Pour mémoire, il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler, moyennant rémunération, pour le compte et sous la subordination d’une autre.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent toutefois être apportées.
A cet égard, l’article L. 1121-1 du code du travail dispose que :
"Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité de directeur commercial puis a été licencié pour faute lourde son employeur lui reprochant les termes d’une lettre, cosignée par trois collègues et adressée aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère.
La lettre de licenciement justifiait le prononcé de la rupture pour faute lourde par l’intention malveillante dont le salarié avait fait montre en rédigeant et envoyant, avec le concours d’autres salariés placés à des niveaux hiérarchiques et stratégiques élevés, un courrier visant à obtenir l’isolement et la révocation de leur président, dont ils contestaient la gestion.
Le salarié a contesté son licenciement et saisi la juridiction prud’homale de demandes d’indemnités au titre de la rupture, ainsi que de rappels de salaire pour heures supplémentaires.
L’employeur reprochait au salarié d’avoir tenu des propos qui :
- dépasse les standards habituels de communication au sein d’une entreprise,
- décrit de façon tendancieuse des situations qui s’apparentent à des actes de malveillance,
- fait une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l’entreprise,
- répand des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation de ses salariés,
- et manifeste l’intention de ses auteurs de mettre en cause et déstabiliser son président.
La cour d’appel a déqualifié la faute lourde du salarié en faute grave et jugé que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave et non sur une faute lourde.
Bien que les juges d’appel aient considéré que les termes de la lettre litigieuse ne sont pas injurieux, ils ont estimé que :
- les termes employés tels que « décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l’entreprise », comme ceux de « désordre interne, détournement, abus d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » n’en sont pas moins violents et dénués de nuance ;
- « leur usage a pour seule finalité de caractériser l’incurie et l’impéritie du président de la société »,
- le courrier litigieux « dépasse les standards habituels de communication au sein de l’entreprise, décrit de façon tendancieuse des situations qui s’apparentent à des actes de malveillance, fait une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l’entreprise, répand des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation des salariés et manifeste l’intention de ses auteurs de mettre en cause et de déstabiliser son président » ;
- « ce comportement est d’autant plus fautif qu’il est le fait de cadres supérieurs disposant d’une large autonomie et d’une autorité non négligeable dans l’entreprise qui s’adressent directement et collectivement aux nouveaux actionnaires du groupe ».
La cour de cassation a posé le principe selon lequel : « sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ; qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ».
Dans ce contexte, la cour de cassation a fait une application stricte du droit en jugeant « Qu’en statuant ainsi, alors que la lettre litigieuse, adressée aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Il résulte de cette décision que le fait pour un salarié de dénoncer à ses supérieurs, de façon interne au groupe auquel appartient la Société dont il dépend, des dysfonctionnements au sein de l’entreprise ne peut constituer une faute grave justifiant valablement son licenciement.
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Anthony Bem
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