Pour mémoire, le code monétaire et financier prévoit que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes:
a) Certaines personnes auteurs de manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles
b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes précitées
c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement dès lors que ces actes concernent un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations; ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
Les sanctions applicables sont :
- l'avertissement,
- le blâme,
- le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle,
- l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités,
- éventuellement assortis d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés pour certaines pratiques ou à 300.000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas.
En l’espèce, Madame Pelras et Monsieur Quistrebert, gestionnaires de fonds d'investissement à la société Richelieu Finance, ont été poursuivis puis sanctionnés par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers pour avoir utilisé une information privilégiée relative à l'imminence d'une offre publique d'achat sur la société Completel, en achetant massivement et de façon inhabituelle, pour le compte de fonds qu'elle gérait, des titres Completel avant que l'opération ne soit rendue publique.
Selon l'instruction de l’affaire il est apparu que Monsieur Quistrebert, gérant de fonds d'investissement travaillant pour la société Richelieu Finance, a été contacté par un employé du département Corporate Finance de HSBC France, qui lui a fait état de ce que HSBC était mandaté pour acquérir des titres d'une société dans laquelle Richelieu Finance détenait une participation et a transmis un projet d'accord de confidentialité.
Bien que Monsieur Quistrebert lui ait indiqué que Richelieu Finance n'envisageait pas de signer cet accord de confidentialité, l’employé du département Corporate Finance de HSBC France lui a indiqué que le projet concernait la société Completel, puis a fait mention d'un prix de 35 ou 35,50 euros.
Monsieur Quistrebert a informé sa supérieure hiérarchique, Madame Pelras, de la démarche dont il avait été l'objet.
Monsieur Quistrebert et Mme Pelras ont aussitôt procédé à l'acquisition de titres Completel pour le compte des fonds qu'ils géraient.
La commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à leur encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 30.000 euros et décidé que sa décision serait publiée au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site internet et dans la revue mensuelle de l'Autorité des marchés financiers.
C’est dans ce contexte que Madame Pelras a saisi le Conseil d'Etat notamment afin de voir annuler la décision par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.
En outre, elle demandait d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de retirer toute mention de la décision de son site internet et de ses publications, et d'insérer en première page de ce site, dans les deux jours de la notification de la décision à intervenir, un encart faisant état de l'annulation de la décision attaquée, sous astreinte.
Pour trancher le litige, la Haute juridiction administrative s’est fondée sur les dispositions du règlement général de l'AMF selon lequel :
Article 621-1 :
« Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés.
Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés.
Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement ».
Articles 622-1 et 622-2 du même règlement général :
« Toute personne qui détient une information privilégiée en raison de son accès à l'information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions «doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés ».
Le Conseil d’état a ainsi jugé que :
" à défaut de preuve matérielle à l'encontre d'une personne, la détention d'une information privilégiée peut être établie par un faisceau d'indices concordants, desquels il résulte que seule la détention d'une information privilégiée peut expliquer les opérations litigieuses auxquelles la personne mise en cause a procédé, sans que la commission des sanctions de l'AMF n'ait l'obligation d'établir précisément les circonstances dans lesquelles l'information est parvenue jusqu'à la personne qui l'a utilisée ;
dès lors, et alors que le caractère nécessairement secret et volontairement dissimulé des opérations fautives ne permet généralement pas de disposer de preuves directes à l'encontre des personnes mentionnées aux articles 622-1 et 622-2 de ce règlement, la commission des sanctions peut légalement réunir un faisceau d'indices concordants en vue d'établir, à l'égard des personnes poursuivies un manquement aux dispositions de ces articles du règlement général de l'AMF ".
De plus, selon le conseil d'Etat a considéré que " les seuls éléments portés à la connaissance de Monsieur Quistrebert, qui ne constituaient pas en eux-mêmes une information privilégiée et dont la transmission n'avait pas pour objet la révélation implicite d'une telle information, ne permettaient pas à Monsieur Quistrebert de déduire de façon certaine l'existence d'une OPA imminente; que, par suite la preuve matérielle n'était pas apportée ".
Enfin, il est apparu que les fonds d'investissement de la société Richelieu Finance gérés par Monsieur Quistrebert et Madame Pelras ont procédé à l'acquisition antérieure de titres Completel, selon un rythme régulier de sorte que les juges ont considéré que les informations données sur la volonté d'un acteur du marché d'acheter des titres Completel concordaient avec la stratégie mise en œuvre à l'égard de ce titre :
« Ainsi, les achats de titres Completel effectués par M. QUISTREBERT et Mme peuvent s'expliquer autrement que par la détention d'une information privilégiée; que cette détention n'est par suite pas davantage établie par un faisceau d'indices concordants et non équivoques ».
Par conséquent, le Conseil d'Etat a estimé que c'est à tort que la commission des sanctions a jugé que les deux personnes poursuivies détenaient une information privilégiée et que les acquisitions de titres Completel qu'elles avaient effectuées étaient constitutives d'une utilisation d'information privilégiée, de sorte que les requérants sont dès lors fondés à demander l'annulation de la décision attaquée et d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de supprimer la décision publiée de son site internet et d'y publier la décision du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que celles de la décision annulée.
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Anthony Bem
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