Le 10 septembre 2014, la Cour de cassation a jugé que l’article L. 341-4 du code de la consommation était applicable à un acte de cautionnement conclu par une personne physique.
Implicitement, elle rappelle qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’apporter la preuve de la solvabilité de celle-ci au moment où il l’appelle en qualité de caution.
Pour mémoire, l’article L. 341-4 du code de la consommation dispose :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Depuis le 1er avril 2014, les juges de la Cour de cassation exigent aussi de la banque qui veut se prévaloir d’un cautionnement manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution de rapporter la preuve de la solvabilité de cette dernière au moment où elle est appelée en qualité de caution.
Ainsi, de manière imagée, deux « photographies » distinctes doivent être faites sur la situation de fortune de la caution :
- La première est celle de la disproportion de l’engagement au moment de sa conclusion, dont la preuve incombe à la caution.
- La seconde est celle de la disproportion de l’engagement au moment où le juge statue, dont la preuve incombe à la banque.
En l’espèce, une personne s’est portée caution du remboursement d’un prêt consenti par la Société Guadeloupéenne de Financement afin de financer l’achat d’un véhicule automobile au profit d’une tierce personne, pour un montant de 40.841,29 €.
Or, la caution a déclaré, lors de la conclusion de l’acte de cautionnement, habiter chez ses parents et ne percevoir qu’un salaire mensuel de 989,30 €.
La banque a assigné en justice la caution qui a invoqué l'article L. 341-4 du code de la consommation précité pour faire annuler le cautionnement sur le fondement de la disproportion.
Compte tenu des revenus de la caution et de sa situation patrimoniale au moment où celle-ci s’était engagée, le caractère disproportionné du cautionnement était manifeste.
Ainsi, la Cour d’appel a donné droit à la caution en jugeant que la banque ne pouvait pas se prévaloir de l’acte de cautionnement en raison de son caractère manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution au moment où celle-ci s’était engagée en cette qualité.
La banque a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant notamment que la charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement incombait à la caution.
Cependant, la Cour de cassation a sanctionné la banque en considérant que :
« il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation »
La Cour de cassation rappelle ainsi l’applicabilité de l’article L 341-4 du Code de la consommation à ce type de situation et l’impossibilité pour la banque de se prévaloir d’un cautionnement manifestement disproportionné.
En effet, il a déjà été jugé que la sanction de la disproportion d’un acte de cautionnement lors de sa conclusion est la déchéance totale du créancier professionnel dans ses droits contre la caution. (Cass. com., 22 juin 2010, n° 09-67814 ; Cass. com., 19 oct. 2010, n° 09-69203 ; Cass. Com., 1er avril 2014, n° 13-11313).
Par conséquent, la Cour de cassation exige de la banque qui entend se prévaloir d’un cautionnement manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine de la caution d’apporter la preuve de la solvabilité de la caution au moment où celle-ci est appelée au paiement de la dette, c'est-à-dire concrètement au moment de la procédure judiciaire devant le juge.
Compte tenu que la banque n’a pas rapporté la preuve d’une amélioration dans la situation financière de la caution cette dernière a été libérée de son engagement bancaire.
La preuve du retour à meilleur fortune de la caution incombe donc à la banque.
A contrario, la caution n’a pas à justifier de sa situation financière actuelle auprès des juges en cours de procédure.
Cette décision complique donc l’action en justice des banques puisque, dans de nombreuses situations, elles ne disposent d’aucun élément de preuve sur les revenus et le patrimoine de leurs clients au moment où le juge statue.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que :
- lorsque les cautionnements bancaires représentent plus de 4 fois le montant des revenus annuels de la caution ou que la charge mensuelle de remboursement de la dette envers la banque est supérieure à 33% des revenus mensuels de la caution, cette dernière peut obtenir l'annulation de son engagement en raison de son caractère disproportionné ;
- le montant de tous les crédits à la charge de la caution sont pris en compte pour le calcul de son endettement.
En tant qu'avocat expert en cautionnement bancaire, je vous propose d'analyser l'éventuelle disproportion de vos engagements bancaires et, le cas échéant, de les faire annuler.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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