Pour mémoire, selon le Code de la consommation, la banque ne peut valablement se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La sanction de la souscription d’un acte de cautionnement disproportionné est sa nullité.
En pratique, la banque ne peut pas se prévaloir contre une caution d’un cautionnement disproportionné.
Autrement dit, la caution est déchargée de son obligation de garantie de remboursement si elle prouve que son cautionnement est disproportionné.
Ainsi, le 2 juillet 2020, la cour d’appel de Grenoble a annulé des cautionnements en raison de leur disproportion entre leur montant et la faiblesse de la faculté contributive de la caution (CA Grenoble, Chamb.com 2 juillet 2020, n° 18/03442).
En l’espèce, la banque Caisse d’Épargne a consenti à une société, deux prêts à hauteur de la somme de 125.000 €.
Par acte séparé, la banque a fait souscrire au président de la société deux engagements de caution personnelle et solidaire, l’un de 16.900 € et l’autre de 15.600 €.
Par la suite, cette société s’est retrouvée en redressement judiciaire.
Ainsi, la banque a déclaré ses créances au passif de la société débitrice afin de tenter de se faire rembourser les prêts accordés, tout en rappelant au président de la société, qu’il s’est porté caution du remboursement de chaque prêt.
Dans un premier temps, le Tribunal de commerce a jugé que les engagements de caution souscrits par le président, présentaient un caractère manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus au sens de l’article L341-4 du code de la consommation.
En effet, le caractère disproportionné d’un cautionnement doit être apprécié à la date de l’engagement, au regard des biens et revenus de la caution, ainsi que des engagements qu’elle a pu contracter et de ses charges.
Toutefois, il s’est avéré que les capacités de remboursements de la caution étaient largement insuffisantes.
La Caisse d’Épargne n’a produit aucun élément permettant de constater qu’à la date des cautionnements litigieux la caution était en mesure de pouvoir les régler.
En effet, la caution percevait un revenu mensuel de 1.400 € et avait aussi la somme de 407 € à régler mensuellement en remboursement d’un prêt personnel.
Dans ce contexte, les juges ont relevé que la capacité de remboursement de la caution était de moins de 1.000 € par mois, sans tenir compte des chargés liées à la vie courante.
Or, les juges ont relevé que le montant de l’échéance mensuelle de remboursement des prêts garantis par la caution était supérieur à 1.000 €, de sorte qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, la caution aurait été dans l’incapacité totale de payer.
En conséquence, la cour d’appel de Grenoble a annulé les engagements de caution du dirigeant poursuivi en paiement et débouté la Caisse d’Épargne de l’ensemble des prétentions formulées à l’encontre de ce dernier.
Les juges ont en effet estimé qu’« il appartenait à la Caisse d’Epargne de ne pas solliciter les cautionnements litigieux. Peu importe le fait que Monsieur X ait accordé d’autres garanties à d’autres établissements financiers antérieurement ou concomitamment, puisque ces omissions n’ont pas eu pour effet de modifier son incapacité à pouvoir faire face aux engagements litigieux du seul fait de l’absence de patrimoine et de l’insuffisance de ses revenus ».
Surtout, la cour d’appel a posé le principe selon lequel : « le caractère proportionné s’appréciant au regard de la situation de la caution, peu importe la valeur du capital de la société X frères, et la valeur corrélative des parts sociales détenues par l’intimité dans cette entreprise, puisqu’en raison de résultats déficitaires structurellement, une telle valeur est également hypothétique, s’agissant d’une créance contre la société, donc irrecouvrable en cas de perte. »
Il résulte de cette décision que l'annulation d'un cautionnement ne se satisfait pas d’un simple exposé théorique de textes juridiques mais supposent une véritable analyse financière et patrimoniale au cas par cas de la caution, la maîtrise de la stratégie judiciaire, d'un savoir-faire juridique ainsi qu'une présentation pédagogique du dossier.
Le calcul du taux de disproportion d’un cautionnement dépend donc d'une formule mathématique, dont le résultat permet dans la majorité des dossiers à la caution d'invoquer de manières certaine et rédhibitoire l’argument de la disproportion de son cautionnement et ainsi d'échapper totalement au paiement de sa dette.
En pratique, les banques ne rapportent que rarement la preuve de ce que la caution est en mesure de pouvoir faire face financièrement à sa dette au moment où elle est assignée en paiement.
Enfin, il est important de souligner que, en cas de disproportion du cautionnement, outre la nullité de celui-ci, la caution est également susceptible de pouvoir obtenir la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des préjudices subis, pour manquement au devoir de mise en garde du banquier.
Cette décision illustre à nouveau que la caution dispose de moyens de défense pour échapper à son obligation de garantie en cas d'action en paiement de la part de la banque.
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Anthony Bem
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