La prise d’acte n’est pas définie par la loi
La prise d’acte est une modalité de rupture qui permet au salarié de rompre son contrat de travail. Si les griefs invoqués par le salarié sont fondés, la rupture sera prononcée aux torts de l’employeur. La prise d’acte n’a pas de définition légale, c’est une pure création jurisprudentielle. Elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul) si les faits invoqués par le salarié la justifient. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.
Il est important de savoir qu’avec ce mode de rupture, le doute profite à l’employeur, contrairement au droit du licenciement. En effet, il revient au salarié d’apporter la preuve des faits qu’il invoque.
Les manquements invoqués par le salarié doivent donc être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La prise d’acte peut être justifiée notamment dans les cas suivants : discrimination, non-respect du principe d’égalité de traitement entre les salariés, non-paiement du salaire, modification du contrat sans l'accord du salarié, etc.
Des agissements caractérisant des faits de harcèlement moral ou sexuel peuvent aussi justifier la prise d’acte. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt récent considère que « l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements, (l’employeur avait pris les mesures appropriées et sanctionné l'auteur, supérieur hiérarchique de la salariée, en prononçant son licenciement pour faute grave dès qu’il en avait eu connaissance) » (Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18603 ).
Le « succès » de la prise d’acte : un effet trompeur
De nombreux salariés ont obtenu gain de cause en initiant une telle procédure. Résultat : beaucoup de personnes considèrent, à tort, que c’est un mécanisme simple dès lors que l’on a des arguments à faire valoir contre l’employeur. Cependant, il ne s’agit pas d’avoir des reproches à formuler contre son supérieur hiérarchique ou l’entreprise mais des griefs permettant de justifier la prise d’acte.
D’ailleurs, le fait qu’elle ait été utilisée de manière trop abusive, c’est-à-dire sans fondement suffisant, a généré une méfiance vis-à-vis de ce mode de rupture. Aussi, certains conseillers prud’homaux ont-ils un a priori défavorable avant même d’avoir examiné le dossier.
Il ne faut donc pas s’étonner que la procédure soit longue même lorsque les faits invoqués sont graves. Ainsi, dans l’affaire précitée, la salariée a dû aller devant la Cour de cassation pour obtenir gain de cause : cinq ans de procédure et encore ce n’est pas fini puisque l’affaire est renvoyée devant une autre Cour d’appel.
Rappelons aussi qu’il y a eu un léger durcissement par la Cour de cassation : il ne suffit plus qu’il y ait des manquements suffisamment graves de l’employeur, il faut aussi que cela empêche la poursuite du contrat de travail et donc que les manquements de l'employeur ne soient pas anciens (Cass. soc. 26 mars 2014, n° 12–23.634). Ainsi, si un salarié invoque un (ou plusieurs faits) qui empêche(nt) la poursuite du contrat, il est important qu’il n’y ait pas eu un écoulement de temps trop long entre la survenue de ce fait (ou de ces faits) et la prise d’acte.
Mise en œuvre en deux temps
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme. Mais, il convient, notamment pour des raisons de procédure (que l’on ne soit pas dans un cas de résiliation judiciaire) et de preuve, de faire parvenir à l'employeur un courrier listant les raisons de la prise d'acte. Il n’est pas obligatoire de tout détailler, ni d’indiquer tous les griefs (Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04–47 714).
Cet écrit peut valablement être présentée par le conseil d'un salarié au nom de celui-ci (Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05–42 847).
La saisine du juge est nécessaire pour demander la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse (sauf si l’employeur est d’accord avec le salarié mais cela n’arrive que rarement). L'affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement sans passer par le bureau de conciliation (C. trav. L. 1451–1). Le bureau de jugement statue dans un délai d'un mois suivant sa saisine. Cependant, cela reste théorique et, dans bien des cas, le délai est plus long.