En principe, le fonctionnaire ou l’agent de la fonction publique n'a pas un droit au maintien dans un poste auquel il est affecté.
L’administration est donc libre de modifier l’affectation du fonctionnaire ou de l'agent pour des nécessités de service, sans pour autant porter atteinte aux droits du statut particulier de leur cadre d'emploi.
L’article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que « l’autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l’établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l’avis des commissions administratives paritaires (…) ».
Le juge administratif distingue la mesure d’ordre intérieur, ne faisant pas grief au fonctionnaire concerné, de la mutation interne, soumise au respect de règles procédurales et susceptible de recours.
Le Conseil d’Etat a défini ces mesures d’ordre intérieur prises à l’égard des fonctionnaires comme : « des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération (…) » et ce « alors même que cette mesure de changement d’affectation a été prise pour des motifs tenant au comportement » de l’agent concerné.
Pour caractériser une mutation au sens de l’article 52 de la loi du 26 janvier 1984, le juge administratif prend en compte différents critères comme le changement de résidence administrative de l’agent, la perte de responsabilités, la réduction de ses indemnités, la nature des tâches confiées, les avantages matériels perdus, la diminution de la rémunération ou le déclassement subi dans l’exercice des fonctions.
Or, le changement d'affectation entrainant une modification de la situation du fonctionnaire doit être précédé d'une saisine préalable de la CAP (commission administrative paritaire) et de la consultation du dossier par l’intéressé car il s'agit alors d'une mutation d'office dans l'intérêt du service.
S’agissant de la perte de responsabilité subséquente à la mutation, le 30 janvier 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé que les agents et fonctionnaires sont susceptibles de pouvoir faire annuler leur mutation de poste par le juge administratif en cas de perte de responsabilités (CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 30 janvier 2018, N° 16MA04395)
En l’espèce, une directrice territoriale était en charge de la direction de la culture et du patrimoine d’une commune.
Le maire de la commune a décidé de son changement d'affectation pour les fonctions de directrice de la cohésion sociale.
La fonctionnaire a demandé au tribunal administratif d'annuler l'acte d’affectation et de changement de poste et d'enjoindre à la commune de la réaffecter, sous astreinte, à son ancien poste.
Par jugement, le tribunal administratif a annulé la mutation d'office de la fonctionnaire.
Les juges d’appel ont relevé que la fonctionnaire a été affectée par l'acte attaqué à un emploi correspondant à son grade, sans qu'il ait été porté atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut, et sans perte de rémunération.
Cependant, eu égard à la différence de moyens humains et financiers alloués respectivement à ces deux directions, les juges ont estimé que le changement d'affectation de l'intéressée doit être regardé comme ayant entraîné une perte de responsabilités.
En effet, elle gérait un budget de 6 millions d'euros en qualité de directrice de la culture et du patrimoine et avait sous son autorité une centaine de personnes, alors que le budget affecté à la direction de la cohésion sociale, qui ne comporte que 5 agents, n'est que de quelques centaines de milliers d'euros.
De plus, selon la cour administrative d’appel, si la commune de Montpellier fait état d'un désaccord entre son maire et la fonctionnaire sur la politique culturelle de la ville, qui aurait entraîné un dysfonctionnement de la direction de la culture et du patrimoine dont l'intéressée avait la charge, ni la réalité de cette dissension ni celle d'un dysfonctionnement ne sont établis, de sorte que l'intérêt du service ne justifiait pas le changement d'affectation de l'intéressée.
Il résulte de cette décision que les mutations d’agents et fonctionnaires sont susceptibles d’être annulées par le juge en cas de perte de responsabilités.
En outre, il découle de cet arrêt que la perte de responsabilités s’analyse notamment au regard :
- du montant du budget affecté ;
- du nombre de personnes géré.
Il est important de garder en mémoire que les mutations d’agents et fonctionnaires sont aussi susceptibles d’être annulées par le juge administratif en cas de perte de rémunération.
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Anthony Bem
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