- I. Création d’un délit de discrimination faisant suite à harcèlement sexuel.
Le nouvel article 225.1.1 du code pénal créé par la loi du 6 août 2012 dispose :
« Constitue une discrimination, toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222.33 du code pénal ou témoigné sur de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ».
La sanction pénale peut être plus ou moins lourde selon la nature de la discrimination, suite à des actes répétés de harcèlement sexuel ou au fait même non répété d’obtenir un acte de nature sexuel pouvant être assimilé au harcèlement sexuel
- Si la victime, salariée ou en formation ou en stage a fait l’objet d’une mesure discriminatoire en matière de :
- rémunération,
- formation,
- reclassement,
- affectation,
- qualification
- classification,
- promotion professionnelle,
- mutation,
- renouvellement de contrat,
Discriminations énumérées à l’article L.1153-2 du code du travail modifié par la loi du 6 août 2012.
L’employeur encourt une peine de 1 an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende selon l’article L.1155.2 du code du travail.
Exemple : mutation d’un employé sur un poste de moindre qualification parce qu’il ou elle a refusé les avances de son employeur.
2. Si la victime a fait l’objet d’une mesure discriminatoire en matière de :
- refus d’embauche,
- sanction,
- licenciement
- offre d’emploi,
- demande de stage,
- demande de formation en entreprise,
L’employeur encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende selon l’article 225-2 du code pénal.
La discrimination sera par exemple constituée si une personne, qui a fait l’objet de la part de son employeur d’un propos à connotation sexuelle portant atteinte à sa dignité, même non répété, est licenciée pour avoir protesté à la suite de ce comportement sexiste.
3.Si les mêmes faits sont commis par un agent public ou une personne chargée d’une mission de service public, il peut être sanctionné de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros selon le même article (art 432.7 du code pénal).
II. A qui peut s’adresser la victime pour faire cesser ces pratiques :
- 1. Aux délégués du personnel :
« Ils ont pour mission de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles relatives à l’application du code du travail, aux atteintes aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise.
Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
Un courrier détaillé et motivé adressé à la Direction des Ressources Humaines est une occasion d’acter les faits reprochés et de constituer un élément de preuve mais aussi de demander de faire cesser la situation.
L’employeur doit procéder sans délai à une enquête avec le délégué du personnel et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. (art L.2313.2 alinéa 2 du code du travail).
« Le Délégué du personnel peut saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales dont il elle est chargée d’assurer le contrôle (art L.2313.1 2°du code du travail).
L’inspecteur du travail devient un acteur central pour révéler les discriminations. « Il peut désormais se faire communiquer tout document ou tout élément d’information, quel qu’en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles d’établir une discrimination » (L.8113.5 du code du travail).
- 2. Au Défenseur des droits.
C’est une autorité constitutionnelle indépendante chargée, notamment de lutter contre les discriminations. Il a repris les missions auparavant dévolues à la Halde. Sa saisine est gratuite.
- L’examen de la plainte :
Le défenseur des droits a pour rôle d’examiner les plaintes qui lui sont transmises par des personnes victimes d’une discrimination.
Tout agent de droit privé ou fonctionnaire qui s’estime victime sur son lieu de travail d’une discrimination peut saisir le Défenseur des droits par courrier ou par internet. Il doit décrire les faits précisément sans les déformer ou les interpréter, de manière chronologique avec une copie des documents justificatifs.
Le Défenseur des droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui.
Le Défenseur des droits peut recueillir sur les faits portés à sa connaissance toute information qui lui apparaît nécessaire et demander la communication de pièces sans que son caractère secret ou confidentiel puisse lui être opposé.
Il peut procéder à des vérifications sur place, dans les locaux administratifs ou privés des personnes mises en cause et y accéder sous le contrôle du juge de façon inopinée avec ses agents.
- Propositions, recommandations, injonctions :
Le Défenseur des droits peut faire des propositions et recommandations qui lui apparaissent de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et régler les difficultés soulevées devant lui ou en prévenir le renouvellement. Il peut formuler des injonctions, lorsque ses recommandations n’ont pas été suivies d’effets.
- Demande de poursuites disciplinaires.
Il peut saisir l’autorité investie du pouvoir d’engager les poursuites disciplinaires sur des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.
- Une médiation.
Il peut procéder à la résolution amiable des différents portés à sa connaissance, par voie de médiation.
- Une transaction.
Il peut proposer à l’auteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes avec versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne pourra excéder 3000 euros. Cette transaction proposée par le Défenseur du droit et acceptée par l’auteur des faits ainsi que, s’il y a lieu, par la victime devra être homologuée par le Procureur de la République.
- Une action en justice.
Si le Défenseur des droits découvre que l’affaire dont il a eu connaissance comprend des faits constituant un délit réprimé par le code pénal, il a l’obligation d’en informer le Procureur de la République, qui décidera ou non de poursuivre l’auteur de la discrimination.
Il peut être entendu par les juridictions dans le cadre d’une affaire en cours et présenter des observations écrites ou orales soit spontanément soit sur la demande de la juridiction.
Dans le cas où la personne est victime du délit de harcèlement sexuel, puis d’une discrimination suite à ce délit, le ministère public poursuivra les deux infractions, puisque ces délits distincts sont l’un et l’autre constitués mais la victime devra le mentionner explicitement (par exemple une personne est harcelée par son employeur avant d’être licenciée pour cette même raison).
Lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L.1153-2 du code du travail, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié doit établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Un courrier, un mail, un sms peuvent constituer autant d’éléments de preuve en faveur de la victime. Chaque preuve prise isolément ne suffit pas à démontrer un agissement discriminatoire. Ce qui importe, c’est l’addition de tous les indices afin que le juge se forge une appréciation globale sur les circonstances de l’affaire pour rechercher et établir la vérité.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (article 1154-1 du code du travail).
- 3. Aux Syndicats et Associations de lutte contre les discriminations.
Dans une entreprise, les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice une action relative à des agissements discriminatoires sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé. Ce dernier peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat.
De même, les associations de lutte contre les discriminations peuvent aussi exercer en justice toute action relative à des actions discriminatoires en faveur d’un salarié de d’entreprise en justifiant d’un accord écrit de la victime.
Textes de référence :
Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel.
Circulaire du Ministère de la Justice du 7 août 2012.n° Crim, n° 2012-15/E8 Nor : JUS D 1231944C disponible sur www.justice-gouv.fr
Circulaire du Ministère de la Justice du 12 novembre 2012 DGT 2012/14