En l'espèce, Marcela Lacub, l'ex-maîtresse de Monsieur Dominique Strauss-Kahn (ci après dénommé DSK) s'apprêtait à publié au début du mois de mars 2013 "un livre d'amour et de passion" intitulé "Belle et Bête" consacré à leur liaison intime.
De plus, le journal Le Nouvel Observateur a publié en Une une série d'articles consacrés à l'auteur et à son ouvrage.
Dans ce contexte, l'ancien directeur général du FMI a assigné en référé son ex-maîtresse, l'éditeur du livre et la société éditrice du journal, afin que soit reconnue une atteinte au droit au respect de sa vie privée et d'obtenir notamment l´interdiction de publication de l'ouvrage à paraître.
Aux termes de son ordonnance de référé, le Président du tribunal de grande instance de Paris a jugé que la victime d'une publication illicite est en droit de fonder son action sur le fondement de l'atteinte à la vie privée, posé par l'article 9 du code civil ou l'article 29 de loi du 29 juillet 1881, sous réserve que l'atteinte alléguée à la vie privée n'apparaisse pas comme un détournement de la loi sur la liberté de la presse.
Dans cette affaire, les poursuites avaient été portées contre « chaque ligne de l'ouvrage de 121 pages » pour atteinte à la vie privée, fondées sur l'article 9 du code civil selon lequel « chacun a le droit au respect de sa vie privée ».
L'atteinte à la dignité n'était pas poursuivie, DSK n'ayant pas reproché les mots « cochon » ou « porc ».
Dans le cadre d'une procédure de référé d'heure à heure, le juge a limité les débats aux seuls passages visés dans l'assignation et considérés par DSK comme les plus significatifs des atteintes invoquées.
Sur le fond de l'affaire, le juge a rappelé les principes jurisprudentiels selon lesquels :
« toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué à ce sujet » ;
Le droit au respect de la vie privée doit se concilier avec le principe de la liberté d'expression « d'autant plus largement apprécié qu'il porte sur une œuvre littéraire ».
Il appartient au juge de rechercher l'équilibre entre les deux principes précités « et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime selon les circonstances de l'affaire ».
Ainsi, le juge a estimé que DSK était identifiable et que la révélation non autorisée d'une de faits issus d'une relation intime, dont deux scènes de nature sexuelle, constituait en tant que telle une violation illicite du droit au respect de la vie privée de celui-ci, peu important qu'ils soient réels ou non.
Par ailleurs, le juge a considéré que l'exercice et la conquête du pouvoir ou le dédoublement de la personnalité sont des sujets qui relèvent d'un débat d'intérêt général.
Ce faisant le juge est venu préciser la notion de contribution à un débat d'intérêt général qui permet de justifier certaines atteintes à la vie privée.
En outre, le juge a estimé que le droit à la liberté de création ne pouvait pas prévaloir sur le droit au respect de la vie privée lorsque « la victime d'une telle atteinte justifie de l'existence d'un préjudice d'une toute particulière gravité ».
Enfin, outre l'octroi de dommages-intérêts provisionnels à titre indemnitaire au profit de DSK, dont le montant est exceptionnellement important, le juge a ordonné la publication d'un communiqué judiciaire de sa décision dans le livre litigieux et en couverture du Nouvel Observateur.
Si cette décision peut apparaitre pour certains comme une victoire pour DSK, elle me semble en réalité un échec total pour ses intérêts.
En effet, j'estime que l'octroi de dommages et intérêts ne fait pas cesser l'atteinte à la vie privée et que l'objectif principal d'une victime d'atteinte à sa vie privée est que celle-ci cesse définitivement.
Le juge a mis dans la balance les intérêts en cause et dans sa souveraine appréciation des faits a cru bon d'autoriser la publication des détails d'une relation intime inintéressante dans le cadre d'un débat d'intérêt général.
Si ce n'est pas avec de bons sentiments que l'on fait de la bonne littérature, une chose est sûre le juge n'est garant d'aucun des deux ce qu'il relève lui même dans sa décision :
"il est constant que le livre litigieux est une oeuvre littéraire - des avis différents ayant été émis sur sa valeur littéraire, sur laquelle le juge n'a aucunement à se prononcer".
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Anthony Bem
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