Au fil des jurisprudences, le droit de l’internet se construit.
L’intérêt de cette décision est de fixer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité pour atteinte au respect de la vie privée sur internet.
En l’espèce, la société Nouvelle du Journal de l'Humanité a publié, en 1991, sur support papier puis, en 1996, sur son site Internet, un article concernant l'état de santé de M. X.
M. X a donc assigné, en 2009, la société Journal de l'Humanité devant le tribunal de grande instance en réparation du préjudice subi du fait de cette faute.
Pour mémoire, les informations relatives à l'état de santé sont constitutives d'une atteinte au respect de la vie privée au regard des articles 9 alinéa 1er du code civil et 8-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
L'article 9 alinéa 1erdu code civil dispose que :
" Chacun a droit au respect de sa vie privée ".
L'article 8-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que :
" personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
Par ailleurs, selon l'ancien article 2270-1 du code civil : « les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ».
Selon l’article 2224 du code civil, applicable depuis 2008 : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Sur le fondement de l'ancien article 2270-1 du code civil précité, le 8 juin 2011, la Cour d'appel de Paris a déclaré l’action judiciaire intentée par M. X comme étant prescrite.
M. X s'est pourvu devant la Cour de cassation en faisant valoir que le délai de prescription de l'action en responsabilité pour atteinte à la vie privée court à compter du jour de la manifestation du dommage causé à la victime ou de la date à laquelle il a été révélé à cette dernière, si celle-ci n'en avait pas eu précédemment connaissance et non à compter de la mise en ligne sur l'internet du texte litigieux.
La cour de cassation a débouté M. X de ses demandes et confirmant l’arrêt d’appel soumis à sa censure a jugé que :
« le délai de prescription de l'action en responsabilité civile extracontractuelle engagée à raison de la diffusion sur le réseau Internet d'un message, court à compter de sa première mise en ligne, date de la manifestation du dommage allégué ».
Les juges ont relevé que le texte incriminé était « exclusif de toute confidentialité depuis cette époque, ce texte ne pouvait être considéré comme "étant clandestin" ; que c'est à partir de cette mise en ligne, équivalente à la mise à disposition du public, que le délai de prescription de dix ans devait être calculé et non à partir des seules constatations de M. X..., datant du 6 mai 2009, soit treize ans après la révélation au public du texte ».
La particularité des atteintes à la réputation des personnes sur internet est que, quelque soit la durée du délai de la prescription, elle est toujours trop courte au regard de la durée indéfinie et illimitée dans le temps de contenus attentatoires.
S’agissant de la durée de trois mois de la prescription de l’action en diffamation ou injure, ce court laps de temps se justifie depuis 1881 par le principe de la liberté d’expression et de la presse.
Le législateur considère en effet que la liberté d’expression ne pourrait pas être garantie correctement s’il était possible pour les victimes de remettre en cause les propos diffamatoires et injurieux au-delà de trois mois.
Le législateur vient de faire passer le délai de 10 ans à 5 ans en matière d’atteinte au respect de la vie privée ou droit à l’image.
Pour conclure, à l’ère de l’E-réputation et du personal branding, la précaution et la prudence imposent à chacun de créer des alertes sur internet avec ses nom et prénom pour connaitre les contenus susceptibles de lui porter atteinte et, le cas échant, de ne pas risquer de perdre le droit d’agir en justice afin de faire supprimer les contenus litigieux et d’être indemnisé de ses préjudices.
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Anthony Bem
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