Pour mémoire, l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que :
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. »
Il ressort du premier alinéa de ce texte que l’infraction de diffamation suppose une atteinte personnelle.
Il s'agit d'un élément constitutif du délit de diffamation en l'absence duquel l'infraction n'existe pas.
Ainsi, une jurisprudence constante de la cour de cassation a posé le principe de l’exclusion des atteintes aux biens et services du champ d’application de la diffamation et de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 précité.
Autrement dit, il n’y a pas de diffamation en cas de critique d’un bien ou d’un service.
Il s'agira d'un dénigrement commercial.
Par conséuent, si aucun individu n’est personnellement visé par les propos, il ne s’agit pas de diffamation, mais d'un dénigrement, lequel relève de l’action en responsabilité civile de l’article 1382 du code civil.
Or, la bonne qualification juridique des propos conditionne le succès de la procédure et le choix d’un mauvais fondement rend la procédure nulle.
C’est ainsi que la Cour de cassation a eu à juger que :
« les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu'elles ne concernent pas la personne physique ou morale ; que la critique gastronomique est libre et permet la libre appréciation de la qualité ou de la préparation des produits servis dans un restaurant ». (Cass. Civ II, 23 janvier 2003, n° 01-12848).
L’arrêt commenté s’inscrit dans cette même jurisprudence en énonçant qu’on ne saurait qualifier de diffamatoires les appréciations critiques touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise.
En l’espèce, une association a publié un guide gastronomique qui comportait des appréciations critiques sur les prestations d’un restaurant.
La société exploitant ce restaurant a assigné devant le tribunal correctionnel le directeur de publication du guide astronomique et l’association pour diffamation publique.
Les premiers juges ont jugé et condamné les prévenus de ce chef.
A l’appui de leur pourvoi, ces derniers invoquaient, d’une part, la nullité de la citation délivrée devant le juge pénal sur le fondement des dispositions de la loi sur la presse et, d’autre part, le défaut de caractérisation de l'infraction de diffamation.
La Cour de cassation a accueilli ce pourvoi en cassant et annulant l’arrêt d’appel.
Pour ce faire, la Cour de cassation a d’abord estimé que :
« les mêmes faits ne sauraient recevoir une double qualification sans créer une incertitude dans l'esprit du prévenu, et, si des instances relatives aux mêmes imputations qualifiées différemment et visant des textes de loi distincts ont été engagées successivement, la seconde se trouve frappée de nullité ».
Or, dans le cas présent, deux instances ont été engagées sur des fondements différents, la première sur celui de l'article 1382 du code civil, la seconde sur celui des articles 29 et 32 de la loi de 1881.
Par conséquent, la société exploitante du restaurant ne pouvait pas saisir le juge pénal par voie de citation directe après avoir saisi le juge des référés sur un autre fondement.
Ensuite, la cour de cassation a considéré que :
« dès lors qu'elles ne concernent pas la personne physique ou morale, les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ».
En conséquence, compte tenu que les appréciations litigieuses ne mettaient en cause aucune personne physique ou morale déterminée, mais seulement la qualité des prestations d'une entreprise commerciale désignée sous une enseigne, les juges ont estimé que l’action en justice ne pouvait pas valablement être fondée sur la diffamation.
En d’autres termes, en l’absence d’une imputation dirigée directement contre une personne physique ou morale désignée ou identifiable, le délit de diffamation ne s’applique pas.
Cet arrêt illustre ainsi la nécessité pour les sociétés ou professionnels estimant que des propos leur portent préjudice d’être assistés d’un avocat spécialisé afin d’engager leur action sur un fondement juridique adéquat.
Ce recours à un avocat spécialisé est d’autant plus nécessaire que le choix entre la diffamation et le dénigrement est complexe et lourd de conséquences.
Cette décision est positive notamment pour les victimes d'atteintes à leurs réputation E-réputation ou réputation numérique.
Elles disposent ainsi d'un délai d'action de 5 ans et non de 3 mois à compter de la publication des propos litigieux et elles évitent les lourdeurs procédurales des procédures du droit de la presse pour diffamation ou injure.
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Anthony Bem
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