Pour mémoire, la loi sur la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881 définit la diffamation publique comme :
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. »
En cela, la diffamation se distingue de l’injure constituée par « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».
De plus, la loi sur la Liberté de la Presse précise que :
« La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».
Ainsi, la répression de la diffamation publique est conditionnée par l’existence de :
- l'allégation ou l'imputation d'un fait déterminé ;
- un fait de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération ;
- l'imputation ou l'allégation doit viser une personne déterminée ;
- la mauvaise foi ;
- la publicité.
Il en résulte que, le fait que l'infraction soit commise sur internet, notamment sur un blog ou un réseau social tel que Facebook ou Twitter caractérise le caractère public de l'infraction et rend possible la poursuite en justice de l'auteur des propos diffamatoires.
Les conditions pour poursuivre en justice des propos injurieux et diffamatoires publiés sur internet sont devenues extrêmement techniques et complexes.
A cet égard, le 15 janvier 2015, la Cour d’appel de Paris a rappelé les conditions de validité de l’action contre des propos injurieux et diffamatoires, dont le non respect entraîne l’annulation de la procédure sans possibilité de rattrapage pour la victime, en raison de la courte prescription de l’action de trois mois à compter de la publication des propos litigieux (CA Paris, 15 janvier 2015, Ch.7 des appels correctionnels).
En l’espèce, Monsieur D a diffusé sur le réseau social Twitter le message suivant :
« M. R. est a la limite de l’abus de bien social avec ses jobs X ou Y (on ne sait plus trop) tout en bossant pour #S. ! ».
Monsieur R a donc déposé plainte pour diffamation contre Monsieur D et s’est constitué partie civile afin d’obtenir la réparation de ses préjudices subis pour atteinte à sa réputation sur internet.
Toutefois, les juges n’ont pas retenu le caractère diffamatoire des propos poursuivis et ont estimé que ces propos n’étaient que l’expression d’une opinion subjective qui pouvait être librement discutée.
Ainsi, Monsieur D a été relaxé et Monsieur R débouté de ses demandes.
En effet, les juges de la cour d’appel de Paris ont considéré que :
« (…) les propos poursuivis (…) ont été écrits dans le cadre d’un tweet sans qu’aucun élément extrinsèque ne puisse les introduire ou les préciser ;
(…) la lecture seule de cette phrase ne permet pas de comprendre ce qui pourrait être constitutif d’abus de bien social ;
(…) la seule référence à différents "jobs chez X ou Y ou pour S." ne fait pas référence à un fait suffisamment précis pour faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité ;
(…) s’il est insinué qu’il pourrait lui être reproché "un mélange des genres", le manque de précision sur cette critique générale empêche tout débat probatoire ;
(…) s’il est certain que l’auteur des propos présente ce cumul d’emploi comme critiquable, il ne fait qu’exprimer une opinion personnelle, qui n’est pas constitutive de diffamation ;
(…) s’il cite le terme d’abus de bien social c’est pour l’exclure expressément de son propos en spécifiant "à la limite de",
(…) aucun élément ne permet en effet d’affirmer que l’utilisation de cette locution soit une prétérition utilisée sous forme d’ironie négative tel que le prétend la partie civile ».
(…) la confusion insinuée par la formule placée entre parenthèses "on ne sait plus trop" fait directement référence aux différents emplois de M. R. sans être constitutive pour autant d’une infraction pénale ou d’un comportement contraire aux règles morales communément admises ».
Ainsi, pour mémoire, il y a atteinte à l'honneur et à la considération dès lors que l'on impute à une personne la commission d'une infraction pénale, d’actes illicites, contraires à la morale, à la probité ou aux bonnes mœurs.
A cet égard, les juges d’appel rappellent que ces notions d’atteintes à l’honneur ou à la considération « doivent s’apprécier, non pas en fonction de la sensibilité personnelle et subjective de la personne visée, mais selon un critère objectif ».
Au cas présent, les juges ont insisté sur le caractère imprécis et confus des propos pour en déduire que le message ne permettait pas au public de comprendre « ce qui pourrait être constitutif d’abus de bien social » et ne pouvait ainsi être qualifié de diffamatoire à l’égard de la personne visée.
Ainsi, pour être diffamatoires, les propos litigieux doivent aussi s’apprécier en prenant en compte :
- Une sensibilité objective et non pas subjective ;
- Une sensibilité globale ou collective et non pas personnelle.
Cette appréciation objective nécessite de prendre du recul et de se placer tel un étranger vis-à-vis de ces propos.
Le ressenti de la victime n’a pas à entrer en ligne de compte.
Les propos doivent donc s’analyser avec une distanciation objective afin d’être qualifiés utilement comme diffamatoires, à défaut de quoi la victime risque de voir sa procédure annulée.
Enfin, il convient de rappeler que l’infraction de diffamation publique envers les particuliers, punie d'une amende de 12 000 €, nécessite qu’un avocat spécialisé en droit de la presse dépose une plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instruction ou par voie de citation directe devant le tribunal correctionnel.
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Anthony Bem
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