ce point depuis la loi du 16 novembre 2001.
Une question relative à l’ethnie, la nation ou la « race » d’un candidat, a par exemple été considéré comme discriminatoire le fait de refuser de recruter une salariée en raison de son origine maghrébine sous prétexte que l’employeur « ne fait pas confiance aux maghrébins » (Cass Soc 18 janvier 2012 n°10-16926).
Une question relative à l’état de santé, que ce soit au cours de l’entretien d’embauche ou durant tout le déroulement de la relation de travail, l’employeur doit être prudent concernant les questions relatives à l’état de santé du candidat ou du salarié. Sera par exemple considéré comme discriminatoire le fait de refuser une promotion pour « retard de carrière » suite à des absences pour maladie (Cass. Soc 28 janvier 2010 n°08-44486).
Une question relative aux opinions politiques ou aux activités syndicales du candidat, la discrimination syndicale a d’ailleurs été la première prohibée par la loi (L2141-1 C.trav)
Une question relative aux convictions religieuses du candidat, mais la jurisprudence n’est pas non plus tout à fait limpide concernant ce sujet. C’est toute la problématique posée par la médiatique affaire « Babyloup » où une crèche demandait à une salariée de retirer son voile, chose qu’elle a refusée. Après plusieurs décisions contradictoires la Cour de Cassation semble finalement avoir tranché en défaveur de la liberté religieuse puisqu’elle a confirmé le licenciement de cette salariée et a expliqué cette décision par un arrêt d’Assemblée plénière du 25 juin 2014 n°E1328369.
Une question relative à votre lieu de résidence, c’est un cas de discrimination qui existe depuis peu puisqu’il a été créé par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014.
Une question relative à la situation familiale, beaucoup d’employeurs ne veulent pas plusieurs membres d’une même famille au sein d’une même entreprise, ce n’est toutefois pas un élément sur lequel l’employeur peut se fonder pour recruter (ou ne pas recruter…) un salarié (Cass. Soc 1er juin 1999 n°96-43617).
b) Par exception, ces questions a priori interdites peuvent être considérées comme légales
Dès lors que l’employeur peut démontrer que la question qu’il pose a pour objectif d’apprécier des qualités essentielles et déterminantes du salarié en fonction de l’emploi proposé et qu’il poursuit un objectif légitime et une exigence proportionnée (L1133-1 C.trav) alors des différences de traitement seront autorisées. Ce qui signifie que l’employeur pourra poser des questions concernant la vie privée des salariés sans que celles-ci ne soient considérées comme discriminatoires.
Par exemple ;
Il est possible de sélectionner un candidat selon son sexe lorsque l’exercice de la profession est nécessairement lié à l’appartenance à l’un ou l’autre sexe. C’est par exemple le cas pour les mannequins, les modèles ou les artistes comme en dispose l’article R1142-1 C.trav.
Les discriminations positives sont par exception possibles, un employeur peut donc se fonder sur le handicap d’un salarié pour le recruter car depuis la loi du 11 février 2005 sur les personnes en situation de handicap toute structure privée ou publique d’au moins 20 salariés doit compter 6 % de travailleurs handicapés dans ses effectifs.
Les discriminations fondées sur la religion sont interdites, mais l’employeur peut préciser à une salariée qu’il lui imposera une tenue vestimentaire particulière dès lors que cette obligation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Par exemple, imposer une tenue à une salariée en contact avec de la clientèle (CA Paris 18ème chambre n°99/31302).
L’employeur peut se fonder sur l’apparence physique pour recruter un mannequin, en application de l’article L1133-1 car cela répond bien à une exigence professionnelle, essentielle et déterminante de la profession de mannequin.
En fait, les employeurs peuvent tenter de justifier toute discrimination en utilisant l’article L1133-1 et en prétendant que s’ils se fondent sur des critères a priori discriminatoire c’est en fait justifié par un objectif légitime du fait d’un emploi spécifique qui nécessite certaines qualités dues à la personne même du salarié.
Toutefois, ce n’est accepté que dans certains cas assez rares. Il semble logique qu’un directeur d’agence de mannequin se fonde sur le physique d’un candidat pour choisir de le recruter ou non car c’est l’essence même de ce métier. Mais, parmi les différentes discriminations prohibées par le code du travail (article L1132-1) la plupart seront insurmontable pour l’employeur, et heureusement. En effet il semble inconcevable qu’un employeur puisse justifier en toute légalité ne pas recruter de salariés d’origine maghrébine, ou alors de salariés homosexuels et qu’ils puissent le justifier compte tenu « des qualités essentielles et déterminantes en fonction de l’emploi proposé ».
Toutefois, il faut se méfier de certaines décisions surprenantes, par exemple dans un jugement du CPH de Paris chambre 4 du 16/12/2015 n°F14/14901 un employeur qui rompt la période d’essai d’un coiffeur au motif que « c’est un PD je ne le sens pas, ils font tous des coups de putes » n’est pas discriminatoire car selon ce jugement « se plaçant dans le contexte du milieu de la coiffure, le terme de PD n’est pas homophobe car il est reconnu que les salons de coiffures emploient régulièrement des personnes homosexuels sans que cela ne pose problème ». Cette décision n’est qu’un jugement d’espèce qui serait sûrement modifié sur ce point en cas d’appel. Il ne faut donc bien sûr pas en conclure qu’un employeur peut décider de ne pas embaucher un salarié homosexuel sous prétexte que ce ne serait pas des personnes de confiance.
c) Que faire en cas de discrimination à l’embauche ? Quels risques pour l’employeur ?
Vous disposez de plusieurs recours ;
Saisir le conseil des prud’hommes, c’est effectivement possible même pour une simple procédure de recrutement (Cass Soc 20/12/2006 n°06-40662), le but étant d’essayer d’obtenir un dédommagement. Il vous incombe de soumettre aux juges les éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination, c’est ensuite à l’employeur de prouver qu’il a justifié sa décision par des éléments objectifs étrangers à toutes discriminations.
Saisir la juridiction pénale, pour cela il faut déposer une plainte au commissariat ou alors directement auprès du Procureur de la République.
Saisir le Défenseur des Droits par courrier motivé (7 rue Saint Florentin 75049 Paris), il a notamment pour rôle de tenter de résoudre le litige par voie de médiation.