Le dialogue social est-il vraiment en panne ?
Avec la récente affaire du « DRH torse nu d’Air France », le dialogue social est, de nouveau, l’objet d’un procès à charge. De nombreux procureurs ont déclaré qu’il était mort, au mieux moribond. Ces « spécialistes des relations sociales » ont appelé à une grande réforme des relations sociales et, d’une manière plus générale, du droit du travail.
Ainsi, par exemple, sur Europe 1 lors l’interview du matin avec Jean-Pierre Elkabbach le 19 octobre, Nathalie Kosciusko Morizet : "Il faut réformer le syndicalisme", "On a, en France, un syndicalisme qui est perdant-perdant : on a plus de syndicats que partout ailleurs, mais moins de syndiqués qu'ailleurs.(…) Il faut réformer le syndicalisme, pour avoir des syndicats représentatifs et responsables. Le Code du travail est trop pléthorique (….). Elle voudrait aussi que « l'on limite le nombre de mandats dans le temps, pour que l'on ne puisse plus être élu à vie, que cela ne devienne pas une carrière".
Dans le même temps, d’autres (ou les mêmes à quelques jours d’intervalle) se réjouissait de la conclusion de l’accord sur les retraites complémentaires, accord jugé sans précédent et estimant que, finalement, le dialogue social ne se portait pas si mal en France.
Quelques remarques :
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Rien n’échappe à la culture de l’émotion. Or, s’il y a bien un domaine qui ne peut pas être géré sous le coup de l’émotion, c’est bien celui des relations sociales….
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Sans les syndicats réformistes, y aurait-il eu un accord sur les retraites complémentaires ?
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Selon l’idéologie du moment : « Les syndicats ne représentent qu’eux-mêmes puisqu’il n’y a que 8 % de salariés syndiqués. Donc il faut modifier le système de la représentation des salariés ». Cette logique, apparemment implacable, oublie que les syndicats, depuis la loi de 2008, ne sont considérés représentatifs que s’ils ont obtenu un pourcentage suffisant lors des élections au comité d’entreprise. Or, la participation électorale dépasse en moyenne les 60 % aux élections du CE. Il y a beaucoup d’élections en France qui n’atteignent pas ce taux de participation : les élections régionales, européennes, cantonales. Même, les dernières élections législatives n’ont eu que 55 % de taux de participation. Par ailleurs, le pourcentage d’adhérents aux partis politiques avoisine les 1 %. Si l’on applique la même logique, la plupart des hommes politiques ne représente pas légitimement les citoyens et le référendum devrait être le moyen d’adopter des lois en France. Enfin, s’il fallait limiter le nombre des mandats dans le temps des hommes politiques également, il n’y aurait plus grand monde sur la scène politique française.
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La qualité du dialogue social ne se résume pas uniquement à la signature d’un accord : de nombreux dirigeants ne sont pas dans une dynamique de dialogue mais dans le cadre d’une décision unilatérale sur laquelle ils veulent faire apposer la signature des syndicats. Ce n’est pas du partenariat. Or, dialoguer, c’est autre chose : c’est accepter d’écouter les autres, de revoir ses positions, de répondre favorablement à certaines demandes des syndicats… C’est long et cela prend du temps. Oublier les hommes conduit dans le mur.
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La négociation dans les entreprises pourrait être plus importante mais 36 500 accords entre employeurs et représentants du personnel ont quand même été signés et enregistrés en 2014.
La complexité du droit social est souvent avancée. Cependant, beaucoup d’entreprises n’investissent pas suffisamment dans l’ingénierie sociale et le recours aux conseils externes sont trop tardifs. Le réflexe d’être accompagné tout au long de l’année par un spécialiste des questions sociales est encore trop faible dans notre pays. De même, les directions des ressources humaines sont, dans bien des cas, sous staffées. Dans les Échos business du 19 octobre 2015, Jean-Luc vergne, ex DRH de PSA Peugeot Citroën et de BPCE estime que « le dialogue social ne peut se nouer à chaud à l’occasion d’un plan. Il doit être instauré en amont, sur les discriminations, la redistribution des profits, la retraite, le numérique etc. (…) Lorsque le DRH dépend du directeur financier, Il ne lui reste qu’à exécuter le plan défini par ce dernier avec pour seul discours un chantage à la productivité et à la compétitivité ».
Certes, tout n’est pas parfait. Travailler à son amélioration, à sa fluidification est nécessaire. Mais, il est préférable de confier cela à ceux qui le vivent.
Attention, en effet, à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain…
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François Barbé
Consultant RH/ Relations Sociales