La protection fonctionnelle est un des privilèges dont bénéficient toute personne travaillant dans la fonction publique (fonctionnaires ou agents) tendant à ce que la collectivité publique les protège contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, ou prendre en charge leurs frais de procédure, ou le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
En l’espèce, Monsieur X, directeur général adjoint des services du département du Loiret, s’est estimé victime d’agissements de harcèlement de la part du directeur général des services (ci-après le DGS) et a demandé au Président du Conseil général du Loiret la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors.
En effet, en vertu de cet article :
« Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.
Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.
La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle.
La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires ».
De plus, l’article 6 quinquiès de cette même loi dispose que :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
[…]
Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus.
Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ».
Cependant, la demande de protection fonctionnelle a été rejetée par la hiérarchie.
Au détour de cette affaire, le tribunal administratif a posé le principe selon lequel :
« les agissements mentionnés à l’article 6 quinquies précité, comme tous ceux qui excèdent les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique d’organisation du service ou qui portent atteinte aux relations normales de travail, obligent l’autorité fonctionnelle à accorder à l’agent public qui en est l’objet la protection prévue à l’article l1 de la loi du l3juillet1983 ».
Pour établir l’anormalité des relations de travail, Monsieur X produisait des témoignages et de courriels émanant du DGS établissant une pratique managériale autoritaire, refusant la contradiction et la gérant par le recours à l’intimidation, des propos et des attitudes publics humiliants à son encontre et ayant conduit à de fréquents départs des cadres de direction.
Par ailleurs, Monsieur X a fait part à son supérieur de sa volonté d’obtenir son départ immédiat, et qu’à défaut, il porterait plainte contre lui et alerterait syndicats et élus.
Dans ce contexte, le tribunal administratif a jugé que :
« le requérant justifie par les éléments nombreux et circonstanciés qu’il produit qu’il s’est trouvé dans une situation lui ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983; que dès lors M X est fondé à soutenir que la décision du 13 mai 201 l lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est illégale et doit être annulée ».
La jurisprudence administrative a consacré le principe du « droit à la protection » dont bénéficient les fonctionnaires et son corollaire l’obligation de l’administration d’assurer la protection de l’agent (Conseil d’Etat, 24 juin 1977, Dame Deleuse ; 17 janvier 1996, Lair ; 17 mai 1995, Kalfon).
La mise en oeuvre de la protection contre les menaces et les violences suppose l'existence d'un lien de causalité entre les fonctions exercées par l'agent concerné et les attaques dont il fait l'objet.
Il pourra s'agir des attaques faites durant le temps de service mais aussi en dehors du temps de service dès lors qu'elles sont liées aux fonctions ou à la qualité de fonctionnaire de l'intéressé.
Les attaques peuvent être physiques ou morales, écrites ou verbales, adressées par courrier individuel ou au moyen de tracts ou des médias.
Les menaces susceptibles d'ouvrir droit à la protection fonctionnelle peuvent émaner de qui que ce soit : usagers, autres personnes privées, autres agents publics, etc ...
Par ailleurs, le 17 mars 2008, le Conseil d’Etat a jugé que les attaques doivent avoir le « caractère d’une mise en cause personnelle » de l'agent qui en est victime. (Conseil d’Etat, 17 mars 2008, Eliette A., req. n°280813).
Le harcèlement sexuel ou moral est susceptible d'ouvrir droit à la protection fonctionnelle.
En effet, les juges administratifs ont eu l'occasion de posé le principe selon lequel un fonctionnaire victime de harcèlement moral doit pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (CAA Nancy 2 août 2007 ; Conseil d’Etat, 12 mars 2010).
Concrètement, la protection fonctionnelle suppose que l'administration :
- prévienne les attaques contre ses agents et lorsqu'elle a connaissance d'attaques imminentes ou en cours à l'égard d'un agent, qu'elle mette en œuvre les moyens nécessaires pour les éviter ou les faire cesser.
- apporte aux agents l'assistance juridique dont ils ont besoin dans le cadre des procédures judiciaires qu'ils ont eux-mêmes engagées ou dont ils font l'objet.
- répare les préjudices subis par les agents.
La demande de protection fonctionnelle doit être formulée par écrit auprès de l’autorité dont l'agent relève à la date à laquelle il est statué sur sa demande et non pas celle dont l’intéressé relevait à la date à laquelle il exerçait les fonctions ayant donné lieu aux poursuites (Conseil d’Etat, 5 décembre 2005, Commune du Cendre).
Il n’existe pas de délais impartis afin de formuler la demande de protection fonctionnelle.
L'agent devra apporter la preuve des faits au titre desquels il demande la protection fonctionnelle (Conseil d’Etat, 25 juillet 2001, SGEN).
Les frais d'avocat ainsi qu'éventuellement le montant de la consignation pénale, fixée par les juges suite à une plainte avec constitution de partie civile, seront ainsi pris en charge par l'administration employeur.
Enfin, le 8 juin 2011, le Conseil d’État a jugé que la protection fonctionnelle peut être attribuée à tous les agents publics quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions, y compris à un président élu d’un établissement public administratif, relaxé d'une poursuite pénale pour des faits de trafic d'influence (Conseil d’État, Sect., 8 juin 2011, M. A., n° 312700).
Il résulte de la décision rendue, le 22 janvier 2013, par le tribunal administratif d’Orléans que, bien que l'octroi de la protection fonctionnelle soit souvent être refusé pour des raisons politiques, illégales ou injustifiées de la part de l'administration, le domaine de la protection fonctionnelle est étendue au profit des fonctionnaires et agents publics victimes de « situations anormales de travail » qui ne constituent pas un harcèlement moral.
En cas de refus d'octroi de la protection fonctionnelle, il appartiendra au fonctionnaire ou à l'agent de porter sa demande devant le juge administratif compétent qui ne manquera pas de censurer la décision de refus, le cas échéant, et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour faire valoir ses droits.
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