L'abolition des obligations procédurales du droit de la presse causes de nullité des procédures

Publié le 13/12/2016 Vu 4 990 fois 0
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Qu'est ce qui justifie à l'heure du web que les actions en diffamation ou injure soient nulles pour vices de procédure ?

Qu'est ce qui justifie à l'heure du web que les actions en diffamation ou injure soient nulles pour vices de

L'abolition des obligations procédurales du droit de la presse causes de nullité des procédures

Les abus de la liberté expression sont sanctionnés par les textes comme des fautes particulières, selon la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 

En effet, le droit de l'expression en ligne et ses limites sont gouvernés essentiellement par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui traite des "délits de presse" tels que la provocation aux crimes ou délits suivis d'effet ou non suivie d'effet, la diffamation, l'injure, l'outrage, la contestation de crime contre l'humanité commis lors de la Seconde guerre mondiale, etc ...

Les abus de la liberté d'expression sont des délits pénaux essentiellement jugés devant le tribunal correctionnel.   

De plus, afin de favoriser la liberté d'expression, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a institué un régime procédural original avec :

  • des exigences élevées de formalisme à peine de nullité.

Ce régime comprend de nombreux vices, failles et pièges essentiellement favorables à la personne poursuivie et défavorables pour les victimes d'atteinte à leur réputation. 

Ainsi, la répression des délits de presse, doit respecter un certain nombre d'obligations procédurales dont le non-respect entraîne la nullité absolue de la procédure, sans possibilité de correction ni de recours. 

Il s'agit en théorie comme en pratique du régime légal le plus sévère en matière de procédure contentieuse. 

Une faute, un oubli, une erreur matérielle, un guillemet ou un soulignage en trop dans le texte de la poursuite  entraîne la nullité de toute la procédure et l'impossibilité de poursuite à nouveau par la suite compte tenu du régime des cours délais de prescription, délais devenus anormalement court, surtout quand le support de l'infraction est indélébile sur internet.  

De surcroît, la répression des délits de presse suppose que la victime mette en œuvre l'action publique en lieu et place du ministère public (le procureur de la république). 

En effet, le ministère public ne peut se saisir d'office sans la plainte préalable de la victime.

La victime doit donc déposer une plainte avec constitution de partie civile, sans avoir à déposer préalablement une plainte simple. 

Elle peut aussi procéder par citation directe, c'est-à-dire en saisissant directement le tribunal. 

Les victimes de la majorité des délits de presse doivent donc mettre seules en mouvement l'action publique. 

Toutefois, tel qu'indiqué précédemment, la validité des plaintes  pénales avec constitution de parties civiles devant le doyen des juges d'instruction et les citations directes devant le tribunal correctionnel supposent que soient respectées à la lettre les exigences posées par la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la jurisprudence.

Les actes d'instance doivent ainsi notamment : 

  • faire élection de domicile dans la ville où siège le tribunal saisi (lieu du tribunal) ;

  • être notifiés au ministère public comme au prévenu ;

  • qualifier juridiquement le délit pénal poursuivi (les règles sont nombreuses et vicieuses. Par exemple : en cas de diffamation + injure, seule la diffamation doit être poursuivie et visée. Autre exemple : dans certains cas des propos sont susceptibles d'être à la fois une diffamation et une injure, mais, il faut choisir entre les deux) ;

  • caractériser les éléments légaux de l'infraction reprochée (le rédacteur de l'acte de poursuite veillera à cet égard à faire attention au surlignage et au caractère gras utilisés) ;

  • indiquer le texte visé (en fait et en droit : attention à n'oubliez aucun article ni alinéa).

En droit pénal, comme en droit de la presse, le défendeur, le prévenu ou la personne mise en cause doit pouvoir, au nom des droits de la défense, être en mesure de connaître ce qu'on lui reproche dès la réception de la citation pour lui permettre de préparer utilement sa défense. 

La citation ou la plainte fige définitivement l'étendu du débat et le juge est lié par la qualification de la citation, du réquisitoire introductif ou de la plainte avec constitution de partie civile de la victime. 

Cette sévérité du régime de la procédure de poursuite des auteurs de propos diffamatoires ou injurieux est un obstacle préjudiciable pour les victimes de ces infractions dont le droit à indemnisation est limité. 

Cette sévérité ne se comprend pas davantage à l'heure du web généralisé et indélébile à défaut pour les victimes d'avoir demandé la suppression des contenus illicites dans le délai de prescription de trois mois ou d'avoir pu obtenir leur suppression par les sites internet concernés.  

A titre d'exemple du caractère dépassé du régime actuel applicable en matière d'abus de la liberté d'expression, les délais imposés aux juridictions pour statuer ne sont jamais sanctionnés 

En effet, la loi de 1881 impose un délai variable entre la citation et la comparution qui doit être calculé selon un délai fixe de vingt jours entre la citation et la comparution auquel s'ajoute un délai d'« un jour par cinq myriamètres de distance » entre le tribunal et le domicile du prévenu.

Le myriamètre est une unité de distance créée en 1793, correspondant à 10 kilomètres.

De même, le délai d'un mois pour rendre leur décision imposé aux juridictions n'est assorti d'aucune sanction et n’est donc jamais sanctionné. 

Par ailleurs, d'autres dispositions légales imposent davantage d'obligations procédurales à respecter au plaignant à peine de nullité. 

Telle celle du code de procédure pénale qui conditionne la validité de la plainte avec constitution de partie civile de sociétés victimes d'atteinte à leur réputation à la production de leurs bilan et compte de résultat au moment de leur plainte.  

Ainsi une myriade de dispositions légales s'ajoutent et se cumulent afin de rendre difficile les actions et incompréhensible la protection des auteurs d'infractions en ligne à l'heure du web généralisé. 

Si tout le système et la procédure ne sont pas peut être pas à revoir, un régime procédural aménagé en considération des fautes et des enjeux s'impose. 

La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de présomption d'innocence et les droits des victimes qui a supprimé les peines d'emprisonnement de la plupart des délits de la loi de 1881 supprime tout le caractère utile de ce type de procédure sur le plan répressif. 

Une véritable réflexion de fond est donc à mener sur le régime procédural applicable à la poursuite des abus à de liberté d'expression en déterminant d'abord s'il convient de leur conserver un caractère pénal ou bien ce sont des fautes de nature civile. 

Cette réflexion s'est déjà posée. 

La procédure est ainsi à cheval entre le droit pénal et le droit civil. 

En effet, chose rare en droit, la victime peut agir par une action devant le juge civil ou le juge pénal, au choix et sur le même fondement de la violation de la loi sur la liberté de la presse. 

Pourtant, l’exception à l'exception, l'action en justice qui viserait le code civil serait nulle même devant le juge civil. 

Internet doit nous conduire pour le bien et l'éducation des consciences à nous reposer la question du droit de la responsabilité en cas d'abus de la liberté d'expression en ligne ou de délits commis en ligne en cas de messages d’apologie du terrorisme , de contestation de crimes contre l'humanité, de propos racistes, antisémites, homophobes, diffamatoires, injurieux, dénigrants, de provocation à la discrimination ou à la haine en raison de l’origine, de la religion ou de l’orientation sexuelle, de provocation aux crimes ou délits suivis d'effet ou non suivie d'effet, l'outrage, la contestation de crime contre l'humanité commis lors de la Seconde guerre mondiale, etc ...

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Anthony Bem
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