La liberté d'expression est considérée comme l'un des fondements de la société démocratique par la cour Européenne des droits de l'Homme et est protégée à ce titre par l'article 10 de la convention Européenne des droits de l'Homme qui pose pour principe que :
« toute personne a droit à la liberté d’expression. »
En France, la liberté d'expression est protégée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Cette liberté d'expression s’applique aussi dans le monde du travail, mais de façon plus encadrée.
En effet, le principe de la liberté d'expression est posé à l'article L1121-1 du Code du travail qui dispose que :
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
De plus, la cour de cassation juge que :
« Le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. L'exercice de la liberté d'expression ne peut donc constituer une faute qu'à la condition d'avoir dégénéré en abus ». (Cour de Cassation,Chambre sociale, 21 septembre 2011 référence RG°09-72054).
L'abus de la liberté d'expression constitue ainsi une limite à la liberté d'expression du salarié tant au sein de l'entreprise qu'en dehors de celle ci.
Selon la jurisprudence, un abus est commis par le salarié lorsque celui-ci tient des propos injurieux, diffamatoires, vexatoires ou excessifs. (Cour de Cassation, Chambre sociale, 19 février 2014, référence RG°12-29.458).
Ainsi, lorsqu’un salarié tient des propos jugés abusifs à l'égard de son employeur, son licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Or, l'abus n'est pas toujours évident et les salariés jouissent de droits.
A titre d'exemple, la cour de cassation a jugé que le fait pour un salarié de mettre en ligne sur un site internet extérieur à l'entreprise deux articles qui dénoncent le comportement de l'employeur à l'égard d'un collègue qui avait été licencié n'est pas constitutif d'un abus.
La Haute Cour a ainsi considéré que :
« le fait pour un salarié de s'interroger, dans le cadre d'une situation de conflit et par la voie d'un site internet revêtant un caractère quasiment confidentiel, sur le licenciement de l'un de ses collègues, sans que les propos incriminés soient injurieux ou vexatoires, n’excédaient pas les limites de la liberté d'expression ». (Cour de Cassation, chambre sociale 6 mai 2015, référence RG°14-10.781).
Dans une autre affaire, la cour de cassation a pu retenir l'abus et conforté l'employeur qui avait licencié pour faute grave un salarié, cadre dirigeant qui « avait avait diffusé auprès du personnel des informations qu'il détenait en sa qualité de membre du conseil d'administration, dans le seul but de contester les décisions prises par ce conseil en opérant une confusion entre les obligations de sa fonction et ses aspirations personnelles déçues ». ( Cour de Cassation, chambre sociale, 14 janvier 2014, référence RG N° 12-25.658).
Pour conclure, la frontière entre une opinion vigoureusement exprimée mais licite et l’abus est difficile à délimiter.
En tout état de cause, les salariés disposent d'une liberté d'expression protégée sur et hors leur lieu de travail et bénéficient en pratique d’un courant jurisprudentiel favorable, dont témoigne l’important contentieux relatif à la liberté d'expression au travail.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com