L’article 314-1 du Code pénal définit l'abus de confiance comme :
« le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».
L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende.
Selon la jurisprudence, il y a détournement lorsque l'usage manifeste une interversion de titre au sens du droit civil, c'est à dire tout acte matériel manifestant sans équivoque la volonté du détenteur précaire de se comporter comme le propriétaire de la chose.
Le délit pénal est constitué si les trois conditions suivantes sont remplies : un détournement (1), un préjudice (2) et une intention frauduleuse (3).
Nous envisagerons donc successivement ci-après chacune de ces conditions puis les conditions jurisprudentielles permettant aux employeurs de se prévaloir des détournements de fonds opérés par leurs salariés afin de pouvoir les licencier pour faute (4).
1) Le détournement fautif
Le détournement suppose nécessairement un accord de volonté préalable entre le propriétaire des biens ou des sommes détournées et une personne en qui la confiance a été placée et qui s'était engagée moralement ou restituer la chose confiée ou en faire un usage déterminé.
S'agissant par exemple des salariés ou des employés, cet usage déterminé découle du contrat de travail et de la mission qui lui était confiée au sein de la société.
Le code pénal ne dresse plus de liste de contrats de sorte que les remises non contractuelles dès lors qu'elles sont suivies d'un accord pourraient aussi faire l'objet de poursuites pénales sur le fondement de l'abus de confiance.
Le détournement suppose aussi une remise certaine, volontaire et précaire de la chose par son propriétaire.
En effet, à défaut de remise volontaire et en cas de remise involontaire, il s'agira alors d'un vol ou d'une extorsion mais pas d'un abus de confiance.
En outre, la remise doit être précaire puisque le contrat ne doit pas emporter transfert de propriété.
Le détournement peut concrètement consister en la destruction de la chose prêtée, de sa dissipation ou de tout acte de disposition sur celle-ci et peut prendre plusieurs formes différentes telles que :
- L'usage abusif de mauvaise foi de la chose confiée,
- L'usage non-conforme de la chose confiée à l'usage auquel était destinée la remise ;
- Le retard intentionnel dans la restitution de la chose confiée ;
- Le refus volontaire de restituer la chose détournée ;
- L'impossibilité de restituer la chose détournée du fait de sa destruction, dissipation, ou pour quelque cause que ce soit du fait d'un acte de disposition.
2) Le préjudice
La chambre criminelle de la cour de cassation a posé une jurisprudence aux termes de laquelle le préjudice est « réalisé dès lors que le propriétaire est privé de ses droits sur la chose » (Cass. Crim., 15 mai 1968).
Ainsi, il existe une présomption d'existence de préjudice qui entraine un renversement de la charge de la preuve et oblige le prévenu à établir la preuve selon laquelle le propriétaire ne serait pas privé de ses droits sur la chose.
3) L'intention frauduleuse
La jurisprudence considère de manière constante que « l'intention frauduleuse peut se déduire des circonstances retenues par le juge, l'élément intentionnel étant nécessairement inclus dans la constatation de détournement »
Ainsi, de l'acte matériel du détournement découlera la conscience de la précarité de la détention, la conscience de l'obligation de restitution et la volonté de contredire les droits du propriétaire sur sa chose.
4) Conditions jurisprudentielles permettant aux employeurs de se prévaloir des détournements de fonds opérés par leurs salariés afin de les licencier pour faute
Le 2 février 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser les conditions dans lesquelles les employeurs pouvaient valablement se prévaloir des détournements de fonds opérés par leurs salariés afin de les licencier pour faute (Cass. Soc., 2 février 2011, n° de pourvoi: 09-43146)
En effet, pour mémoire, la chambre sociale de la cour de cassation a déjà jugé que
- toute lettre de licenciement doit être motivée de façon précise par l'employeur sur les causes du licenciement du salarié (Cass. Soc., 17 janvier 2006, n° de pourvoi : 04-40740) ;
- les motifs invoqués lient l'employeur qui ne pourra pas les modifier ou les compléter par la suite (Cass. Soc., 21 mars 2007, n° de pourvoi : 05-45060).
L’arrêt du 2 février 2011 adapte ces principes aux cas particuliers des détournements de fonds.
En l'espèce, une salariée engagée par une association en tant qu'adjointe d'économat, a été mise à pied puis licenciée pour faute grave suite à des détournements de fonds qu’elle avait pratiqué dans le cadre de son emploi.
La salariée a contesté son licenciement devant le juge des prud’hommes en soutenant que le reproche qui lui était fait d'avoir détourné des fonds à l'aide de chèques ne pouvait pas justifier son licenciement à défaut d’avoir expressément était stipulé dans sa lettre de licenciement.
Pour cause, les détournements de fonds avaient été découverts par l’employeur après la rupture du contrat de travail.
En appel, les juges ont considéré qu’à défaut d’avoir été contenus dans la lettre de licenciement le grief du détournement ne pouvait pas être invoqué par l’employeur de sorte que le licenciement devait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Haute Cour a censuré l’arrêt d’appel en jugeant que :
« en statuant ainsi, alors que l'employeur reprochait à Mme Y...d'avoir eu un rôle actif dans le système mis en place pour le détournement de fonds au préjudice de l'association, la cour d'appel, qui devait examiner l'ensemble des motifs invoqués par l'employeur, a violé le texte susvisé ».
Ainsi, les juges de cassation considèrent que le reproche fondé sur les détournement de fonds ne se fondait pas que sur l'utilisation de chèques - faits découverts postérieurement au licenciement - mais aussi sur le fait pour la salariée d'avoir fait prendre à la charge de l'association des frais de déplacement qui ne la concernaient pas.
Ainsi, implicitement pour la cour de cassation, la salariée ayant eu un rôle actif dans l'ensemble du système mis en place pour détourner des fonds au préjudice de l'association, son licenciement avait donc une cause réelle et sérieuse peu importe que ces griefs aient été mentionnés dans sa lettre de licenciement.
Ainsi, la jurisprudence sociale de la cour de cassation permet aux employeurs de se prévaloir des fautes commises par leurs salariés au cours de leur fonction, et ce, indépendament du fait que ces fautes aient été expressément listées ou citées dans leur lettre de licenciement.
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Anthony Bem
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