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Droit des cadres dirigeants : une Styliste senior obtient 235.000 euros en appel des prud’hommes

Publié le 02/06/2017 Vu 3 813 fois 0
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Le statut de cadre dirigeant doit être utilisé avec parcimonie et précaution par les entreprises. A défaut de validité du statut de cadre dirigeant, le salarié « faux cadre dirigeant » peut obtenir le paiement de ses heures supplémentaires sous réserve bien sûr de pouvoir les justifier.

Le statut de cadre dirigeant doit être utilisé avec parcimonie et précaution par les entreprises. A déf

Droit des cadres dirigeants : une Styliste senior obtient 235.000 euros en appel des prud’hommes

Par arrêt du 23 mai 2017, la Cour d’appel de Paris (Pole 6 Chambre 3) :

  • Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 24 février 2014,

  • Condamne la société TOD’S FRANCE à payer à Madame X les sommes suivantes :

. 13 875,95 euros  à titre d’indemnité de requalification

. 90 710,63 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période du 12 juillet 2011 au 14 février 2014

. 9071,06 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires

. 26 822,32 euros  à titre de dommages-intérêts du fait du non-respect des dispositions relatives au contingent annuel d’heures supplémentaires,

. 3600  € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,

. 84 5000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

. 5000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

. 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

I) Faits et procédure

Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 28 janvier 2014 de demandes visant à titre principal la requalification de son contrat à durée déterminée,  la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, le rappel du paiement d’heures supplémentaires.

Madame X a été engagée par la société TOD’S FRANCE en qualité de styliste senior, statut employée, par contrat à durée déterminée du 10 janvier 2011 au 11 juillet 2011.

Par avenant, ce contrat s’est poursuivi pour une durée indéterminée à compter du 12 juillet 2011, Madame X ayant, à compter de cette date, le statut de cadre dirigeant.

À compter du 1er janvier 2014, Madame X a été rémunérée sur la base d’un salaire mensuel brut de 13 846,15 euros sur 13 mois.

Par lettre du 26 février 2014, elle a fait l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par jugement rendu le 3 juillet 2014,  le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Madame X de ses demandes.

II) Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 mai 2017

1) Harcèlement moral de la styliste et résiliation judiciaire du contrat de travail

Madame X sollicitait en l’espèce de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au regard des pressions et menaces de licenciement qu’elle aurait subies pour conclure une rupture conventionnelle désavantageuse, de sa mise à l’écart par la société TOD’S FRANCE laquelle ne lui a notamment plus fourni de travail compte tenu notamment de l’opposition de Monsieur A , du harcèlement moral dont elle a fait l’objet, de la déclaration frauduleuse visant sa qualité de cadre dirigeant, du défaut de respect de la réglementation afférente au temps de travail;

1.1) Sur le harcèlement moral de la styliste

                       S’agissant du harcèlement invoqué, elle fait état de pressions, de méthodes managériales caractérisées notamment par sa mise à l’écart et d’une dépression réactionnelle;

Les pièces justifient également de tensions lors d’une réunion s’étant tenue le 16 décembre 2013 à Brancadoro, au siège italien de l’entreprise,  au cours de laquelle Monsieur A a énoncé  à nouveau, comme il le rapporte lui-même dans son attestation,  des observations sur ce travail;

Les pièces produites aux débats justifient que les relations de travail se sont distendues entre  Madame X et sa hiérarchie à partir du  25 septembre 2013 date d’une réunion au cours de laquelle Monsieur A a émis des critiques sur le travail de la salariée.

Si Madame X ne fait qu’évoquer, dans son courrier du 31 mars 2014, les  termes de l’entretien en date du 16 décembre 2013 au cours duquel Monsieur A, en présence de Madame C,  lui aurait indiqué qu’il ne souhaitait plus travailler avec elle, il ressort du  courriel du 13 janvier 2014 produit par l’intéressée que  Madame H n’a plus, à cette époque, mentionné celle ci au nombre des salariés se rendant à un meeting de mode au siège à Brancadoro ( Italie) les 4 et 5 février suivants, qu’il n’est pas justifié de réponse de l’employeur à  la lettre du 7 février de Madame X aux termes de laquelle celle-ci dénonce être écartée de ce meeting auquel elle assistait chaque mois depuis trois ans et ne plus être destinataire en copie de nombreux mails, tous éléments permettant de confirmer  une mise à l’écart de la salariée pour le moins au mois de janvier;

Ainsi, antérieurement même à la saisine du conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire du contrat de travail en date du 28 janvier 2014 dont la société TOD’S FRANCE a eu connaissance le 31 janvier 2014, et avant même l’entretien préalable du 14 février 2014, les pièces produites justifient d’une mise à l’écart de la salariée, l’employeur ne lui fournissant plus de travail et tentant de négocier une rupture conventionnelle;

Il doit être observé par ailleurs que l’isolement de la salariée a perduré pendant plusieurs semaines et doit être mis en corrélation avec l’arrêt de travail dont elle fait l’objet à compter du 28 janvier 2014 explicité par un état dépressif réactionnel, que dans le même sens, l’employeur lui a , par mail du 11 février 2014, signifié sa prise de congés au titre de la prise d’heures de récupération sans que l’intéressée n’en ait fait la demande ou n’y ait donné son accord;

Or, le  fait, explicité par Madame C, dans son attestation,  que la réunion du 11 décembre 2013 à Brancadoro a abouti à la conclusion de ce que “Madame X avait livré n’allait pas pour la marque” ne saurait justifier une telle mise à l’écart unilatérale avant même la convocation du 4 février 2014 à l’entretien préalable;

Ces éléments  sont autant de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral auxquels l’employeur n’apporte pas de justifications par des éléments objectifs, le contenu des reproches énoncés sur le travail de styliste de la salariée n’étant pas formalisé, Madame W et Monsieur A se limitant, dans leurs attestations, à faire référence à des  “remarques” du directeur artistique sans non plus décrire les propositions de celui-ci tandis que l’imputabilité à la salariée du caractère houleux de certaines réunions de travail n’est pas caractérisée;

Ces éléments conduiront à condamner la société TOD’S FRANCE à payer à Madame X la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du harcèlement moral ici retenu.

1.2) Résiliation judiciaire du contrat de travail de la styliste

Outre ce dernier, la cour a également retenu la nullité du statut de cadre dirigeant de l’intéressée et le défaut de paiement d’heures supplémentaires en découlant dans des proportions très sensibles;

Les éléments dès lors relevés constituent de la part de l’employeur des manquements à ses obligations d'une particulière gravité ayant rendu impossible la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail.

Compte tenu des circonstances de la rupture intervenue le 24 février 2014 et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, du montant de la rémunération versée à la salariée  , de son âge, de son ancienneté depuis le 10 janvier 2011 , de son défaut de retour à l’emploi tel que justifié encore au mois de novembre 2016 et des conséquences de la rupture à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il lui sera alloué une somme de 84 500 € à titre de dommages-intérêts.

2) Requalification du CDD en CDI

En l’espèce, la Cour d’appel observe que l’article 2.1 du contrat se limite à mentionner que Madame X est engagée pour “l’exécution d’une mission telle que décrite ci-après”, le document venant préciser que “la marque Roger Vivier entend accroître considérablement sa présence sur le secteur de l’accessoire de luxe à l’international. Le succès de cette démarche passera notamment par le renforcement des structures de collection. Il appartiendra donc à Madame X de mettre en place des processus et procédures appropriées ainsi que les partenariats solides et durables qui permettront d’atteindre cet objectif “;

Sachant qu’il s’en déduit que le contrat ne comporte pas la définition précise de son motif, que les mentions susvisées ne permettent pas, par ailleurs, de retenir son caractère temporaire alors qu’il est conclu dans le cadre du développement de la marque Roger Vivier commercialisée par la société TOD’S FRANCE, soit pour les besoins de l’activité normale et permanente de l’entreprise et non au regard d’un accroissement temporaire d’activité laquelle reste en tout état de cause injustifiée, que d’ailleurs, l’avenant contractuel du 1er juillet 2011, en mentionnant  que les fonctions de styliste restent inchangées,  vise la pérennité de la relation d’ores et déjà instituée,   le contrat du 10 janvier 2011 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Une indemnité d’un montant de 13 875,95 euros est allouée à Madame X sur le fondement de l’article  L 1245-1 du code du travail.

3) Nullité du statut de cadre dirigeante de la styliste senior

Aux termes du contrat de travail et de ses avenants outre de l’organigramme de la société produit et non démenti, Madame X était hiérarchiquement rattachée à Madame C, directrice générale de la marque, qu’elle exerçait ses fonctions selon les instructions du directeur artistique et studio coordinateur et de ses autres supérieurs hiérarchiques,  l’attestation de Monsieur Bruno A en date du 20 juin 2014 ainsi que les courriels de travail produits ( pièces 37, 38), 43) outre les attestations de Madame E et Madame C ( pièces 23, 24) produits par l’employeur confirmant que l’intéressée ne développait des prototypes et modèles  que sous réserve de l’appréciation et de la confirmation du directeur artistique et ne disposait pas de la capacité de prendre des décisions de façon autonome, ses créations s’insérant par ailleurs dans des recommandations Merchandising de l’entreprise;

Il résulte par ailleurs de courriels produits aux débats par Madame X  que l’intéressée sollicitait le cas échéant des autorisations d’absence de Madame C et de Monsieur A (pièce 34) , que son agenda de réunions était fixé compte tenu de la disponibilité de la directrice générale ( pièce 35) ou d’autres collaborateurs ( pièce 45.3), que ses frais de déplacement faisaient l’objet d’une autorisation préalable ( pièce 47.2 bis), éléments ne permettant pas de retenir son indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et de son travail.

Dès lors et sachant que ces éléments justifient du défaut de participation de Madame X à la direction de l’entreprise, il convient de faire droit à la demande de l’intéressée visant à voir prononcer la nullité de son statut de cadre dirigeant, le jugement de première instance étant infirmé de ce chef.

   4) La styliste obtient un rappel d’heures supplémentaires, des dommages intérêts pour violation du repos hebdomadaire,  des dommages intérêts pour non-respect du repos compensateur

Madame X fait valoir que ses heures de travail étaient au minimum de 9h à 19h30, que ses journées pouvaient être bien plus longues alors qu’elle était toujours en déplacement en Italie à l’atelier, en présentation de collections ou  pour la Fashion Week, qu’elle travaillait également les week-ends;

Étant observé, dans les termes opposés par l’employeur, que les temps de trajet de Madame X pour se rendre de son domicile à son lieu de travail n’ont pas à être rémunérés comme un temps de travail effectif, qu’aucun élément n’est fourni justifiant de la matérialité de travaux de recherche et de “sketching” ( activité de croquis) le week end , il y a lieu, sans autres éléments justificatifs cependant apportés par l’intimée et au regard de ceux fournis par la salariée, de condamner la société TOD’S FRANCE à payer à cette dernière une somme de 90 710,63 euros outre 9071,06 euro brut pour la période du 12 juillet 2011 au 14 février 2014 sur la base de 994 heures supplémentaires effectuées soit sur instructions de l'employeur ou à tout le moins avec son accord implicite pour faire face à la réalisation de sa mission;

Elle produit aux débats un décompte journalier de ses horaires de travail entre le 4 juillet 2011 et le 2 mars 2014, un relevé de ses vols et comptes Air France entre le 22 novembre 2011 et le 13 décembre 2013, divers mails de travail justifiant d’échanges relatifs à son travail à des heures tardives;

Au regard de l’irrespect  des dispositions relatives au contingent annuel d’heures supplémentaires se déduisant des éléments susvisés, il convient par ailleurs de condamner la société TOD’S FRANCE à payer Madame X la somme de 26822,32 euros à titre de dommages-intérêts pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 compte tenu  du préjudice matériel résultant du défaut de leur prise en compte;

Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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