Aux termes de l’article L911-1 CSS, le régime de prévoyance peut être mis en place par 3 actes fondateurs différents : « A moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé. »
Il résulte de cet article que le régime de prévoyance peut être institué soit par :
- Décision unilatérale de l’employeur (DUE)
- Référendum
- Accord collectif
La nature juridique du référendum est assez incertaine puisque l’article L911-5 CSS procède à un renvoi à l’article L2222-4 du Code du Travail qui concerne les accords collectifs. Pourtant la jurisprudence compare le référendum à un simple usage, comme le montre un arrêt de la Cass Soc du 26 septembre 2002 n°01-00550 « que le fait que les régimes résultent d'engagements unilatéraux de l'UAP ratifiés par référendum ne fait pas obstacle à leur dénonciation unilatérale ».
Il résulte de cette jurisprudence que le référendum sera assimilé à une décision unilatérale de l’employeur concernant son existence, et sa procédure de dénonciation.
I – Le régime de prévoyance mis en place par décision unilatérale ou référendum chez le cédant est transféré chez le cessionnaire
Tout d’abord il convient de préciser que le régime de prévoyance de l’entreprise cédée est transféré s’il résulte d’un usage ou d’une DUE (Cass Soc 17 mars 1998, n°95-42100).
Pour les salariés cette situation est avantageuse. Ceux-ci étant devenu salariés chez le cessionnaire avec le transfert de leurs contrats de travail en application de l’article L1224-1 du code du travail ils vont finalement être en présence de deux régimes de prévoyance. Pour régler ce concours de normes, il suffit de faire une application du principe de faveur : les salariés bénéficieront du régime de prévoyance le plus avantageux.
Cela peut poser un problème pour l’employeur, puisque ce régime de prévoyance va lui être imposé. Si par exemple les salariés cotisaient à 20% chez le cédant, et que la cotisation salariale est à 50% chez le cessionnaire, les salariés transférés pourront revendiquer leur droit de cotiser à 20%.
La solution pour l’employeur consiste à dénoncer de manière régulière cette décision unilatérale de l’employeur, ou ce référendum. Il n’a pas à motiver cette dénonciation. La procédure a été définie par la jurisprudence et est la suivante :
Ø L'employeur doit informer les institutions représentatives du personnel ;
Ø Il doit informer individuellement les salariés de l'entreprise par lettre simple ou recommandée. Un affichage, par exemple, ne suffit pas ;
Ø L'employeur doit respecter un délai de prévenance suffisant, que le juge en cas de litige apprécie ; ainsi l'employeur ne peut supprimer début décembre une prime qui normalement est versée à la fin du mois de décembre, le délai de prévenance serait considéré comme insuffisant. La doctrine considère que ce délai ne peut pas être inférieur à 3 mois.
En cas de non-respect de ces conditions, la dénonciation de la DUE est inopposable aux salariés et le service de la prestation doit donc se poursuivre aux conditions antérieures (Cass Soc 26 octobre 2005 n°03-45781).
/ ! à l’application de l’article 11 de la loi Evin en cas de régime de prévoyance mis en place par décision unilatérale chez le cessionnaire
Après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1989, aucun salarié, employé dans une entreprise avant la mise en place, par une décision unilatérale de l'employeur d'un régime de prévoyance, ne peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système, elle précise que la généralité de ces termes ne permet pas d'exclure du champ d'application de la loi les salariés dont l'ancienneté n'était pas contestée et dont les contrats de travail ont été repris par la société qui a absorbé leur entreprise. (Cass. soc. 4-1-1996 n° 91-41.885 : Bull. civ. V n° 3).
Cet arrêt nous précise que cette dispense de l’article 11 de la Loi Evin joue également en cas de transfert d’entreprise : lorsque les salariés de l’entreprise transférée n’étaient pas couverts à titre obligatoire avant le transfert, ils peuvent exercer leur faculté de dispense d’adhésion à un dispositif obligatoire mis en place par DUE dans l’entreprise d’accueil.
En application de l’article L1224-1 du Code du Travail, en cas de transfert d’entreprise l’ancienneté est conservée, c’est pourquoi on prend en compte l’ancienneté des salariés dans leur entreprise d’origine (le cédant), ce qui peut permettre à certains d’invoquer le cas de dispense prévu à l’article 11 de la Loi Evin chez le cessionnaire.
II – Le régime de prévoyance mis en place par accord collectif chez le cédant est automatiquement mis en cause
Article L. 2261-14 du Code du Travail « Lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, ladite convention ou ledit accord continue de produire effet pendant une durée d'un an, à l'issue d'un préavis de trois mois à compter de la mise en cause »
La mise en cause s'effectue de manière automatique en cas de transfert. Le transfert d'activité est donc le point de départ du préavis de trois mois prévu en cas de dénonciation des conventions et accords collectifs de travail (Cass. soc., 23 avr. 2003, n° 01-41.196).
Deux hypothèses sont à prévoir lors de cette procédure de mise en cause.
Soit, la période de survie prend fin au terme des 15 mois.
Dans cette situation, les salariés transférés ne vont bénéficier que des avantages individuels acquis. L’avantage individuel acquis est défini par la chambre sociale de la Cour de Cassation comme « un avantage qui procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel » (Cass soc, 28 avril 2006, 04-41.863).
Cette définition mérite d’être précisée en matière de prévoyance. Elle ne constitue un avantage individuel acquis seulement si l'événement entraînant le versement de prestations au salarié est antérieur à la mise en cause de l'accord de prévoyance. C’est-à-dire que le fait générateur ouvrant droit à prestations s’est réalisé avant la mise en cause de l’accord.
Soit, un accord collectif de substitution est conclu.
Dans cette situation, cet accord va éteindre l’accord collectif transféré. Seul va subsister le régime institué par l’accord de substitution.
III - Les apports de la loi du 8 août 2016
A - Un accord de transition anticipé
L’article L2261-14-2 du Code du Travail dispose que :
« Dès lors qu'est envisagée une fusion, une cession, une scission ou toute autre modification juridique qui aurait pour effet la mise en cause d'une convention ou d'un accord, les employeurs des entreprises concernées et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise qui emploie les salariés dont les contrats de travail sont susceptibles d'être transférés peuvent négocier et conclure la convention ou l'accord de substitution prévu au premier alinéa de l'article L. 2261-14.
La durée de cette convention ou de cet accord ne peut excéder trois ans. La convention ou l'accord entre en vigueur à la date de réalisation de l'événement ayant entraîné la mise en cause et s'applique à l'exclusion des stipulations portant sur le même objet des conventions et accords applicables dans l'entreprise ou l'établissement dans lequel les contrats de travail sont transférés.
A l'expiration de cette convention ou de cet accord, les conventions et accords applicables dans l'entreprise ou dans l'établissement dans lequel les contrats de travail des salariés ont été transférés s'appliquent à ces salariés. »
La négociation est possible dès lors qu'est « envisagée » une modification dans la situation juridique de l'employeur susceptible d'entraîner une mise en cause du corpus conventionnel applicable à l'entité économique transférée.
La négociation ne porte que sur la situation des salariés dont les contrats de travail sont susceptibles d'être transférés.
La négociation est tripartite, faisant intervenir :
- L'employeur sortant, c’est-à-dire l’entreprise dans laquelle les contrats « sortent », sont transférés
- L'employeur entrant, celle qui reçoit les contrats
- Les syndicats représentatifs de l'entreprise sortante
Cette convention s’applique au maximum pendant 3 ans.
À l'expiration de cette convention ou de cet accord, les conventions et accords applicables dans l'entreprise ou dans l'établissement dans lequel les contrats de travail des salariés ont été transférés s'appliquent à ces salariés
B - Un accord d’adaptation anticipé
Celui-ci va réviser le corpus conventionnel de l’entreprise dans laquelle les contrats sont transférés, cet accord est envisagé à l’article L2261-14-3 du code du travail :
« Dès lors qu'est envisagée une fusion, une cession, une scission ou toute autre modification juridique qui aurait pour effet la mise en cause d'une convention ou d'un accord, les employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives dans les entreprises ou établissements concernés peuvent négocier et conclure une convention ou un accord se substituant aux conventions et accords mis en cause et révisant les conventions et accords applicables dans l'entreprise ou l'établissement dans lequel les contrats de travail sont transférés. Cette convention ou cet accord entre en vigueur à la date de réalisation de l'événement ayant entraîné la mise en cause. »
A l'inverse de ce qui est proposé dans l'accord de transition, elle permet la révision du statut conventionnel de l'entreprise d'accueil.
Cette négociation-là est quadripartite, faisant intervenir les deux employeurs et les organisations syndicales représentatives dans les deux entreprises.
L'accord conclu obéit aux règles de droit commun des accords d'entreprise (durée de vie de l’accord de 5 ans donc a priori sauf stipulation conventionnelle contraire).
Cet accord s’applique dès le transfert d’entreprise (c’est tout l’intérêt de la Loi Travail, ça permet d’harmoniser la situation des salariés).
C – La suppression de la notion d’avantages individuels acquis en matière de prévoyance
Jusqu’à présent, suite à la mise en cause, à la fin de la période de survie, les salariés de l’entreprise absorbée pouvaient prétendre au maintien de leurs avantages individuels acquis. En matière de prévoyance, étaient considérés comme des avantages individuels acquis les prestations qui avaient été acquises avant la mise en cause de l’accord, c’est-à-dire lorsque le fait générateur ouvrant droit aux prestations s’était réalisé avant la mise en cause.
La loi travail du 8 aout 2016 a apporté des modifications étant donné que la notion d’avantage individuel acquis était imprécise. La loi est venue préciser ce qui doit être maintenu au salarié suite notamment à la mise en cause d’un accord collectif. La notion d’avantage individuel acquis a été supprimée : on parle désormais de maintien de la rémunération perçue.
Cet apport de la loi permet à la fois aux employeurs et aux salariés de mieux connaitre leurs droits et obligations suite à la mise en cause. La définition est désormais identique pour toutes les entreprises et permettra de limiter les inégalités. La loi du 8 aout permet de garantir au salarié le maintien de sa rémunération acquise lors des 12 derniers mois (sont exclus les temps de pause et les congés).
La définition de la rémunération au sens de cet article est large : il s’agit de la rémunération de l’article L242-1 CSS c’est-à-dire qu’on inclue tous les éléments qui entrent dans l’assiette des cotisations. Or, les prestations de sécurité sociale sont exclues de l’assiette des cotisations : elles ne peuvent donc pas être maintenues une fois que l’accord a disparu au sens de ce nouvel article.