Comment répondre à l’administration qui notifie au dirigeant des revenus distribués ou « réputés distribués » ?
Il s’agit du cas, assez fréquent, d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés. (SARL, EURL, SAS, SASU …)
Faisant suite au contrôle fiscal de la société, l’administration notifie au dirigeant, en tant que revenus des « revenus distribués », en application de l’article 109-1-1° du Code Général des Impôts.
Cependant, les sommes ainsi qualifiées et notifiées peuvent ne pas avoir été encaissées par le dirigeant.
L’article 109-1-1° considère comme revenus distribués :
« Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ».
Dès lors que l’administration a notifié des redressements à la société et que ces rappels ont entrainé la taxation d’un bénéfice, la mise en oeuvre de l’article 109-1-1°. du CGI permet à l’administration de faire naître à l’encontre du dirigeant une dette fiscale distincte de celle qui vise la société.
La mise en œuvre de la présomption qui résulte de l’article 109-1-1° est complexe.
Un exemple aide à comprendre l’article 109-1-1° :
- Vous êtes dirigeant et actionnaire unique d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés.
- Celle-ci exerce une activité de production ou de vente.
- Lors du contrôle fiscal de votre société, l’administration a mis en évidence qu’une partie des recettes de la société n’ont pas été comptabilisées.
A l’issue du contrôle, l’administration notifie à votre société les redressements qui correspondent aux recettes omises.
Dans le même temps, l’administration fiscale considére que les recettes non comptabilisées sont forcément quelque-part.
L’administration constate également que le bénéfice correspondant à ces recettes non déclarées n’a fait l’objet d’aucune affectation en assemblée générale.
L’administration applique en conséquence la présomption de l’article 109,1,1° du Code général des impôts, qui veut que soient considérés comme distribués :
« Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ».
Les recettes non comptabilisées par l’entreprise sont alors considérées comme une sorte de distribution fictive, imposable au nom du bénéficiaire, c’est-à-dire du dirigeant de l’entreprise.
Néanmoins, pour que l’administration puisse procéder à des redressements sur ce fondement, un certain nombre de conditions doivent être remplies et l’administration fiscale doit également apporter la preuve que vous avez effectivement appréhendé les sommes en cause, à notre avis.
En premier lieu, il est très important d’avoir conscience que la présomption de distribution de l’article 109, 1, 1° du CGI n’est opposable qu’à la société contrôlée.
Cela implique que des bénéfices qui n’ont pas été « mis en réserve ou incorporés au capital » ne suffit pas pour imposer qui que ce soit.
Partant de ce constat, il est possible de répondre à l’administration.
- En contestant l’appréhension par le dirigeant des sommes en cause.
La présomption de l’article 109, 1, 1° du CGI ne suffit pas, à elle seule, pour imposer qui que ce soit.
Elle n’est opposable qu’à la seule société.
La présomption induit uniquement que les sommes en cause ont été distribuées à quelqu’un.
Mais elle n’implique pas nécessairement que ce « quelqu’un » soit le dirigeant.
L’administration fiscale doit apporter la preuve de l’appréhension des distributions par le dirigeant et elle dispose en la matière d’une arme puissante :
- La présomption induite par l’éventuelle qualité de « maître de l’affaire ».
Le maître de l’affaire
Le maître de l’affaire est la personne qui exerce la responsabilité effective de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.
Une fois celui-ci identifié, l’administration peut considérer qu’il a effectivement appréhendé les sommes réputées distribués.
La définition du maître de l’affaire repose sur un faisceau d’indices :
- La détention du capital social,
- L’exercice d’un mandat social,
- La procuration sur les comptes,
- La direction de fait de la société,
- Etc.
Cette présomption joue y compris lorsque l’administration n’est pas en mesure d’apporter la preuve d’un quelconque flux financier depuis la société vers le maître de l’affaire.
Face à cette présomption, si vous êtes ou si vous ne pouvez pas contester être « le maître de l’affaire », il ne reste qu’une seule possibilité, à notre avis.
Apporter la preuve irréfutable que les sommes que l’administration considère comme distribuées sont restées investies dans l’entreprise.
Cette preuve pourra ainsi être apportée par la production d’un compte bancaire, prouvant que les recettes non déclares ont été encaissées sur le compte bancaire de la société et y sont toujours à l’issue de la période contrôlée.
Cette issue impliquera probablement un contentieux fiscal qui devra démontrer l’encaissement des recettes non déclarées sur le compte bancaire de l’entreprise et le maintien de ces mêmes sommes sur le même compte bancaire à l’issue de la période vérifiée.
Il convient en effet de contester l’existence de la présomption de distribution.
La jurisprudence refuse d’établir un lien automatique entre un rehaussement de bénéfices imposables et une nécessaire distribution de ces bénéfices.
En effet, le juge de l’impôt vérifie, au cas par cas si le type de rehaussement intervenu au sein de la société doit ou non entraîner une présomption de distribution.
Des exemples permettent d’illustrer ce principe :
Premier exemple :
Les dépenses de l’entreprise sont en principe enregistrées en charge ou en immobilisation.
La charge est immédiatement déductible, tandis que l’immobilisation peut seulement, dans certaines circonstances, donner lieu à amortissement sur plusieurs exercices.
L’inscription en charge de l’achat d’un actif qui aurait dû être immobilisé, entraîne l’administration à redresser la base imposable.
Dès lors que le redressement se traduit par un bénéfice imposable au niveau de la société vérifiée, l’application de l’article 109, 1, 1°, implique la mise en œuvre de la présomption de distribution.
Dans sa décision CE, 5 décembre 1984, n°46962, le conseil d’Etat refuse l’application de la présomption ; il considère à juste titre que cette simple erreur dans la passation des écritures comptables n’a donné lieu à aucune sortie indue du patrimoine de la société au bénéfice d’un tiers.
Second exemple :
Dans une autre décision CE, 29 septembre 1989, n°75304, le vérificateur ayant constaté une minoration de la valeur du stock à la clôture de l’exercice, un redressement a été notifié.
Cela entraîne la constatation d’un bénéfice imposable, qui permet la mise en œuvre de la présomption de distribution de l’article 109, 1, 1° du CGI.
Le Conseil d’Etat refuse la présomption de distribution car il considère qu’une mauvaise évaluation du stock ne signifie pas une appréhension de ce stock ou des revenus qui seraient issus de sa vente.
On constate, dans ces deux exemples, que le Conseil d’Etat fait une application raisonnée et raisonnable de la présomption de distribution de l’article 109.1.1° du CGI.
Il considère, à juste titre à notre avis, que la présomption de distribution de l’article 109, 1, 1° du CGI est loin d’être aussi implacable que la lettre du texte le laisse supposer.
La présomption ne joue que lorsque le redressement induit un désinvestissement effectif.
Dans le cas contraire, la présomption ne saurait jouer.