Le 19 mars 2014, la Cour de cassation a jugé que le délai d'un an pour l'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude se prescrit non pas au jour de la faute imputée au donataire mais au jour où une condamnation pénale définitive établit définitivement la réalité de ce fait. (Cass. Civ. I, 19 mars 2014, N° de pourvoi: 13-15662)
En l'espèce, par un acte passé devant Notaire, Madame X a donné des parts sociales à son fils, Monsieur Y.
Cependant, par la suite, ce dernier a commis des actes violences sur sa mère et a été condamné de ce chef par un tribunal correctionnel.
Aux termes d'une assignation en justice, Madame X a sollicité des juges la révocation de la donation qu'elle regrettait d'avoir faite au profit de son fils ingrat.
Le bénéficiaire de la donation invoquait en défense que l'action en révocation de la donation de sa mère était prescrite.
Selon lui, l'action en révocation de la donation devait être exercée dans l'année qui a suivi le jour de l'agression, nécessairement connu de la donatrice puisque commis sur sa personne.
Se posait ainsi la question de savoir si le délai de prescription d'1 an de l'action en révocation pour cause d'ingratitude devait courir à compter :
- des faits d'ingratitude, tels que des faits de violences,
- ou de la décision de justice qui condamne l'auteur pour ces faits.
À cet égard, pour mémoire, l'article 955 du code civil dispose que :
« La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :
1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;
2° S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;
3° S'il lui refuse des aliments ».
De plus, l'article 957 du code civil dispose que :
« La demande en révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.
Cette révocation ne pourra être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit ».
Sur ces fondements, les juges de première instance et d'appel ont considéré que l'action en révocation de la donation n'était pas prescrite et prononcé la révocation de celle-ci.
La cour de cassation a confirmé cette sanction en posant le principe selon lequel :
« l'article 957 du code civil, qui fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale établit la réalité de ce fait, c'est à dire au jour où elle devient définitive ».
Or, le fils bénéficiaire de la donation avait commis des violences sur sa mère le 21 mars 2010, et a été condamné par un tribunal correctionnel le 23 mars suivant.
Pour juger que l'action révocatoire avait bien été engagée dans le délai, les juges ont tenu compte de ce que « le point de départ du délai d'un an devait être reporté au jour où la condamnation pénale était devenue définitive ».
À toutes fins utiles, il convient de préciser qu'une condamnation pénale est définitive non pas au jour où elle est rendue mais à l'expiration du délai de recours en appel.
Autrement dit, lorsque le fait invoqué à l'appui de la demande en révocation d'une donation pour cause d'ingratitude est un délit, le point de départ du bref délai d'1 an pour agir en révocation ne correspond pas au jour du prononcé de la décision pénale ayant établi la réalité des faits reprochés au gratifié.
Par conséquent, le point de départ de prescription du délai de l'action en révocation est celui de la date d'expiration du délai de 10 jours pour interjeter appel du jugement du tribunal de correctionnel, lorsqu'aucune des parties n'a interjeté appel.
L'action en révocation des donations pour cause d'ingratitude des enfants doit donc être initiée rapidement par les parents sous peine d'irrecevabilité.
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Anthony Bem
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