Maître Frédéric CHHUM est l’avocat du salarié, intermittent du spectacle, assistant réalisateur.
L’originalité du jugement est qu’il retient la nullité de la rupture car l’assistant réalisateur, intermittent du spectacle avait été « licencié » suite à sa saisine des prud’hommes.
I)        Les faits : le salarié, intermittent du spectacle saisit le Conseil de prud’hommes en requalification en CDI et n’est plus employé par la suite par Canal Plus
1)        Engagements sous CDD du salarié intermittent du spectacle au sein de Canal Plus
Après un stage à compter d’octobre 2001, Monsieur X a été embauché par CDD d’usage par la société KIOSQUE, filiale du groupe Canal PLUS en charge de la diffusion de programmes payants diffusés par internet et par satellite, à compter du 20 décembre 2001 en qualité d’agent spécialisé d’émission.
A compter du 2 novembre 2004, il est engagé comme 2ème assistant réalisateur dans le cadre de CDD d’usage.
A compter d’août 2005, il était engagé par la société d’édition de Canal + en qualité de Chef OPV pour le service des sports dans le cadre de CDD d’usage, puis à compter du 1er janvier 2006 en qualité de 1er assistant réalisateur pour le service bandes annonces, enfin à compter du 1er janvier 2010, en qualité d’opérateur magnétoscope ralenti pour le service Foot + et Rugby +.
2)        Demande par le salarié de régularisation en CDI
Le 20 décembre 2012, le salarié a demandé une régularisation de sa situation mais n’a pas eu de retour.
En février et mars 2013, il a, à nouveau, travaillé pour KIOSQUE le dernier jour travaillé est le 28 mars 2013.
Le 18 février 2013, le salarié a saisi les prud’hommes en requalification de ses CDD en CDI.
Le 22 mars était organisée une réunion au sein de KIOSQUE pour aviser le personnel intermittent de la possibilité de 4 emplois en CDI mais le salarié ne s’y présentait pas.
3)        Proposition de CDI par Canal + à l’intermittent du spectacle
Le 3 avril 2013, rendez-vous lui était proposé pour le 8 avril 2013, un CDI devant lui être proposé mais il quittait les locaux de la société en étant chassé selon lui alors qu’il devait travailler.
Le 9 avril 2013, le salarié écrivait à Canal + pour se plaindre de s’être fait mis à la porte.
La proposition de CDI était réitérée par courrier des 11 et 16 avril 2013.
Le salarié faisait part de ses critiques par courrier du 29 avril 2013 auquel la société répondait le 3 mai 2013.
4)        Le salarié maintient son action prud’homale malgré la proposition de CDI de Canal +
Par email du 16 mai 2013, le salarié indiquait qu’il maintiendrait son action prud’homale. Il souhaitait disposer du projet de contrat de travail qui ne lui était pas remise.
Le 17 juin 2013, la société l’avisait que son silence valait refus ; c’est alors que le salarié aurait accepté le CDI.
Canal + expliquait qu’elle n’avait pu garder le poste plus longtemps.
II) Le jugement du Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt du 24 septembre 2014
1) Sur la requalification des CDD en CDI
La motivation du jugement du Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt est la suivante  « Il est établi que l’activité de l’employeur est de celle pour lesquelles il est d’usage constant de ne pas recourir à un CDI. Toutefois, les sociétés ne démontrent pas par des raisons objectives, de la nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié et tous les contrats de travail ne respectent pas les conditions de forme ».
Dans ces conditions, il convient de requalifier la relation de travail en un CDI et de condamner les 2 sociétés solidairement à verser au salarié la somme de 5.000 euros au titre de l’indemnité de requalification ».
2) Sur la requalification à temps complet et le rappel de salaire
Le Conseil relève que :
« Il doit être relevé qu’il peut paraitre paradoxal que le salarié revendique avoir travaillé plus qu’un temps complet et en même temps puisse solliciter un rappel de salaire sur la base d’un temps complet.
En réalité la demande n’est pas incohérente dans la mesure où la fin de la période contractuelle a été marquée par une diminution progressive du nombre de jours travaillés de sorte qu’il a travaillé beaucoup moins.
Le salarié ne rapporte par la preuve qu’il était à disposition permanente de ses employeurs. Sa demande de rappel de salaire pendant les périodes intercalaires est rejetée ».
3) Sur le salaire de référence et la prime de 13ème mois
Le Conseil de prud’hommes fixe un salaire de référence à 4.205 euros.
Le salarié obtient 21.025 euros bruts à ce titre
4) Sur les dommages intérêts pour dépassement des durées maximales du travail
Le Conseil indique que « Le salarié produit des tableaux du nombre de jours travaillés indistinctement pour les 2 sociétés dont il découle une violation du repos hebdomadaire ainsi que des violations des durées maximales journalières et hebdomadaires.
KIOSQUE et Canal + ne critiquent pas le décompte ainsi établi mais s’exonère de toute responsabilité dans la mesure où elles sont 2 entités distinctes quand bien même elles feraient partie d’une même UES.
Toutefois, compte tenu du lien unissant les 2 sociétés et de l’exercice du travail sur le même lieu, les défenderesses ne peuvent valablement soutenir ne pas avoir été au courant. A tout le moins tenues d’une obligation de sécurité résultat en matière de santé et de sécurité au travail, elles auraient dû chercher à s’informer sur la situation du salarié, ce dont elles ne justifient pas.
Canal + et KIOSQUE sont condamnées à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire et 1.500 euros pour dépassement des durées maximales du travail, lesquelles n’emporte pas nécessairement un non-respect du repos hebdomadaire ».
5) Sur la nullité de la rupture du 28 mars 2013 (car en représailles de la saisine des prud’hommes)
Le Conseil indique que « Le dernier jour travaillé pour Canal + est le 26 novembre 2012 tandis que le salarié a travaillé pour KIOSQUE jusqu’au 28 mars 2013.
KIOQUE lui a fait une proposition de CDI le 23 avril 2013 que le salarié a critiqué par courriel en réponse du 29 avril 2013 en reprochant notamment le montant insuffisant de la rémunération (il souhaitait 72000 euros) et le statut de non cadre.
Le 3 mai 2013, il lui était rappelé qu’au sein de KIOSQUE il n’avait jamais exercé les fonctions de cadre et que le niveau de rémunération proposé était très au-dessus des minimas de la grille des salaires. Il était relancé le 7 juin 2013 et faute de réponse de sa part, la société prenait acte de son refus de la proposition le 17 juin 2013. C’est en réponse que le salarié faisait part de son acceptation.
Entretemps, le 18 février 2013, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes notamment d’une demande de réintégration. Il en conclut que la rupture s’analyse en un licenciement nul comme une mesure de rétorsion de KIOSQUE face à l’exercice d’une légitime voie de droit.
La proposition de KIOSQUE était postérieure à la cessation des relations contractuelles le 28 mars 2012 de sorte que le refus du salarié de l’accepter ne saurait remettre en cause l’imputabilité de la rupture à l’employeur.
KIOSQUE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des raisons de la rupture intervenue après la saisine du CPH. La proposition du CDI intervenue postérieurement à l’arrêt de la collaboration n’est pas de nature à suppléer cette carence qui a pour effet de rendre nul le licenciement.
Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande du salarié et de déclarer le licenciement nul pour violation de la liberté fondamentale du salarié d’agir en justice pour faire valoir ses droits ».
6) Sur les conséquences du licenciement nul
La demande de réintégration n’apparait pas possible compte tenu de l’absence de preuve d’un emploi disponible, de l’absence d’accord des parties sur le salaire et sur la qualification à retenir.
Il n’est pas fait droit à la demande de réintégration formulée par le salarié.
Canal + et KIOSQUE sont condamnées à verser au salarié 50.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour 4, rue Bayard 75008 Paris
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