Depuis les années 2010, l’offre sur internet d’appartements et de studios à louer pour quelques nuits, notamment sur le site Airbnb, a explosé.
Or, ces locations de courte durée proviennent notamment de locataires eux-mêmes qui n’ont pas le droit de sous louer leur logement, ne serait-ce qu’une chambre.
En effet, le bail d’habitation est un contrat qui comporte plusieurs obligations à la charge du locataire, dont le paiement à échéance déterminée d’un loyer, celui des charges locatives, ou encore l’interdiction de la sous-location.
A cet égard, l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, indique que le locataire ne peut sous-louer le logement loué, sauf accord écrit du bailleur.
La location d’une chambre pour une seule nuit via une plate-forme internet entre particulier constitue une sous-location.
En revanche, le fait d’héberger un tiers au contrat de bail, comme ses parents, enfants ou des amis, à titre gratuit, n'est pas constitutif d'une sous-location prohibée.
En cas de sous-location faite sans l’accord du bailleur, ce dernier pourra demander en justice :
− la restitution des loyers perçu illégalement,
− l’expulsion du sous-locataire,
− des dommages et intérêts,
− la résiliation du bail.
Afin de prouver la sous-location de son bien sur internet, le bailleur ne peut pas valablement produire une simple impression d’écran car cela ne vaut pas preuve en matière d’internet.
Le bailleur doit établir la sous-location par la production d’un constat sur Internet réalisé par un huissier de justice et selon un formalisme jurisprudentiel rigoureux.
Surtout, il convient de souligner que plusieurs décisions de justice ont été rendues favorablement au profit du locataire.
Ainsi, les juges du fond ont eu l’occasion de juger que la sous-location illégale d’un logement sur une plate-forme internet entre particuliers n’emportait pas pour autant la résiliation du contrat de bail d’habitation.
Dans une affaire jugée le 13 février 2014 par le Tribunal d’instance du 9ème arrondissement de Paris, le tribunal a estimé que :
« Monsieur X a manqué à ses obligations, mais que les manquements établis à son encontre, aussi sérieux qu’ils soient, ne justifient pas, au moins en l’état, le prononcé de la résiliation du bail, à charge néanmoins pour lui de considérer la procédure comme valant avertissement solennel » (Tribunal d’instance du 9ème arrondissement de Paris, 13 février 2014).
Concrètement, même si le locataire a procédé à une sous-location de chambres de son appartement pendant des mois, sans l’accord écrit du bailleur, le juge a considéré que la sanction ne devait pas être la résiliation du bail.
Le locataire a eu un simple rappel à l’ordre en guise d’avertissement.
Dans une autre affaire, le Tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris a jugé, le 9 mai 2017, que la sous-location illégale d’un logement social ne justifiait ni la résiliation du bail ni l’expulsion du locataire car dès la réception du constat d’huissier constatant la sous-location via internet, le locataire a immédiatement retiré l’annonce du site Airbnb (Décision du Tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris, 9 mai 2017).
De plus, le tribunal a rejeté la demande de règlement de 5000 € de dommages-intérêts formulée par le bailleur social à l’encontre du locataire, à défaut d’avoir rapporté la preuve de la réalité et du quantum du préjudice allégué.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que le locataire n’est pas automatiquement sanctionné en cas de sous-locations de son logement pratiquée via internet, sans l’autorisation du bailleur et n’encourt pas obligatoirement la résiliation de son bail et le paiement de dommages et intérêts.
Enfin, le 6 février 2018, le tribunal d’instance du 6ème arrondissement de Paris a pour la première fois condamné la société Airbnb Ireland Unlimited Company à indemniser un propriétaire au titre de la sous-location de son bien par le locataire.
Au terme de cette décision, le propriétaire a reçu la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral, une somme de 1.664 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 1.869 euros en remboursement des fruits perçus de façon illicite.
Selon le tribunal Airbnb n’a pas respecté son obligation d’information du loueur sur la nécessité de disposer de l’accord du propriétaire et la durée maximum de location, qui ne doit pas dépasser plus de 120 jours par an.
Le tribunal a jugé que :
« En définitive, la société Airbnb a incontestablement manqué à ses obligations légales et a fourni au locataire le moyen de s’affranchir de ses obligations contractuelles sans que les agissements illicites de ce dernier soient de nature à exclure sa propre responsabilité ».
Il ressort de cette décision que les propriétaires dont leurs locataires pratiquent illégalement la sous-location de leur bien ou d’une chambre pour arrondir leur fin de mois pourront assigner en justice le site internet par lequel est diffusée l’annonce pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice.
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Anthony Bem
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