Droit du tourisme chez l'habitant (Meublés, Gites, Chambres d'hôtes)

Francis VARENNES - Juriste-Fiscaliste

Loi Le Meur du 19/11/2024 régulant les meublés de tourisme (1ère partie : réforme du micro-BIC)

Publié le Modifié le 07/12/2024 Vu 615 fois 0
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La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 (dite Loi Le Meur ou Loi anti-Airbnb) visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale a pour objectif de réduire l’offre de location des meublés de tourisme.

La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 (dite Loi Le Meur ou Loi anti-Airbnb) visant à renforcer les outils

Loi Le Meur du 19/11/2024 régulant les meublés de tourisme (1ère partie : réforme du micro-BIC)

1. La réforme du régime fiscal du micro-BIC (art. 50-0 du CGI modifié par l’art. 7 de la loi)

Article rédigé par Francis VARENNES Juriste-Fiscaliste : https://francis-varennes.fr/

A ce jour, de nombreux loueurs de meublés de tourisme font application du régime simplifié du micro-BIC (Bénéfices industriels et commerciaux). Pour mémoire, ce régime consiste en une déclaration simplifiée, sur la déclaration d’ensemble des revenus (n° 2042 C Pro), des recettes de locations soumises à un abattement forfaitaire afin de déterminer la base de calcul de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dus par les loueurs concernés.

Ce dispositif simplifié du micro-BIC comporte notamment l'avantage d'être dispensé de la tenue d'une comptabilité en partie double. Le résultat fiscal qui en ressort est le plus souvent différent de la réalité comptable, soit de façon avantageuse du fait de l'importance de l'abattement forfaitaire, soit de façon désavantageuse en raison de charges comptables importantes uniquement déductibles dans le cadre d’un régime réel. 

Afin de restreindre l'application du régime du micro-BIC par les loueurs de meublés de tourisme, la loi nouvelle procède à une double restriction, avec, d’une part, la diminution de l'abattement forfaitaire applicable et, d’autre part, l’abaissement du plafond annuel des recettes autorisant la mise en œuvre de ce régime fiscal. 

À ce titre, il convient de distinguer les meublés de tourisme non classés et les meublés de tourisme classés. 

a. Le traitement fiscal des loueurs de meublés de tourisme non classés 

En premier lieu, les loueurs de meublés de tourisme non classés pourront désormais faire application du régime du micro-BIC dans la mesure où le montant annuel des recettes n'excède pas 15 000 €. Ce nouveau plafond de 15 000 € se substitue à celui de 77 700 €, précédemment applicable. Les loueurs qui réalisent des loyers dont le montant excède le nouveau plafond de 15 000 € devront faire application d'un régime réel des BIC avec la tenue d'une comptabilité en partie double. 

En second lieu, les loueurs de meublés de tourisme non classés qui font application du régime du micro-BIC feront l'objet d'un abattement forfaitaire de 30 %. Ce nouvel abattement se substitue à celui de 50 % applicable jusqu'à ce jour. 

Autrement dit, le résultat fiscal sera désormais égal à 70 % des recettes, et non plus 50 %. Ces 70 % constituent la base de calcul de l'impôt sur revenu et des prélèvements sociaux. 

b. Le traitement fiscal des loueurs de meublés de tourisme classés 

Les loueurs de meublés de tourisme classés pourront faire application du régime du micro-BIC à la condition que le montant annuel des recettes n'excède pas désormais 77 700 €. Ce plafond remplace la limite de 188 700 €. 

Par ailleurs, les recettes issues de la location de meublés de tourisme classés feront l'objet d'un abattement forfaitaire de 50 %. Cet abattement de 50 % se substitue à celui de 71 %. 

Autrement dit, le résultat fiscal sera désormais égal à 50 % des recettes, et non plus de 29 %. Ces 50 % constituent la base de calcul de l'impôt sur revenu et des contributions sociales. En revanche, les modalités de calcul des cotisations sociales dues auprès de l’URSSAF (pour les loueurs dont le montant annuel des recettes excède le seuil de 23 000 €) ne semblent pas modifiées pour ceux qui font toujours application du régime du micro-BIC. 

Tableau de synthèse du micro-BIC des meublés de tourisme 

 

Meublés non classés

Meublés classés

Nouveau plafond recettes

15 000 €

77 700 €

Nouvel abattement

30 %

50 %

 

Ancien plafond recettes

 

77 700 €

 

188 700 €

Ancien abattement

50 %

71 %

 

c. Le traitement fiscal des autres locations meublées et des prestations d'hébergement touristique 

La présente loi vise en premier lieu les locations de meublés de tourisme tel que défini par le code du tourisme. Selon l’article L. 324-1-1 (I) du code du tourisme, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. Les loueurs de meublés de tourisme qui font déjà application d'un régime réel BIC (de plein droit ou par option) ne sont aucunement visés par la présente réforme fiscale. 

1/. Locations meublées de longue durée 

A contrario, la réforme fiscale ne concerne pas les locations meublées de longue durée, notamment les locations régies par la loi du 6 juillet 1989 (baux d'un an, baux de mobilité jusqu’à 10 mois). 

Les recettes issues de ces locations meublées non touristiques peuvent relever du régime du micro-BIC dans les mêmes limites et avec le même abattement que précédemment, soit le plafond annuel de recettes de 77 700 € et l'abattement de 50 %. 

2/. Locations de chambres d’hôtes 

Par ailleurs, la modification de l'article 50-0 du CGI qui précise le régime du micro-BIC semble remettre en cause le régime fiscal applicable aux recettes issues des locations de chambres d'hôtes. Rappelons que les chambres d'hôtes ne sont pas des meublés de tourisme conformément au code du tourisme (art. L. 324-3 et s. du code du tourisme). 

Jusqu'à ce jour, les loueurs concernés peuvent faire application du régime du micro-BIC dans la limite annuelle de recettes de 188 700 € et avec le bénéfice de l'abattement de 71 % (comme les loueurs de meublés de tourisme classés avant l’entrée en vigueur de la présente réforme). 

Suite à la modification législative, certains commentateurs soutiennent que ces activités de locations de chambres d’hôtes seraient soumises au plafond de 77 700 € et à l'abattement de 50 %. Pour notre part, cette lecture ne semble pas conforme au texte modifié et à la volonté du législateur. 

De notre point de vue, l’article 50-0 du CGI qui précise le régime du micro-BIC peut être compris de la façon suivante :

- le 2ème alinéa de l’article précité (1-1°) formule le principe selon lequel le plafond annuel de recettes de 188 700 € et l’abattement de 71 % (alinéa 6) concernent notamment la fourniture de logement ;

- sont expressément exclues de ces seuils les locations de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, qu’ils s’agissent de meublés de tourisme classés ou non classés ou de tout autre meublé non touristique ;

- les locations de chambres d’hôtes n’étant pas des locations de logements meublés mais des prestations parahôtelières de fourniture de logement, il conviendrait à notre avis d’appliquer le principe ci-dessus selon lequel il s’agit de fourniture de logement soumise à l’abattement de 71 % et au plafond de 188 700 €.

Il convient d'attendre les commentaires officiels à paraître afin de déterminer les règles applicables pour ce dernier type de locations. Les premiers commentaires des services de l’Etat estiment qu’il convient d’appliquer l’abattement de 50 % (au lieu de 71 %) et le plafond de 77 700 € (au lieu de 188 700 €). 

Si la solution de l’abattement de 50 % et du plafond de 77 700 € était effectivement retenue pour les chambres d’hôtes, les personnes concernées affiliées à l’URSSAF en tant qu’auto-entrepreneur verraient leur taux de cotisations sociales passer de 12,3 % à 21,2 %. Cette majoration de près de 10 points entrainerait une augmentation de plus de 70 % des prélèvements sociaux, sans compter la majoration au titre de l’impôt sur le revenu.

Alors que la loi a pour objet de réguler les meublés de tourisme (et non les chambres d’hôtes), certains articles de presse estiment que le traitement défavorable des chambres d’hôtes serait un dommage collatéral de la loi nouvelle. 

Par une question parlementaire, un sénateur s’est ému de cette situation et a interpelé la ministre déléguée chargée de l'économie du tourisme en précisant que « la classification des chambres d'hôtes dans le même cadre fiscal que les meublés de tourisme semble inappropriée. Il demande qu'une révision de cette disposition dans le décret d'application soit envisagée pour permettre aux chambres d'hôtes de bénéficier d'un régime distinct, mieux adapté aux particularités de cette activité » (QP Paccaud JO Sénat du 21/11/2024). 

d. Dates d'entrée en vigueur du nouveau dispositif fiscal 

La loi précise que la présente réforme s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025.

Autrement dit, certains loueurs devront faire application du régime réel des BIC à compter du 1er janvier 2025 dès lors que le montant des recettes réalisées au titre des 2 années précédentes excède le seuil de 15 000 € pour les meubles non-classés ou le seuil de 77 700 € pour les meublés classés. 

Pour ceux qui ne dépassent pas les nouveaux plafonds de recettes (15 000 € ou 77 700 €), les abattements réduits (30 % ou 50 %) s'appliqueront aux recettes réalisées à partir du 1er janvier 2025 et déclarées en 2026, sauf à exercer une option pour l’application d’un régime réel BIC. 

Par ailleurs, pour l’imposition des revenus perçus en 2024, l’article 50-0 du CGI qui détermine le régime du micro-BIC s’applique dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (art. 7 de la loi du 19/11/2024). 

Selon cette disposition, les recettes perçues jusqu'au 31 décembre 2024 et déclarées en 2025 font l'objet des anciens abattements et des anciens plafonds de recettes, soit l'abattement de 50 % et le plafond de 77 700 € pour les meublés de tourisme non-classés ou l'abattement de 71 % et le plafond de 188 700 € pour les meublés classés. 

e. Autres mesures fiscales à paraitre 

1/. Réforme du régime des plus-values immobilières réalisées par les LMNP

 La loi de finances pour 2025 en cours d'examen devant le Parlement prévoit de modifier les modalités de calcul des plus-values immobilières réalisées par les loueurs de meublés non professionnels (LMNP). 

Pour l'essentiel, une plus-value immobilière correspond à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition. La loi de finances pour 2025 prévoit que le prix d'acquisition sera minoré du montant des amortissements admis en déduction, à l’exception de ceux de ces amortissements constitutifs de dépenses prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu. 

Cette mesure a pour effet de majorer la plus-value imposable en raison de l'imputation des amortissements sur le prix d'acquisition. Cette nouvelle règle ne concerne pas les loueurs de meublés professionnels (LMP) et n'apparaît pas viser les loueurs de meublés qui font application du régime du micro-BIC pour ne concerner que les LMNP qui relèvent d’un régime réel BIC. 

Ces dispositions s’appliqueront aux plus-values réalisées à raison des cessions intervenant à compter du 1er janvier 2025. 

2/. Application de la TVA aux locations de meublés de tourisme 

Un amendement parlementaire adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 prévoit l'application de la TVA au taux de 10 % à l'ensemble des locations des meublés de tourisme. Rappelons qu’à ce jour, seules les locations de meublés assorties de prestations parahôtelières sont effectivement redevables de la TVA (art. 261 D du CGI). 

Il est peu probable que cet amendement soit retenu dans le texte final de la loi de finances qui sera très certainement adoptée avec l'application de l'article 49 (alinéa 3) de la Constitution. 

En toute hypothèse, la mise en œuvre de la TVA n’est impérative qu'au-delà du seuil de franchise en base de TVA de 91 900 € (seuil passant à 85 000 € à compter de 2025). 

f. Modalités de tenue d’une comptabilité réelle BIC 

La tenue d'une comptabilité a pour objet de déterminer le résultat comptable tenant compte des produits et des charges avec la production de documents de synthèse composés notamment d'un bilan et d’un compte de résultat. L'enregistrement de ces opérations et la production des documents de synthèse reposent sur l'utilisation obligatoire d'un logiciel certifié par l'administration fiscale qui génère un fichier des écritures comptables (FEC). De même, la transmission des documents de synthèse (bilan, compte de résultat) doit être réalisée de façon dématérialisée. 

Le plus souvent, les personnes qui sont soumises à un régime réel BIC sollicitent les services d'un prestataire comptable qui peut être un expert-comptable ou une association de gestion de comptabilité. Ces professionnels réalisent les enregistrements comptables, la production des documents de synthèse et la transmission dématérialisée auprès de l’administration fiscale. 

Cela étant, aucun texte n'exige l'intervention de ces prestataires. Dans l’absolu, le contribuable peut par lui-même assurer la tenue de la comptabilité à partir d'un logiciel certifié et réaliser la transmission dématérialisée. Cette autonomie suppose d’avoir des connaissances comptables et mobilise un certain temps. 

g. Passage du micro-BIC au réel BIC de plein droit ou par option 

En raison de la réforme du micro-BIC, un certain nombre de loueurs de meublés de tourisme va faire application d'un régime réel BIC. 

À ce titre, il convient de distinguer deux situations avec, d’une part, les loueurs qui relèveront d'un régime réel de plein droit en raison du montant des recettes et, d'autre part, les loueurs qui feront application d'un régime réel par option. 

1/. L'application d'un régime réel BIC de plein droit 

Cette solution résulte du fait que le montant des recettes excède les limites d'application du régime du micro-BIC. Plus précisément, le régime micro-BIC est applicable au titre d'une année civile si le chiffre d'affaires de l'année civile précédente ou de la pénultième (avant-dernière) année n'excède pas le seuil applicable (soit 15 000 € pour les non-classés et 77 700 € pour les classés) (art. 50-0 (1) du CGI). 

A contrario, le régime réel est applicable de plein droit lorsque le contribuable réalise des recettes qui excèdent les limites autorisées du micro-BIC au cours de deux années civiles précédentes. 

2/. L'application d'un régime réel par option 

En raison de la diminution des abattements forfaitaires applicables dans le cadre du régime du micro-BIC (soit désormais 30 % pour les non classés et 50 % pour les classés), certains loueurs peuvent préférer faire application d'un régime réel BIC par option permettant la déduction de charges supérieures aux nouveaux taux d'abattement forfaitaire. 

Sur ce point, il faut distinguer selon que l'option est exercée en début d'activité ou en cours d'activité. 

Les entreprises nouvelles exercent cette option dans les délais prévus pour le dépôt de la déclaration concernant leur premier exercice ou leur première période d’activité (art. 50-0 (4) du CGI).

Par exemple, un contribuable créé une activité de location le 1er janvier 2025. S'il souhaite opter pour l'imposition de ses bénéfices selon le régime réel au titre de 2025, il doit exercer son option au plus tard dans le délai de dépôt de la déclaration d'ensemble des revenus de 2025, souscrite en mai-juin 2026.

(art. 302 septies A ter du CGI ; BOI-BIC-DECLA-10-30 § 50) 

En cours d’activité, l’option pour le réel doit être exercée dans les délais applicables au dépôt de la déclaration souscrite au titre de l'année précédant celle au titre de laquelle cette même option s'applique.

(BOI-BIC-DECLA-10-30)

Par exemple, un loueur devant en principe relever du régime micro-BIC en 2025 peut opter pour l'imposition de ses bénéfices selon le régime réel au titre de 2025 au plus tard dans le délai de dépôt de la déclaration d'ensemble des revenus de 2024, souscrite en mai-juin 2025.

(art. 50-0 (4) du CGI ; BOI-BIC-DECLA-10-30 § 10) 

h. Amortissements et passage du micro-BIC au réel BIC 

Une des particularités de l’application d’un régime réel est de pouvoir déduire du résultat les dotations pour amortissements des immobilisations, notamment des immeubles bâtis (à l’exclusion de la valeur du terrain par principe non amortissable) qui sont inscrits au bilan du loueur propriétaire au réel BIC. 

La question essentielle est de déterminer la base de calcul de ces amortissements alors que le loueur exerce depuis une certaine durée l’activité de locations meublées sous le régime du micro-BIC. 

En la matière, le principe est que dans le bilan d’ouverture du réel BIC, il convient de retenir la valeur d'origine diminuée des amortissements réputés pris en compte par le biais de l'abattement forfaitaire du micro-BIC. Sur ce point, l’article 50-0 du CGI précise que les abattements du micro-BIC sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire. Cette solution a pour effet de réduire de façon de plus ou moins importante les amortissements constatés sous le régime réel. 

Cependant, certains commentateurs estiment à juste titre que l'inscription au bilan par l'exploitant des biens non affectés par nature mais par destination à l'activité, suite   au passage du régime micro-BIC à un régime réel d'imposition, pourrait être regardée comme un transfert du patrimoine privé vers l'actif professionnel. Selon cette appréciation, les immeubles affectés à la location meublée sont des biens affectés par destination et non des biens par nature qui ne pourraient pas avoir d’autres affectations que la location meublée. 

Selon cette dernière analyse, les biens concernés pourraient être inscrits au bilan d’ouverture du réel BIC pour leur valeur réelle à la date d'affectation résultant de cette inscription au bilan et non pour leur valeur d'origine diminuée d’amortissements réputés pratiqués sous le régime du micro-BIC. 

A notre connaissance, cette dernière solution favorable ne semble pas avoir été officiellement confirmée tant par l’administration fiscale que par la jurisprudence des juridictions administratives.

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