Les élections professionnelles sont matériellement contraignantes pour les entreprises, notamment pour les petites entreprises. Aussi, pour de nombreuses raisons (absence de candidats, oubli, retard, méconnaissance des règles, etc.), il arrive que les élections professionnelles ne soient pas organisées et/ou que le procès-verbal de carence n’ait pas été formalisé. Or, les conséquences peuvent être fâcheuses et lourdes financièrement.
Le Code du travail indique, souvent très clairement, quelles sont les conséquences de l’absence d’organisation des élections ou d’établissement du procès-verbal de carence. De nombreuses décisions de la Cour de cassation viennent régulièrement nous les rappeler. Présentation des principales sanctions en la matière.
- Licenciement pour motif économique
Toute procédure de licenciement pour motif économique est irrégulière dès lors que le comité d’entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors que l’entreprise aurait dû respecter cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. Dans ce cas-là, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis (C. trav., art L. 1235-15).
- Licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle
Selon l’article L 1226–10 du code du travail, l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée. L’employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de tels délégués est obligatoire et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. Seul un procès-verbal de carence établi à l'issue du second tour de scrutin est de nature à justifier le respect par l'employeur de ses obligations en matière d'organisation des élections de délégués du personnel (Cass. soc.,19 février 2014, n° 12-23577).
- Résiliation judiciaire et dommages-intérêts
Si la Cour de cassation a décidé qu’un salarié ne pouvait pas se fonder sur le manquement de l’employeur n’ayant pas respecté ses obligations en matière d’élections professionnelles pour demander la résiliation judiciaire ou prendre acte de la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 09–67. 798), elle reconnaît l’existence d’un préjudice. Ainsi, l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Cass. soc., 17 mai 2011, n°10-12.852). Des dommages-intérêts peut donc être octroyés par le juge sur ce fondement.
- Dénonciation d’un usage et/ou d’un engagement unilatéral
La dénonciation d’un usage ou d’un engagement unilatéral nécessite, pour être régulière, une information individuelle de chaque salarié mais aussi l’information des institutions représentatives du personnel. L’absence d’organisation d’élections par l’employeur qui était tenu de le faire rend irrégulière la dénonciation de l’usage ou de l’engagement unilatéral (Cass. soc., 16 novembre 2005, n° 04-40339).
- Intéressement
Selon l’article L. 3312–2 du Code du travail « Toute entreprise qui satisfait aux obligations incombant à l’employeur en matière de représentation du personnel peut instituer, par voie d’accord, un intéressement collectif des salariés. »
Pour mettre en place un accord d’intéressement et bénéficier des exonérations liées à ce dispositif, les entreprises doivent avoir respecter leur obligation en matière de mise en place des délégués du personnel, du comité d’entreprise et CHSCT. Ces conditions sont considérées comme satisfaites lorsque celles-ci sont mises en place, ou lorsque les entreprises produisent un procès-verbal de carence attestant que les élections ont été régulièrement organisées et que l’absence d’institutions représentatives est due au seul défaut de candidatures (Circ. intermin., 14 sept. 2005, dossier intéressement, fiche no 1)
- Négociation collective
Selon l’article L. 2232-24, dans les entreprises dépourvues de DS, lorsqu’aucun élu n'a manifesté son souhait de négocier, un accord collectif peut être négocié par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. Cette possibilité n’est ouverte qu’aux entreprises, tenues d’organiser des élections, dans lesquelles un procès-verbal de carence a établi l'absence de représentants élus du personnel.
François Barbé
Consultant RH/ Relations Sociales