Le 8 septembre 2021, la Cour de cassation a consacré une nouvelle jurisprudence très importante en matière de défense des cautions de crédits bancaires.
En effet, la plus haute juridiction judiciaire française a débouté le Crédit Logement de son recours en paiement initié contre la caution d’une SCI alors défaillante dans le remboursement de son emprunt bancaire grâce à la disproportion de son cautionnement (Cour de cassation, première chambre civile, 8 septembre 2021, Pourvoi 19-24.129)
Il convient tout d’abord de souligner que le Crédit Logement est rarement perdant en justice.
En effet, alors qu’il est devenu de plus en plus facile pour les cautions de gagner contre une banque qui leur réclame un règlement, en raison des nombreux moyens de défense juridiques, le Crédit Logement jouissait jusqu’à présent d’une certaine immunité légale et même jurisprudentielle.
En l’espèce, la Banque LCL a consenti à une société civile immobilière (« la SCI ») deux prêts immobiliers garantis par des engagements de caution d’une part, de la société Crédit Logement, d’autre part, des associés de la SCI.
Après avoir acquitté les dettes de la SCI, la société Crédit logement a exercé son recours en paiement à l’encontre de cette dernière et des cautions.
Celles-ci ont opposé en défense au Crédit Logement le moyen tiré de la disproportion manifeste de leur engagement de caution qui constitue l'un des 20 moyens de défenses de la caution.
En effet, selon la loi, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La sanction de la disproportion prive le contrat de cautionnement de tout effet juridique tant à l’égard du créancier (la banque) que des cautions ou cofidéjusseurs.
Cette sanction s’applique en principe aussi lorsque, ayant acquitté la dette, le Crédit Logement, les cautions ou cofidéjusseurs exercent leur action récursoire en remboursement.
L’action récursoire permet à celui qui a payé à la place d’un autre, de se retourner contre celui-ci afin d’obtenir le remboursement des sommes versées.
Au cas présent, l’une des cautions sollicitait de voir juger que ses engagements de caution souscrits au profit de la banque LCL étaient manifestement disproportionnés.
Cependant, les juges d’appel ont écarté le moyen opposé par la caution, tiré de la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus.
Selon la Cour d’appel, il résulte de l’article 2305 du code civil que le Crédit Logement qui exerce son recours dit personnel contre la caution ne peut se voir opposer par cette dernière quelque faute qui aurait pu l’être à l’égard de l’établissement prêteur.
La position de la cour d'appel était celle dominante avant le revirement de jurisprudence posé par l'arrêt du 8 septembre 2021.
Il est aussi intéressant de relever que les contrats de cautionnement litigieux stipulaient expressément que « la caution sera tenue de s’exécuter dès que les obligations de l’emprunteur à l’égard du prêteur deviendront exigibles, fût-ce par anticipation pour quelque cause que ce soit » mais que les juges de cassation ont passé outre.
En effet, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel estimant qu’elle avait violé les articles L. 341-4 (devenu L. 332-1) du code de la consommation ainsi que l’article 2305 du code civil.
Selon la Haute Cour, même si le Crédit Logement exerce son recours personnel, il peut valablement se voir opposer par les cautions ou cofidéjusseurs quelque faute qui aurait pu l’être à l’encontre de l’établissement prêteur telle que la dispo du cautionnement litigieux.
La conséquence est que le contrat de cautionnement est privé d’effet à l’égard tant du créancier que des cautions ou cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ou personnel.
Malgré les termes de l’article 2305 du code civil, le Crédit Logement qui a payé et exercé son recours personnel, les autres cautions ou cofidéjusseurs peuvent valablement lui opposer quelque faute qui aurait pu l’être à l’égard de la banque ou de l’établissement prêteur.
Les cautions peuvent donc être fondées à utilement reprocher à la société Crédit Logement d’avoir réglé à la banque les mensualités impayées par la société emprunteuse.
Cette décision devrait donc sonner le glas à l'immunité et l'impunité dont jouissait le Crédit Logement jusqu'à présent
Pour conclure, lorsque le Crédit Logement aura payé sans être poursuivi par la banque et sans avoir correctement averti le débiteur principal ou la caution, il n’aura point de recours contre eux dans le cas où, au moment du paiement, ils auraient eu des moyens pour faire déclarer leur dette éteinte.
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Anthony Bem
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