Le 14 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Nîmes a rendu une décision favorable au profit d’un des clients du Cabinet Bem, en annulant un cautionnement de la Banque Crédit Agricole.
Le dirigeant qui se porte caution du remboursement des crédits pris par sa société envers une banque peut-il faire annuler son cautionnement pour disproportion ?
Selon la Cour de cassation, la caution peut obtenir l'annulation de ses cautionnements conclus au profit d’une banque notamment lorsqu'ils se trouvent disproportionnés eu égard aux patrimoine et revenus de la caution.
L’analyse de la disproportion des cautionnements suppose, au préalable, l'appréciation de la situation financière et du patrimoine personnel de chaque caution, au cas par cas.
L'appréciation du caractère disproportionné de l'engagement de la caution au moment où celui-ci a été souscrit suppose d'intégrer tous les éléments d'actif patrimonial et de tenir compte de l'endettement global ou cumulé de la caution, y compris celui résultant des engagements de caution antérieurs.
Concrètement, la question de la disproportion des cautionnements nécessite que soit posée une équation mathématique de calcul de l'endettement personnel de la caution.
Seuls les éléments déclarés par la caution à la banque, lors de la souscription de chacun des cautionnements souscrits, sont en principe à prendre en compte pour le calcul de la disproportion.
La fiche de renseignement nécessite aussi une analyse approfondie de son formalisme et de son contenu, pour son éventuelle remise en cause lorsqu'elle comporte des informations patrimoniales erronées ou surévaluées, comme c'est souvent le cas en pratique.
La fiche de renseignement ne vaut pas fiche de renseignement lorsque les renseignements qui y sont mentionnés sont incomplets et/ou « anormaux ».
Pour mémoire, jusque dans les années 2010, il était quasiment impossible pour les cautions de se défaire de leurs engagements envers les banques en cas de recours en paiement de celles-ci par devant les juridictions.
Après les crises bancaires et des subprimes de 2008 et 2009, la jurisprudence a insufflé un vent de moralité dans les relations entre les banques et leurs clients, en appliquant notamment des dispositions du Code de la consommation aux cautions dirigeantes.
Pour mémoire, selon le Code de la Consommation "un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation".
En application de cet article, le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus.
Au travers de son combat pour la défense des cautions, le Cabinet Bem obtient de manière récurrente que des cautions soient déchargées de leurs obligations de garantie.
Le Cabinet Bem a contribué au développement de la jurisprudence en matière de cautionnement disproportionné au travers de la fixation mathématique de taux et limite de disproportion, pour la première fois, devant le Tribunal de commerce de Versailles, le 4 décembre 2013.
A l’instar d’autres juridiction, dans une autre affaire, le 14 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Nîmes a lui aussi repris le calcul et la présentation de la disproportion d’un cautionnement de la Caisse régionale de Crédit Agricole au profit d’une cliente du Cabinet Bem.
En l'espèce, en vertu du contrat de prêt immobilier conclu entre la Caisse régionale de crédit agricole et une SCI, sa gérante s'est portée caution pour dans la limite de 158.204,40 euros.
Malgré le peu de revenus de la caution, la banque ne s’est même pas renseignée sur son endettement et son patrimoine.
En effet, les juges ont aussi estimé que « si l'avis d'imposition laisse supposer que la caution peut être propriétaire d'un bien immobilier lors de son engagement, la banque ne fournit aucun élément de preuve sur ce point et il n'est pas établi qu'elle ait procédé à des investigations lors de l'acte de cautionnement ».
En outre, les juges ont relevé que « s'agissant des perspectives de développement de la SCI, la banque n'apporte aucun élément comptable ou chiffré permettant d'évaluer les gains escomptés de l'opération financière ».
Dans ce contexte, le tribunal de grande instance de Nîmes a jugé que :
« Il résulte de ces éléments que l'intégralité des revenus de Mme X est absorbé dans les charges annuelles de son emprunt des différentes cautions. Il est établi que, après déduction des charges, le cautionnement en date du 12 juillet 2004 représente 110% de ses revenus tels qu'ils sont établis par l'avis d'imposition de l'année 2004
Par conséquent, l'engagement de caution de Mme X présentait un caractère disproportionné lorsqu'il a été souscrit
Dès lors, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc est déchue de son droit de se prévaloir de l'engagement de caution souscrits le 12 juillet 2004 par Mme X ».
Par ailleurs, il est intéressant de relevé que la banque a tenté de justifier l’existence d’un patrimoine immobilier de la caution en produisant un relevé fourni par la direction générale des finances publiques service de la publicité foncière sur lequel elle apparaissait.
En vain, les juges n’ont pas été dupes puisqu’ils ont expressément relevé que la valeur de ce bien immobilier représentait moins de 10% du montant du cautionnement et que la banque ne justifiait pas de la valeur de ce bien.
Enfin, il convient de garder en mémoire que la disproportion des cautionnements n’est que l’un des multiples moyens de défense dont les cautions sont susceptibles d’invoqués lorsqu'elles sont appelées en garantie et en paiement des dettes de la société cautionnée.
L'analyse des conditions et des actes de cautionnement, le calcul du taux de disproportion des engagements de la caution et la défense des arguments techniques précités supposent qu'un avocat spécialisé en droit bancaire intervienne afin de tenter d'obtenir leur annulation, de manière amiable pour éviter un procès ou, à défaut, en cas de recours devant le juge par la banque.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
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