L'atteinte à la vie privée d'une personne suite à la publication d'un livre autobiographique

Publié le 24/03/2013 Vu 8 370 fois 4
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Le 26 février 2013, le Président du tribunal de grande instance de Paris a jugé que la liberté de création de l'ex-maîtresse de Monsieur Dominique Strauss-Kahn dans le cadre de la publication de son ouvrage intitulé "Belle et Bête", le concernant pour partie, porte atteinte au droit au respect de la vie privée de ce dernier et ne pouvait pas prévaloir sur les atteintes commises à sa vie privée (TGI Paris, 25 févr. 2013, n° RG 13/51631, Dominique Strauss-Kahn / Marcela Lacub).

Le 26 février 2013, le Président du tribunal de grande instance de Paris a jugé que la liberté de créatio

L'atteinte à la vie privée d'une personne suite à la publication d'un livre autobiographique

En l'espèce, Marcela Lacub, l'ex-maîtresse de Monsieur Dominique Strauss-Kahn (ci après dénommé DSK) s'apprêtait à publié au début du mois de mars 2013 "un livre d'amour et de passion" intitulé "Belle et Bête" consacré à leur liaison intime.

De plus, le journal Le Nouvel Observateur a publié en Une une série d'articles consacrés à l'auteur et à son ouvrage.

Dans ce contexte, l'ancien directeur général du FMI a assigné en référé son ex-maîtresse, l'éditeur du livre et la société éditrice du journal, afin que soit reconnue une atteinte au droit au respect de sa vie privée et d'obtenir notamment l´interdiction de publication de l'ouvrage à paraître.

Aux termes de son ordonnance de référé, le Président du tribunal de grande instance de Paris a jugé que la victime d'une publication illicite est en droit de fonder son action sur le fondement de l'atteinte à la vie privée, posé par l'article 9 du code civil ou l'article 29 de loi du 29 juillet 1881, sous réserve que l'atteinte alléguée à la vie privée n'apparaisse pas comme un détournement de la loi sur la liberté de la presse.

Dans cette affaire, les poursuites avaient été portées contre « chaque ligne de l'ouvrage de 121 pages » pour atteinte à la vie privée, fondées sur l'article 9 du code civil selon lequel « chacun a le droit au respect de sa vie privée ».

L'atteinte à la dignité n'était pas poursuivie, DSK n'ayant pas reproché les mots « cochon » ou « porc ».

Dans le cadre d'une procédure de référé d'heure à heure, le juge a limité les débats aux seuls passages visés dans l'assignation et considérés par DSK comme les plus significatifs des atteintes invoquées.

Sur le fond de l'affaire, le juge a rappelé les principes jurisprudentiels selon lesquels :

« toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué à ce sujet » ;

Le droit au respect de la vie privée doit se concilier avec le principe de la liberté d'expression « d'autant plus largement apprécié qu'il porte sur une œuvre littéraire ».

Il appartient au juge de rechercher l'équilibre entre les deux principes précités « et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime selon les circonstances de l'affaire ».

Ainsi, le juge a estimé que DSK était identifiable et que la révélation non autorisée d'une de faits issus d'une relation intime, dont deux scènes de nature sexuelle, constituait en tant que telle une violation illicite du droit au respect de la vie privée de celui-ci, peu important qu'ils soient réels ou non.

Par ailleurs, le juge a considéré que l'exercice et la conquête du pouvoir ou le dédoublement de la personnalité sont des sujets qui relèvent d'un débat d'intérêt général.

Ce faisant le juge est venu préciser la notion de contribution à un débat d'intérêt général qui permet de justifier certaines atteintes à la vie privée.

En outre, le juge a estimé que le droit à la liberté de création ne pouvait pas prévaloir sur le droit au respect de la vie privée lorsque « la victime d'une telle atteinte justifie de l'existence d'un préjudice d'une toute particulière gravité ».

Enfin, outre l'octroi de dommages-intérêts provisionnels à titre indemnitaire au profit de DSK, dont le montant est exceptionnellement important, le juge a ordonné la publication d'un communiqué judiciaire de sa décision dans le livre litigieux et en couverture du Nouvel Observateur.

Si cette décision peut apparaitre pour certains comme une victoire pour DSK, elle me semble en réalité un échec total pour ses intérêts.

En effet, j'estime que l'octroi de dommages et intérêts ne fait pas cesser l'atteinte à la vie privée et que l'objectif principal d'une victime d'atteinte à sa vie privée est que celle-ci cesse définitivement.

Le juge a mis dans la balance les intérêts en cause et dans sa souveraine appréciation des faits a cru bon d'autoriser la publication des détails d'une relation intime inintéressante dans le cadre d'un  débat d'intérêt général.

Si ce n'est pas avec de bons sentiments que l'on fait de la bonne littérature, une chose est sûre le juge n'est garant d'aucun des deux ce qu'il relève lui même dans sa décision :

"il est constant que le livre litigieux est une oeuvre littéraire - des avis différents ayant été émis sur sa valeur littéraire, sur laquelle le juge n'a aucunement à se prononcer".

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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1 Publié par Visiteur
24/03/2013 12:25

Pourquoi Dominique Strauss Kahn aurait -il obtenu la saisie et l'interdiction d'un livre alors qu'il ne l'a pas demandé . Ces demandes ayant été faites à titre subsidiaire , les demandes principales de DSK ont été acceptées , il s'agit donc d'une victoire pour lui !

2 Publié par Visiteur
24/03/2013 16:49

Bonjour Maître,

Je suis surprise par cette affirmation venant d'un avocat : "Si cette décision peut apparaitre comme une victoire pour DSK, c'est en réalité un échec total.En effet, l'homme politique n'a pas obtenu la saisie du livre et son interdiction de paraître telles que sollicitées."

DSK n'a pas demandé d'interdire la publication du livre, mais l'insertion d'un encart, l'interdiction était purement subsidiaire.

Alors venant d'un justiciable lambda ne connaissant pas la définition du terme "subsidiaire" parce qu'il n'a pas fait d'études de droit et dont le Code pénal ne fait pas partie de sa table de chevet ou bien de la part de la presse qui fait mine de l'ignorer de façon très hypocrite, mais venant de la part d'un avocat est très surprenant.

Etant une profane en matière de droit, j'ai appris lors de ce scandale ce que voulait dire le terme "subsidiaire".

Pouvez-vous m'expliquer ?

Merci d'avance,

Casimira

3 Publié par Maitre Anthony Bem
24/03/2013 17:33

Bonjour domi05, tel que vous l'indiquez justement Dominique Strauss Kahn a demandé l'interdiction de la diffusion du livre litigieux "à titre subsidiaire". Selon moi, le fait que la demande ait été formulée à titre susbsidiaire me semble illogique et en décalage avec l'état d'esprit de DSK qui expliquait à l'audience que : "il avait été choqué par le texte du livre méprisable et totalement mensonger, faisant fi de la dévastation de sa vie personnelle et familiale, qu'il avait été horrifié par le procédé malhonnête qui n'avait d'autre objet que mercantile, s'agissant de tirer sur un homme à terre". L'échec de cette décision pour les intérêts de DSK ne dépend donc pas du juge mais de la manière dont la demande a été formulée, à moins que ce dernier n'ai peut-être pas souhaité obtenir l'interdiction de diffusion d'un ouvrage attentatoire à sa vie privée. Cordialement.

4 Publié par Visiteur
24/03/2013 19:39

C’est une VICTOIRE pour Monsieur Strauss-Kahn, la justice a condamné lourdement le Nouvel Obs, financièrement et surtout à publier un communiqué judiciaire sur la moitié de sa couverture comme la presse à scandale, et comme le dit Me Richard Malka, "cette décision met un peu d'honneur là où certains se sont abîmés dans le journalisme ou la littérature de trou de serrure», les demandes pour obtenir l’interdiction et la saisie de ce livre ont été faites à titre subsidiaire, l’écrivaine et l’éditeur ont eux aussi été condamnés lourdement, les demandes principales de Monsieur Strauss-Kahn ont été acceptées .

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