L’usucapion ou prescription acquisitive est un moyen permettant au possesseur d’un bien d’en acquérir la propriété.
En effet, l’article 2258 du code civil dispose que :
« La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».
En outre, l’article 712 du même code dispose que : « La propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription ».
Ainsi, l’usucapion est une des différentes manières dont on acquiert la propriété d’un bien mobilier ou immobilier.
En pratique, l’usucapion est souvent envisagée en matière immobilière.
Toutefois, il convient de souligner que la prescription acquisitive immobilière est soumise à plusieurs conditions pour pouvoir être effective.
Avant tout, l’article 2261 du code civil dispose que : « pour pouvoir prescrire, il faut une possession ».
La possession est le fait d’exercer un pouvoir physique sur une chose et suppose l’existence de deux éléments constitutifs, à savoir :
- le corpus qui renvoie aux actes matériels accomplis sur la chose, tels que ceux que serait amené à accomplir un propriétaire ;
- l’animus qui renvoie au fait de posséder une chose en se comportant comme le véritable propriétaire de la chose.
Ainsi, l’animus exclut le locataire, qui ne peut posséder le bien immobilier qu’il loue à titre de propriétaire.
Compte tenu de ces éléments constitutifs, l’article 2261 du code civil précité exige que la possession présente l’ensemble des caractères de la possession utile, ce qui exige que la possession soit :
- continue et non interrompue (absence de discontinuité)
- paisible (absence de violence)
- publique (absence de clandestinité)
- non équivoque, et à titre de propriétaire (absence de doute sur l’origine et la manière de posséder comme le véritable propriétaire).
Ce caractère non équivoque est une condition essentielle de la possession en ce qu’il renvoie à l’animus.
En pratique, il est d’usage de faire rédiger un acte par un notaire, dit « acte de notoriété acquisitive », permettant de constater que les caractères de la possession utile sont bien remplis, mais ce n’est pas obligatoire.
Par ailleurs, en matière d’usucapion immobilière, le Code civil exige que la possession dure 30 ans.
Toutefois, ce délai de 30 ans peut être réduit à 10 ans, soit à une prescription dite « abrégée », seulement si le possesseur bénéficie de deux conditions supplémentaires, tels que :
- sa bonne foi (croyance légitime qu’il était propriétaire) ;
- un juste titre (titre qui aurait pu transférer la propriété du bien s’il émanait du véritable propriétaire).
Outre ces conditions préalables, l’acquisition de propriété par prescription nécessite obligatoirement une action en usucapion, par la voie de l’avocat du possesseur, devant le président du tribunal de grande instance afin d’être reconnue en tant que telle et de produire tous ses effets.
En effet, la loi ne permet pas au possesseur réunissant les conditions de l’usucapion de devenir propriétaire de plein droit.
Concrètement, la prescription invoquée permettra d’obtenir un jugement constatant l’existence de l’usucapion.
Le cas échéant, le jugement devra être publié à la conservation des hypothèques, permettant notamment de disposer d’un acte authentique et éventuellement pouvoir vendre le bien en tant que propriétaire reconnu.
Au cas par cas, il appartiendra aux juges de constater ou non l’existence de la propriété acquise par usucapion.
A cet égard, le 3 octobre 2012, la Cour de cassation a jugé que : « ayant souverainement retenu qu'il résultait des attestations produites la preuve que les actes de possession dont se prévalait M. X avaient été accomplis pendant plus de trente ans avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision (Cass. Civ. III, 3 octobre 2012, n°11-16405).
De plus, concernant la preuve de l’usucapion, il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2015 que l’acte de notoriété acquisitive d’un immeuble ne suffit pas à prouver l’usucapion et nécessite la preuve de l’usucapion dans tous ses éléments, tels qu’exposés précédemment (Cass, Civ III, 14 janvier 2015, n°13-22256).
Par ailleurs, il convient de rappeler que l’usucapion peut bénéficier à l’indivisaire cohéritier d’un immeuble en succession.
En effet, l’article 816 du code civil dispose que :
« Le partage peut être demandé, même quand l'un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis, s'il n'y a pas eu d'acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir la prescription ».
Autrement dit, le partage du bien indivis successoral n’est plus envisageable si l’un des indivisaires présente l’ensemble des caractéristiques de la « possession suffisante pour acquérir la prescription ».
Il est donc possible à l’indivisaire d’acquérir par usucapion l’intégralité du bien immobilier successoral.
En cela, l’usucapion d’un indivisaire est une exception au principe du partage de l’indivision.
A cet égard, il est de jurisprudence constante que l’indivisaire voulant acquérir la propriété du bien immobilier indivis doit prouver l’ensemble des éléments constitutifs de l’usucapion et notamment qu’il possède de manière exclusive et sans équivoque le bien indivis (Cass, Civ I, 10 décembre 1968 ; Cass. Civ. III, 5 mai 1982, n°80-10978).
De plus, l’arrêt de la Cour de cassation du 3 octobre 2012 précité est un exemple d’application du mécanisme de l’usucapion à l’indivisaire, déclarant que : «(…) les actes de possession dont se prévalait M. X avaient été accomplis pendant plus de trente ans avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire (…)».
En matière d’indivision, seule la prescription acquisitive de trente ans est applicable puisque la prescription abrégée de 10 ans, nécessitant un juste titre, est exclue dans l’hypothèse d’une indivision successorale.
Enfin, cette reconnaissance de propriété aura un effet rétroactif depuis l’origine de la possession, ce qui signifie que tous les actes de l’ancien possesseur seront considérés comme ayant été accomplis par le véritable propriétaire depuis le début de la possession.
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Anthony Bem
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