L’immatriculation d’une société au registre du commerce et des sociétés (RCS) est l’acte de naissance de la personne morale qui est seule de nature à lui conférer la personnalité juridique, c’est à dire une existence en droit.
Or, avant l’enregistrement d’une société, les dirigeants peuvent être amenés à conclure personnellement des actes au nom et pour le compte de celle-ci, comme par exemple des contrats de prêts bancaires.
Les actes sont en principe repris par la société une fois immatriculée au RCS selon un formalisme.
En effet, en application de l’article R. 210-5 du code de commerce, cette reprise des engagements d’une société en formation ne peut résulter que de la signature, par les associés, des statuts auxquels se trouve annexé un état des actes accomplis pour le compte de la société, ou d’un mandat donné par les associés avant l’immatriculation de la société à l’un ou plusieurs d’entre eux et déterminant, dans leur nature ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre ou encore, après l’immatriculation, d’une décision prise à la majorité, sauf clause contraire des statuts.
A défaut, et en application des dispositions de l’article L. 210-6 du même code, ce sont les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale qui restent tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis.
Cependant, la Cour d’appel de Pau a jugé le 6 décembre 2019 que l’emprunt cautionné contracté par une société en cours de formation doit nécessairement être repris par la société bénéficiaire ultime des fonds prêtés pour que la caution puisse valablement être appelée en garantie (CA Pau, 2e ch - sect. 1, 6 déc. 2019, n° 17/00801).
En l’espèce, la banque CIC a consenti à une société en cours de formation, un prêt destiné au rachat d’un fonds de commerce.
Le contrat de prêt bancaire a donc été signé par les associés de la société en formation pour le compte de celle-ci.
Les associés gérants de la société en cours de formation sont aussi intervenus à l’acte en qualité de cautions.
La société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans un délai de 15 jours à compter de la signature du contrat de prêt.
Néanmoins, en l’absence de remboursement du prêt, la banque a assigné l’un d’eux devant le tribunal afin d’obtenir sa condamnation au paiement en exécution de son engagement de caution.
La caution a invoqué en défense le fait qu’il n’y avait pas eu de reprise de l’engagement conclu au nom de la société en formation par le bénéficiaire réel de l’opération.
En effet, pour mémoire selon les dispositions de l’article 2292 du Code civil, « le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».
Les juges en déduisent que l’engagement de caution est nul lorsqu’il est subordonné à l’immatriculation d’une société en formation et en l’absence de reprise du prêt par la société.
Toutefois, l’engagement de caution déclarait que la caution s’engageait pour garantir une société « actuellement en formation».
Cependant, le nom de la société qui a ensuite été immatriculée ne correspondait pas exactement à celui de la personne morale désignée dans l’acte de caution.
Selon la caution, cette mention était de nature à entacher la validité intrinsèque de son engagement puisque le cautionnement précisait qu’il était donné à l’emprunteur désigné sous la condition suspensive de l’immatriculation de la personne morale garantie au registre du commerce et des sociétés.
Les juges ont estimé que « la volonté du législateur, telle qu’elle résulte des articles 2288 et suivants du Code civil et notamment de l’article 2292 ainsi que des dispositions de l’article L-341-2 du code de la consommation, est de faire en sorte, à travers le formalisme exigé, que la caution soit suffisamment informée de la nature et de l’étendue de son obligation ».
De plus, ils ont considéré que le fait que la société se soit acquittée des remboursements prévus pendant près de deux années, avant qu’elle ne connaisse les difficultés financières qui ont abouti à la procédure collective dont elle a fait l’objet, n’est pas suffisant à caractériser la reprise de cet engagement, contrairement à ce qui était affirmé par la banque.
La reprise du crédit accordé par la société en formation n’a donc pas été fait.
Dans ce contexte, la cour d’appel a jugé que la caution d’une société en formation ne peut être considérée comme ayant agi au nom de celle-ci avant qu’elle n’ait acquis la jouissance de la personnalité morale, de sorte que le cautionnement doit être annulé et la caution doit être considérée comme déchargée de son engagement de caution, « lequel est devenu sans effet ».
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Anthony Bem
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