Les cautions disposent de nombreux moyens de défense juridiques qui leur permettent de faire annuler ou réduire leur dette.
Si ces moyens de défense n’ont pas la même efficacité juridique, l’annulation de l’acte de prêt reste l’un des moyens de défense les plus efficace et utile pour les cautions poursuivies en paiement.
En réalité, il existe aussi plusieurs fondements juridiques distincts qui permettent d’obtenir l’annulation d’un cautionnement.
À titre d’exemple, le 17 Janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Strasbourg a libéré totalement et indemnisé une caution cliente du Cabinet Bem au titre de son engagement de garantie de remboursement de l’emprunt pris par une société.
L’annulation du cautionnement a pu être obtenue car l’acte de prêt principal a été conclu par la société en cours de formation, mais sans respecter le formalisme légal de la reprise des actes conclus par une société en cours de formation (Tribunal judiciaire de Strasbourg, 17 Janvier 2022, n°19/00147)
En l’espèce, la banque Crédit Mutuel a consenti à une société un prêt professionnel de 70.000 € garanti initialement par les engagements de caution des associés.
L’engagement de l’un des associés a été substitué par celui d’une autre caution suivant avenant.
La société emprunteuse a été placée en liquidation judiciaire et les cautions ont été mises en demeure de payer les sommes dues par celle-ci.
Aucune suite n’a été donnée à ces mises en demeures de sorte que la banque a saisi le Tribunal afin d’obtenir leur condamnation au paiement.
Pour s’opposer à la demande formée à son encontre, la caution a excipé notamment la nullité du contrat de prêt principal.
En effet, la société emprunteuse était en cours d’immatriculation au moment de la conclusion du prêt et a été immatriculée postérieurement à la conclusion à l’obtention du crédit.
Or, dans l’acte de prêt, c’est bien la société qui est désignée comme ayant la qualité d’emprunteur et non son gérant à titre personnel.
Il n’était nullement mentionné dans l’acte que le représentant légal signataire de l’emprunt a agi au nom et pour le compte de la société en cours de formation.
Or, la société emprunteuse n’avait pas encore d’existence juridique à cette date.
Le représentant légal de la société ne pouvait donc pas valablement représenter une société encore dépourvue d’existence juridique.
Le gérant pouvait uniquement agir en précisant expressément qu’il le faisait pour le compte de la société en formation.
Dans ce contexte, les juges ont considéré que :
« Le contrat de prêt a ainsi été conclu avec une personne dépourvue de la personnalité juridique de sorte qu’il est frappé de nullité absolue ».
La banque soutenait que l’acte avait été repris automatiquement par la société dès son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Toutefois, il résulte de l'article 6 du décret du 3 juillet 1978 et/ou des articles 26, 67 et 74 du décret du 23 mars 1967, que la reprise de ces engagements ne peut se faire que de trois façons, à savoir :
La signature par les associés des statuts comportant, en annexe, la liste exhaustive des actes accomplis (et des engagements pris) pour le compte de la société, l'immatriculation de cette dernière emportant alors reprise desdits engagements ;
Le mandat donné par les associés dans les statuts ou par acte séparé de prendre les engagements précis et déterminés, l'immatriculation valant également reprise ;
La décision sociale de reprise de tels engagements, adoptés postérieurement à l'immatriculation de la société.
Ainsi, le Tribunal a jugé que : « la référence générale à “des démarches bancaires” ou le fait de conférer des pouvoirs étendus au gérant sont insuffisant au regard de la précision requise, tant en ce qui concerne l’acte que ses modalités. »
Il ne peut être déduit des statuts que l’acte de prêt a été ratifié, repris automatiquement par l’immatriculation de la société.
Il en va de même s’agissant de l’avenant, celui-ci n’ayant fait que mentionner qu’il avait vocation à formaliser les nouvelle conditions pour le crédit souscrit antérieurement alors que, même s’il a été signé par l’ensemble des associés, encore faut-il que ceux-ci se soient exprimés en parfaite connaissance de cause, ce qui suppose que l'accord des associés provienne d'une décision spéciale et expresse et que le vote soit spécial, c’est-à-dire qu'il porte sur des actes parfaitement identifiés dont les dirigeants sollicitent la reprise après avoir communiqué tous les éléments d'information utile permettant d'apprécier les engagements qui en résulteraient pour la société ».
Tel n’était pas le cas en l’espèce.
La jurisprudence estime donc que le procédé s'apparentant à une reprise implicite des actes conclus, ou par l'exécution de ceux-ci, n’est pas valable.
Le tribunal rappelle à cet égard que :
« le formalisme imposé étant rigoureux dans un but de protection des associés et de la société contre une décision prise par le dirigeant, sur sa seule décision, au cours de la période constitutive. Il faut donc une véritable ratification, en pleine connaissance de cause, des actes passés pendant cette période.
L'engagement non repris dans les formes réglementaires n'est pas opposable à la société, et les personnes qui s'en sont portées caution sont, ipso facto, dégagées de leur garantie ».
En l’absence de cautionnement valable obligeant la caution à l’égard de la banque, la demande de cette dernière a été rejetée et la caution totalement libérée de son engagement.
Il ressort de cette décision que les cautions disposent de nombreux moyens de défense afin de faire annuler leur cautionnement et donc leur dette.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com