La Cour d'appel de Douai, a annulé le cautionnement d’un dirigeant de société pour disproportion compte tenu notamment qu’il était un ancien fonctionnaire avant la création de son entreprise (Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 21 novembre 2019, n° 17/02851)
De nombreux fonctionnaires ou anciens salariés décident de se lancer en rachetant un fonds de commerce.
A cette occasion, ils se portent personnellement caution du bon remboursement des dettes de crédits accordés par les établissements financiers.
En effet, les crédits bancaires donnent systématiquement lieu à la demande de signature d’un cautionnement personnel et solidaire par le dirigeant de la société emprunteuse afin de garantir le bon remboursement de la dette sociale.
Les cautions indiquent alors leurs revenus passés dans leur fiche de renseignements ou un "bilan patrimonial" demandée par la banque.
A savoir, les revenus tirés de leur ancienne activité professionnelle qu’ils ont quittée justement pour en commencer une nouvelle « à leur compte ».
Ces informations sont primordiales afin de vérifier la validité ou la nullité des cautionnements des dirigeants.
Pour mémoire, selon l’article L. 341-4 du Code de la consommation devenu article L. 332-1 et L. 343-4, « un créancier professionnel (une banque ou un fournisseur) ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
La proportionnalité de l’engagement de la caution au regard de ses facultés contributives est ainsi évaluée en deux temps : au jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, uniquement en cas de disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune.
L’engagement de caution conclu au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude.
En l’espèce, une société dont l’activité est le commerce de détail d’articles d’horlogerie et de bijouterie a été créée par un ancien fonctionnaire.
A cette occasion, la Banque Populaire a aussitôt consenti à la société un premier emprunt professionnel d’un montant de 180.000 euros pour « financer partiellement la reprise d’un fonds de commerce de bijouterie ».
Le même jour, par deux actes séparés, le dirigeant et son époux se sont engagés en qualité de caution personnelle et solidaire à hauteur de la somme de 216.000 euros.
Rapidement, la Banque Populaire a consenti à la société un second emprunt professionnel d’un montant de 20.000 euros dont le dirigeant et son époux se sont porté caution.
La société a tenu très peu de temps : un an.
Elle a déposé le bilan et fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.
La Banque Populaire a assigné les cautions en justice afin de les voir condamner au paiement de leurs engagements.
Le tribunal a rejeté la demande de paiement formulée par la Banque Populaire, qui a donc interjeté appel de cette décision.
En effet, la caution a apporté la preuve de la disproportion manifeste de son engagement de caution par rapport à ses biens et à revenus lors de sa conclusion.
Le risque d’endettement s’apprécie à partir des revenus ou liquidités disponibles mais aussi à partir du patrimoine.
Elle s’apprécie concrètement au regard des déclarations de revenus des cautions au moment de la signature des engagements de caution et aussi par rapport à un risque futur sur les revenus.
Le fait que la caution avait l’intention de démissionner de son emploi ou d’un poste dans la fonction publique et qu’elle ait indiqué ses anciens revenus (ceux d’avant la création du fonds de commerce) aurait dû interpeller la banque lors de la déclaration de patrimoine.
Pour estimer le cautionnement disproportionné, les juges ont pris en compte le fait que le prêt souscrit avait pour objectif la reprise d’un fonds de commerce par la caution, laquelle allait occasionner sa démission de son poste dans la fonction publique.
Le salaire mensuel moyen déclaré par la caution ne pouvait donc pas valablement être pris en compte par la banque pour apprécier la proportionnalité de son cautionnement.
On peut en déduire que lorsqu’en cas de prêt bancaire consenti à une toute jeune société, il existe un risque quant aux futurs revenus de la caution.
Ainsi, la banque ne peut pas valablement utiliser les anciens revenus déclarés par la caution pour apprécier la disproportion ou non de son engagement.
En cas d’acquisition d’un fonds de commerce, l’établissement prêteur doit donc s’interroger sur l’implication de la caution dans le fonctionnement de la société et sur les conséquences en résultant sur son ancien emploi et ses revenus.
Le cas échéant, le cautionnement sera déclaré comme manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au moment de sa conclusion, ainsi que lors de l’assignation en paiement par la banque ; de sorte que cette dernière ne pourra pas utilement s’en prévaloir contre la caution et pourra même être condamnée à l’indemniser pour violation de son obligation de mise en garde.
Cette décision peut donc s’avérer salvatrice pour les cautions puisqu’elles pourront invoquer le caractère désuet de l’information relative à leurs revenus dans la fiche de renseignements et produire leur véritable revenu tiré de l’exercice de leur nouvelle activité.
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Anthony Bem
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