La cour d’appel de Douai a annulé de petits cautionnements en raison de leur disproportion compte tenu de la faiblesse de leur faculté contributive (CA Douai, ch. 2 sect. 2, 28 nov. 2019, n° 18/02622).
En l’espèce, la banque CIC a consenti à une société un prêt pour le rachat d’un fonds de commerce de sandwicherie.
En garantie de ce prêt, la banque a sollicité les engagements de cautions personnelles et solidaires du couples de dirigeants et de la mère de l’un d’eux pour un montant maximal de 15.000 euros environ.
Par la suite, la banque a également consenti à la societe un second prêt professionnel d’un montant principal de 15 000 euros, assorti des engagements de cautions personnelles et solidaires des dirigeants pour un montant encore de 15.000 euros.
Puis, la société a souscrit l’ouverture d’une convention de compte courant professionnel auprès de la banque et en garantie des engagements en compte courant, un engagement de caution personnelle et solidaire de l’un des dirigeants à hauteur de 11.000 euros a encore et enfin été souscrit.
La société a été placée en liquidation judiciaire et la Banque CIC a vainement tenté de se rapprocher des cautions, pour leur rappeler leurs engagements au titre des deux prêts et les mettre en demeure de lui régler les sommes dues.
Dans ce contexte, la banque a assigné en paiement les cautions devant le Tribunal, qui les a condamné à payer à la Banque CIC les sommes dues au titre des différents concours à raison de leurs engagements de cautionnements respectifs, pour une vingtaine de milliers de d’euros.
Les cautions ont perdus en première instance mais ont utilement interjeté appel du jugement ; compte tenu du caractère disproportionné de leurs engagements de cautions eu égard à leur situation personnelle au moment de chacun des engagements pris.
En effet, ni lors de la souscription ni lors des poursuites, les cautions n’ont été en mesure de faire face sur leurs revenus et sur leurs biens à leurs engagements.
Profitant de la question qui leur était soumise de savoir si les engagements de caution étaient disproportionnés, la cour d’appel en a profité pour rappeler une série de principes importants concernant l’appréciation de la disproportion des cautionnements, à savoir :
- la proportionnalité de l’engagement de la caution au regard de ses facultés contributives est évaluée en deux temps : au jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, à supposer l’existence d’une disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune.
- C’est la situation financière globale de la caution, c’est-à-dire ses 'facultés contributives', qui doit être appréhendée au jour de l’engagement.
- L’exigence de proportionnalité impose au créancier de s’informer sur la situation patrimoniale de la caution, c’est-à-dire l’état de ses ressources, de son endettement, et de son patrimoine, ainsi que de sa situation personnelle (régime matrimonial).
- La disproportion s’apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement souscrit et des biens et revenus de chaque caution, et en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’engagements de caution.
- une disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution, est une "disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent" entre les engagements de la caution et ses biens et revenus.
- C’est au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion d’établir qu’au moment où il l’appelle le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.
- La proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.
- L’exigence de proportionnalité impose à la banque de s’informer sur le patrimoine de la caution et ses facultés.
En l’espèce, une telle fiche de renseignements avait été rédigée par les cautions et faisait état d’un couple marié, sous le régime de la séparation de biens, avec un enfant à charge, sans patrimoine immobilier.
L’époux indiquait qu’il était en création d’entreprise et l’épouse qu’elle était étudiante.
Le projet de création d’entreprise remis par le couple de cautions à la Banque mettait en lumière une situation précaire.
Ainsi, la cour a jugé qu’au vu des charges de la vie courante pour une famille de 3 personnes disposant de revenus précaires et limités, et faisant face d’ores et déjà à la charge d’un crédit, sans aucun patrimoine mobilier et immobilier, les cautionnements contractés ne pouvaient qu’être qualifiés de manifestement disproportionnés.
En conséquence, les juges ont sanctionné la banque en déclarant nuls les engagements de caution à raison de leur caractère disproportionné eu égard aux “facultés contributives des cautions”.
Les cautions ont ainsi été libérés de leurs engagements vis à vis de la banque et n’ont pas été condamnés au paiement de quelque somme ce soit au profit de cette dernière.
Une indemnisation des préjudices subis aurait pu en outre être obtenue de la part de la banque si les cautions avaient été un petit peu plus inspirées .
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Anthony Bem
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